Quand on constate que la fameuse loi du marché, celle du profit exacerbé ou le sacra-saint principe européen de la concurrence libre et non faussée causent des ravages croissants dans le milieu économique et donc sur l’emploi on n’a plus le choix. Le gouvernement actuel a manqué le rendez-vous avec une vraie révolution se situant entre l’étatisation économique et le libéralisme débridé : la mise en place d’une véritable politique de développement de l’économie sociale et solidaire. La commission européenne n’aimait pas du tout cette manière de résoudre une part de la crise car elle aurait eu un impact décisif sur la production, la commercialisation et la consommation. Il fallait oser, inventer, braver en offrant des avantages réels aux gens décidés à devenir actrices et acteurs de leur quotidien. Rien n’a été fait sauf par Benoit Hamon pour tenter de préserver ce que l’Europe n’avait pas jeté en pâture aux « marchands » et aux « capitalisme »… il fallait ouvrir les voies de la coopération, de la mutualisation et de l’autogestion alors qu’elles ont été contraintes à une disparition au nom de cette fameuse concurrence susceptible d’abaisser les prix et donc de favoriser la croissance.
La mise en œuvre de la loi sur l’économie sociale et solidaire votée en juillet 2014 a pourtant tardivement bien démarré, à tous les niveaux, selon la commission des affaires économiques de l’Assemblée. Pour produire plus rapidement des effets, la dynamique nécessite cependant d’être bien portée, notamment par les nouveaux exécutifs régionaux dont on connaît maintenant les orientations politiques. Un doux rêve ! La Bretagne a des décennies d’avance, l’Aquitaine-Limousin-Poitou Charentes a une solide expérience, en Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon le système ESS n’est pas solide… Moins de deux ans après le vote de cette loi et quelques mois seulement après la publication des derniers textes réglementaires parmi les principaux attendus, cette évaluation n’a pas porté sur l’impact de la loi, mais sur la façon dont elle est jusqu’à maintenant appliquée.
Elle a généré de nouvelles instances nationales mais pas beaucoup de concret. On a inventé le conseil supérieur de l’ESS et la chambre française de l’ESS rebaptisée ESS France. Facile mais localement, l’appropriation de la loi prendra certainement un peu plus de temps, suite à la désignation de nouveaux exécutifs régionaux et à la phase de démarrage des nouvelles grandes régions. En attendant tout le monde souffre car la loi du marché est passée par là avec la mise en concurrence de tous les acteurs sous l’injonction bruxelloise (marchés publics, mise en concurrence entre structures de l’ESS, changement total d’image et de comportement) . On traîne. On tarde et en 2017 la loi sera devenue une coquille vide. Benoît Hamon , qui était ministre de l’ESS au moment de l’élaboration de la loi (c’est du passé), s’est dit « assez inquiet » sur la définition des stratégies régionales de l’ESS. « Dans plusieurs régions, il semble que les schémas régionaux de développement économique soient reportés », Dans l’application on bafouille. S’il y a des « améliorations significatives » on ne comptabilise seulement « 160 collectivités sont concernées par l’adoption du schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables », du fait du seuil de… 100 millions d’euros annuels qui définit l’obligation.
L’autre volet relatif aux pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), n’est pas à la hauteur des ambitions initiales. Et le dispositif local d’accompagnement (DLA) a permis d’améliorer bien des situations associatives employeuses ou de groupements d’employeurs mais il ne répond pas à absolument tous les besoins alors qu’il y a maints dispositifs pour développer ces secteurs. Les petits porteurs de projet, en particulier, ont du mal à trouver des financements alors que les sources de financement ciblées ESS ne manquent pourtant pas : l’offre de Bpifrance avec notamment le fonds d’innovation sociale (Fiso), les programmes d’investissements d’avenir, l’épargne solidaire – qui représenterait un gisement de près de 7 milliards d’euros pour l’ESS – ou encore le nouveau fonds de 100 millions d’euros géré par la Caisse des Dépôts. Pour accéder à certains de ces financements, l’agrément d’entreprise solidaire d’utilité sociale (Esus) est nécessaire, en particulier pour les sociétés dont le statut n’entre pas dans les catégories historiques de l’ESS. C’est en fait très compliqué d’obtenir l’octroi de cet agrément, notamment parce que les sociétés en question doivent, au préalable de leur demande d’agrément auprès des Direccte, être reconnues d' »utilité sociale » par les greffes des tribunaux de commerce.
En matière de simplification administrative, des progrès concernant les associations sont observés, avec notamment le démarrage du dossier unique de demande de subvention.
Plus que jamais pourtant une véritable dynamique doit émerger pour régler des pans entiers de la vie collective en déshérence faute d’intérêt du secteur privé reposant sur le profit. Pour y parvenir il faudrait enfin, après la loi courageuse de Benoït Hamon, une volonté politique claire et affirmée de faire du développement de ce secteur une priorité politique. « Politique » ? J’ai écrit « politique »…
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L’E S S aurait pu avoir de beaux jour devant elle, mais son nom même fait peur à certains, surtout si on y ajoute coopération, mutualisation, autogestion !
Ce sont des mots terribles et qui font peur, ce serait l’avenir bouché pour les profiteurs et ogres financiers de tout poil, donc il faut noyer le poisson.
Ce n’est pas sérieux ! Des gens qui travailleraient, qui gagneraient décemment leur vie en gérant leur outil de travail et n’abandonneraient pas le résultat de leur labeur à un patron de droit divin !
Le drapeau bleu de l’Europe en attraperait une jaunisse !
Si seulement il pouvait virer au rouge (pas comme le turc) !
Oui J.j. tout est possible dans notre pays. Gerer son outil de travail est quelque chose qui ne peut exister. L’outil de travail ne peut etre gère, ç’est impossible.