J’ai eu le privilège (car s’en est un!) avec des amis, de visiter librement et de manière non officielle de palais de la Moneda à Santiago du Chili, ce lieu où le 11 septembre 1973 Salvador Allende a perdu la vie au nom de son idéal ! Voici le texte écrit après ce moment précieux pour mes convictions
« La traversée du Palais de la Moneda s’apparente à celle que l’on peut accomplir sur les océans. Elle débute dans l’espoir et la fierté mais se déroule dans la solitude absolue. Entrer librement dans un lieu institutionnel avec une étonnante facilité apporte la satisfaction d’être au départ d’un parcours hors du commun. On y passe successivement de l’ombre des couloirs aux soleil éclatant des cours intérieures comme s’il s’agissait de faire partager aux femmes et aux hommes cette vision de l’Histoire des peuples. Impossible de ne pas penser dans cet espace rendu à la démocratie, aux moments atroces dont il a été le théâtre.
Les murs blancs de la Moneda gardent le secret des complots, des bruits de bottes, des intrigues et des lâchetés qu’ils ont abrités. Les patios d’une irréprochable propreté ramènent à la joie du partage. La garde présidentielle veille de manière détendue sur ces lieux où l’appareil photo devient la seule arme destinée à construire un avenir au temps présent. On ose pas trop d’ailleurs faire des clichés de touristes affamés de sensationnel.
Impossible de pénétrer dans les salles officielles sans être imprégné du drame qui s’y est noué. Inconsciemment, le visiteur cherche à se raccrocher à une preuve de ces faits entrés dans les repères mondiaux de la résurrection permanente de la bête immonde. Rien ! Absolument rien ! Les traces ont été estompées par le temps mais l’oubli n’est pourtant pas de mise. Le souvenir demeure mais il est surtout réservé à celles et ceux qui gèrent un État encore fragile. On a voulu oublier après que d’autres aient souhaité estomper les traces d’un crime contre l’Humanité.
Sur un mur de briques rouges sang, deux médaillons de cuivre rappellent qu’Allende et ses compagnons ont perdu la vie pour avoir voulu transformer leur idéal en réalités populaires. Dénudé, simple, proche de ces matériaux avec lequel on construit, dans tous les quartiers de la planète des maisons pour les ouvriers, le rectangle tranche avec le revêtement immaculé qui le cerne. Face à ce coussin de terre cuite soigneusement aménagé il est impossible de parler. La gorge se noue. Les yeux se baissent. Des pensées furtives traversent les regards. Le groupe se serre. Personne n’ose se confronter à la dure réalité de ce profil d’un homme d’État ayant préféré la mort à un sort humiliant et sombre. «(…)D’autres hommes dépasseront les temps obscurs et amers durant lesquels la trahison prétendra s’imposer. Allez de l’avant tout en sachant que bientôt s’ouvriront de grandes avenues sur lesquelles passeront des homme libres de construire une société meilleure ». On approche de la fin quand ces paroles traversent l’air et résonnent dans les couloirs du cœur blessé d’une démocratie bafouée. Allende est là… C’est certain ! J’ai froid !
Notre minute de recueillement dure éternellement dans la pénombre d’un pallier frais auquel seuls les visiteurs accompagnés peuvent accéder. Elle débute un voyage dans l’émotion. Elle permet de revenir à l’essentiel, à ce qui permet de se construire des certitudes, à ce sentiment qu’il y a toujours tapi dans l’ombre d’un esprit un loup qui devient un loup pour l’Homme. Allende est passé par là. Allende a espéré ici. Allende a disparu ici. Son sang a coulé, fuyant la vie, rouge comme l’espoir des mineurs ayant extrait le cuivre dans lequel son portrait a été moulé.
Le fracas du bombardement, le crépitement des armes automatiques et un seul coup de feu que personne n’entendra car il est étouffé par la fureur des bourreaux. Dans le fond le silence revenu dans ces couloirs est bien plus terrible. Il envahit l’esprit et oblige à chercher la sortie !
En revenant à la lumière, sur la grande dalle aménagée à quelques mètres de la sortie du Palais, au-dessus du musée d’art moderne voulu par Ricardo Lagos, on respire, on apprécie le soleil, on goûte à la liberté, on s’éparpille, on se sent heureux comme si le poids de l’Histoire s’était brutalement effacé. La Moneda ne s’oublie pas comme tous les Palais hantés par des personnages silencieux hésitant entre l’ombre de l’oubli et la lumière de la gloire. »
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Pauvre Salvador qui voulait changer le Chili !
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