Le bal permanent des faux-culs !

Depuis plusieurs semaines, on assiste en France à un étrange ballet des faux culs. C’est une spécialité que l’on exerce au plus haut niveau de l’Etat et qui se pratique avec vaillance quand une échéance électorale arrive. Dans les couloirs du Palais du Luxembourg, autour d’un café ou à l’occasion d’une parcours commun, les sénateurs UMP savent qu’ils sont pris pour des « valets » de l’Elysée. Pour, dans un an, sauver leur fauteuil taillé sur mesure, ils courbent l’échine en prétendant, sous le sceau de la confidence, qu’ils regrettent de devoir le faire. Il arrive même qu’il y en ait un qui perde la boule, et dans un moment d’égarement, fasse un lapsus de vote ! Au Palais Bourbon, le climat est identique. La buvette bruisse des commentaires désabusés de députés qui se font écharper dans leurs circonscriptions par les élus locaux paniqués et par les citoyens courroucés…mais qui, revenus en séance, braillent sur l’intérêt des mesures sarkozistes. C’est la réalité qui est étouffée par l’épaisseur des moquettes d’un côté, et par les conversations à voix haute de l’autre. Le doute installé dans les esprits ne peut pas s’exprimer, car la grande majorité des parlementaires UMP ont, comme les fonctionnaires de haut rang, la trouille de se faire laminer par les agissements d’un clan présidentiel sans états d’âme. Les votes s’obtiennent, comme en d’autres époques, avec le consentement résigné des… absents qui ne veulent pas trop se montrer devant les caméras. Une cinquantaine de dévoués serviteurs bosse d’arrache-pied pour que les textes passent dans un climat délétère, ne reposant même plus sur les apparences. Pour l’article 4 sur la durée des cotisations, le sénateur Adrien Giraud, chargé de voter pour l’ensemble de son groupe, s’est trompé sur la couleur des bulletins et a exprimé un « non » catégorique. Résultat, le rejet du texte (155 voix pour, 181 contre ). « La fatigue aidant, après des heures et des heures de débat, notre sénateur s’est trompé. Nous voulions voter pour l’article « , explique le groupe. Une mascarade qui conduira Woerth a revenir sur ce résultat et à obliger ce pauvre sénateur à se renier. Une nouvelle rebuffade a mis à mal la résistance de l’ex-monsieur fric-frac de l’UMP.
L’article 20 bis du projet portant sur la retraite des militaires a été rejeté par le Sénat vendredi soir, les sénateurs de gauche étant plus nombreux que ceux de droite. Cet article de coordination vise à inscrire dans le code de la Défense les relèvements de deux ans des limites d’âge et de durées de cotisation prévues pour les militaires. Après ce vote, la majorité UMP et Union centriste ont multiplié les demandes de scrutin public pour arriver à faire passer les autres articles, et rejeter les nombreux amendements de l’opposition. Ce mode de scrutin autorise le président ou le délégué de chaque groupe à voter pour tous les sénateurs de sa couleur politique, y compris les absents. Il ralentit d’autant le rythme des débats… « Pour une réforme qui serait LA réforme du président de la République, votre mobilisation est extrêmement médiocre », a remarqué benoîtement le socialiste Jacques Mahéas. Un peu plus tôt vendredi, un amendement socialiste, abrogeant une disposition-clé de la loi sur la rénovation du dialogue social, qui propose aux infirmières une meilleure rémunération en contrepartie d’une retraite plus tardive – 60 ans au lieu de 55 -, a été adopté, des voix centristes ayant manqué à la majorité. On se défile. On se planque. On va sur le terrain dire, à mots couverts, tout le mal que l’on pense de la réforme que l’on a votée dans la semaine !
Les déclarations se multiplient pour se démarquer à l’extérieur et se montrer servile à l’intérieur.
La fameuse commission Attali, constituée à l’instigation du chef de l’Etat français, a par exemple totalement démontré que la réforme des retraites n’avait aucune utilité réelle, et a diffusé un contre-projet reprenant quelques propositions de la CFDT. Une sorte de désaveu, qui permettra dans quelques temps de constater que les déclarations enflammées d’Eric Wœrth ne reposent que sur des approches strictement politiciennes de la situation. Le rapport reconnaît, par exemple, que les mesures d’âges, privilégiées par le gouvernement, cibles du mouvement actuel de protestation, sont la solution la plus rapide pour réduire le trou des retraites, mais le plan gouvernemental ne traite le financement des retraites qu’à l’horizon 2020, et est donc sans effet réel pour les gens ayant moins de 50 ans. Elle déplore aussi des effets du recul de l’âge légal de la retraite à 62 ans et de la retraite à taux plein à 67 ans, qui défavorise ceux qui ont commencé à travailler très tôt et qui travailleront nettement plus longtemps que la durée légale, alors même que leur espérance de vie à la retraite est inférieure à celle des salariés entrés plus tard sur le marché du travail.
Le rapport Attali rejoint ainsi une des principales critiques adressées à la réforme actuelle par les grandes centrales syndicales. Il indique que le dispositif carrières longues, pour ceux qui ont commencé à travailler avant 18 ans, ne permet pas de tenir compte complètement de la pénibilité du travail…En fait, on passera sur cette page pour retenir toutes les autres mesures dramatiques, qui ne visent qu’à détruire l’Etat républicain et à le confier aux tenants d’un ultra libéralisme digne de Reagan, Tatcher ou Bush père et fils. Pour les retraites, rien ne bougera, pour le seule véritable raison : c’est qu’un chef de l’Etat français qui fait toujours deux pas supposés être en avant avec fanfare, feu d’artifice médiatique et coup de menton, a été sans arrêt obligé de faire marche arrière face au simple constat de l’échec des mesures annoncées avec fracas et qui s’effondrent dans un silence de plomb. Ce n’est nullement de l’autisme, mais un entêtement strictement dédié à des idées, inspirées par des conseillers de l’ombre, qui attendent depuis des décennies leur revanche des années 80. Toutes les déclarations respirent la revanche, la vengeance et l’absolutisme libéral. Il n’y a aucune autre motivation que celle de casser, de réduire en miettes, de parcelliser la gestion du pays, de telle manière qu’il n’y ait plus du tout de possibilité de résistance collective. Les parlementaires savent qu’avant 2012, il leur faut absolument poursuivre ce démantèlement idéologique pour espérer durer, car c’est leur seul espoir de sauver les meubles. Alors, ils jouent double jeu en s’appuyant sur une « impérieuse nécessité de réforme », mais en assurant qu’ils n‘y sont bien évidemment pour rien !

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Cet article a 2 commentaires

  1. Annie PIETRI

    Le spectacle de la vie politique actuelle, façon Sarkozy, que tu analyses encore une fois avec ta lucidité habituelle, est complètement déprimante ! Qu’un groupe puisse émettre un vote en séance et revenir dessus dans les minutes qui suivent, sur injonction de Monsieur Woerth, relève du reniement et de l’absence totale de dignité….Tous ces gens ne méritent plus, depuis bien longtemps, de représenter le peuple français : ils ne représentent qu’eux-mêmes et leur peur de ne pas être réélus, alors que leur attitude et leurs hésitations devraient les conduire, justement, à ne pas l’être. Espérons que les électeurs seront assez clairvoyants et sauront faire preuve de discernement dans leur choix. A nous de les en convaincre !

  2. Michel d'Auvergne

    Quand la commission Attali prétend que la « réforme des retraites n’avait aucune utilité… ou la désinformation complexifiée » La soit-disant réforme n’est qu’une étape vers la privatisation-capitalisation des caisses, mais pour les « financiers » 62 ans c’est encore trop tôt, inutile de vous expliquer le calcul morbide qui nous conduira, à minima, au départ en retraite à 65 ans.
    Cela représente des sommes colossales auxquelles il serait dommage de ne pas atteler une armée de « kerviels » si bien qu’en cas de plantage on fera comme d’habitude, par Etat interposé, on mettra la main à la poche !
    A moins que…
    En attendant lisez cette info, pour ceux qui ne sont pas au courant.
    http://www.lepost.fr/article/2010/10/16/2267740_la-reforme-des-retraites-va-t-elle-beneficier-au-frere-de-nicolas-sarkozy.html#xtor=EPR-275-%5BNL_732%5D-20101017-%5Bpolitique%5D

    Salut d’Auvergne, vindiou d’vindiou !

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