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La guerre et l’image : un couple discutable

Depuis la guerre de 14-18 les images rapportant les combats constituent un élément important pour l’issue d’un conflit. Le phénomène n’a cessé de croître tant les supports de diffusion influençant les opinions publiques constituent des vecteurs de propagande incontournables. Il n’y a plus d’armée qui n’ait son service de presse ou qui soit capable de monter des opérations spécifiques destinées à discréditer le camp adverse ou à valoriser le sien. C’est devenu essentiel voire décisif. Les exemples ne manquent pas depuis plus d’un siècle.

La « promenade » de Georges Clémenceau dans les tranchées a constitué un exemple de manipulation ayant servi l’image du « Tigre» mais ayant aussi galvanisé les troupes. L’utilisation des actualités cinématographiques et certains reportages diffusés au cours de l’année 1918 participèrent largement, grâce à des mises en scène soigneusement étudiées, à la constitution du « mythe Clemenceau ».

Tout sera calculé pour que son énergie et son enthousiasme impressionnent les spectateurs alors que plusieurs témoignages de l’époque rapportent que Clemenceau commençait à avoir de réels problèmes de santé. Ces images sur le front ou dans les villes dévastées ont largement soutenu le moral de « l’arrière » et ont effacé le sort des Poilus enlisés dans des conditions inhumaines et beaucoup plus difficiles.

La remontée de de Gaulle sur les champs Élysées le 26 août 1944 a indiscutablement assis son autorité sur un pays dont il avait incarné la Résistance. Il ne sera plus contesté car la foule, la mise en scène du défilé, la solennité du moment vont totalement faire taire les contestations possibles. Tous les cinémas en diffusant les séquences des Actualités Pathé, alors qu’il faudra encore neuf mois de guerre pour que le régime nazi soit vaincu, mais ce reportage aura remis la France sur les rails.

De Gaulle réutilisera les mêmes ressorts dans son déplacement en Algérie (démebre 1960). L’ORTF se chargera mettre en ligne avec complaisance des scènes où le Chef du gouvernement ovationné va à la rencontre des enfants musulmans ou se rend en Kabylie territoire réputé hostile où il fut pourtant le mieux accueilli. Venu prendre connaissance du climat qui règne à quelques semaines de la tenue du référendum sur l’autodétermination, il se livre à un bain de foule, exercice où son charisme joue à plein auprès des musulmans, tandis qu’il reste en butte à l’hostilité des Européens.

Il y a aussi deux photos qui symbolisent parfaitement le contexte de deux guerres auxquelles participèrent les troupes américaines. La première a été prise le février 1945 par Joe Rosenthal. Elle montre un groupe de six soldats qui hissent un drapeau étoilé sur le Mont Suribachi de l’île japonaise d’Iwo Jima. Ce cliché qui a été publié et dupliqué en des millions d’exemplaires a donné lieu à des spéculations puisque le photographe fut accusé d’avoir reconstitué une scène qui s’était déroulé quelque temps auparavant. Les États-Unis célébraient ainsi l’héroïsme de ses GI’s et concrétisait une victoire que les bombes atomiques concrétisèrent.

La seconde prise par Nick Ut fit basculer la guerre du Vietnam. Le 8 juin 1972 dans le petit village Trảng Bàng, proche de la frontière cambodgienne, et théâtre de terribles affrontements entre le Viêt-Cong et les forces sud-vietnamiennes ces dernières ont ordonné des frappes au napalm contre les positions ennemies. C’est dans ce contexte que survient une terrible bavure : trois bombes sont larguées sur des civils réfugiés dans le temple bouddhiste du village. L’image montre une petite fille de 9 ans dénudée par le produit inflammables fuyant en hurlant de douleur avec le village au loin. Terrible. Cette photo va changer le sens de la guerre et mettre la propagande américaine en mauvaise posture dans tout le monde. C’est le contre-exemple d’une image qui détruit celles que voulaient diffuser les USA.

Désormais le combat s’intensifie. On vient d’assister depuis quelques jours à l’escalade de l’horreur. Cadavres contre cadavres. Terreur contre terreur. La confrontation entre Israël et le Hamas utilise tous les ressorts de la propagande. La vitesse à laquelle sont dénoncées les exactions d’un camp ou l’autre entre en ligne de compte. Les réseaux sociaux contribuent à cette lutte « médiatique » acharnée et les chaînes de télé avides d’images choc dégueulent les vidéos sans vraiment se soucier de leur contexte. De longues heures plus tard, des jours après, elles sont décortiquées et se révèlent parfois douteuses ou pire totalement fausses. En période de conflit le doute constitue la meilleure arme pour arriver à une possible vérité.

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Cet article a 3 commentaires

  1. J.J.

    Un exemple entre mille pour illustrer pour illustrer ces propos :
    Jacques R. Pauwels LE MYTHE DE LA BONNE GUERRE Les États-Unis et la Deuxième Guerre mondial
    Pas facile à trouver en libraire mais peut se charger en PDF.

  2. christian grené

    Désolé Jean-Marie, mais les sujets de la semaine ne m’ont pas ouvert la piste du déco… llage. Par ailleurs, j’ai reçu un message de notre Laurita qui, transcrit de la langue de Cervantès dans celle de Shakespeare, ressemblait à « Mayday, Mayday ». Un problème d’informatique justement abordé hier. A l’image du temps aujourd’hui, c’est la poisse.

  3. Alain.e

    Serait on en train de nous jouer le retour de Martin Guerre , j’en baye d’ennui ….
    Faudra t’il marcher au pas rangé depardieu .
    La guerre c’est puant et bruyant , j’avais lu un livre qui s’appelait  » guerre et pets  »
    L’auteur avait aussi écrit  » les frères kalachnikov » ,il me semble…..
    Une photo de paix changerai t’elle le cour d’ un conflit , j’en doute , et ce serai quoi comme photo ??
    Cordialement.

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