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Le retour vers un emploi pour tous est un mirage

Le mythe du plein emploi hante les débats politiques. Il reste très présent dans les campagnes électorales alors que tous les indices tendent à prouver que le véritable problème sera dans les années à venir la signification de « l’emploi ». Il deviendra en effet de plus en plus difficile de maintenir compte-tenu de l’évolution technologique le travail humain tel que nous le concevons. Les contestations actuelles sur le coût du salariat est vraiment un combat d’arrière-garde puisque quand on observe attentivement les évolutions sociales on apprend que le véritable enjeu reste de « partager équitablement les possibilités d’offrir du travail productif » au plus grand nombre. On n’y parviendra qu’en admettant que la solution passe par la diminution du temps de travail et absolument pas par son retour à des niveaux antérieurs. C’est iconoclaste mais c’est incontournable. C’est ainsi que si on s’attaque aux 35 heures ce serait pour ramener la durée hebdomadaire du temps de travail en deçà et pas au-delà. Faute d’une réflexion sérieuse sur l’avenir de l’emploi!
En effet des études sérieuses, peu connues car contraires à l’opinion dominante entretenue par des analyses superficielles, attestent que sans cette décision de Martine Aubry le volume du chômage serait exceptionnellement élevé en 2016. Ainsi sur les 2,4 millions d’emplois créés dans les entreprises entre 1992 et 2006, 1,9 million l’ont été durant la période 1998-2002. Tout cet emploi supplémentaire ne peut être imputé à la seule réduction du temps de travail (RTT) car la croissance a joué un rôle majeur. Mais, à l’inverse, il est clair que la croissance exceptionnellement forte de l’emploi salarié durant les années « 35 heures », de 1998 à 2002 inclus (+ 15% pour les sociétés et + 10,5% pour l’ensemble de l’emploi salarié), ne peut en aucun cas être expliquée par la seule croissance économique qui a été de 14% durant ces cinq années cumulées. Selon l’Insee et le service statistique du ministère du Travail, les 35 heures sont responsables d’environ 350 000 emplois supplémentaires sur l’ensemble de la période étudiée.
Cette hausse devrait conduire les politiques a des comportements forts différents et à rengainer les discours tout prêts sur la nécessité de « tuer le carcan des 35 heures ». Ces chiffres font tomber les critiques consistant à dire que si elles permettaient de créer des emplois grâce au « partage du travail », ‘elles allaient aussi en supprimer par ailleurs, compte tenu du coup de frein qu’elles entraîneraient sur la croissance. Ce n’est pas du tout ce qu’on a observé entre 1998 et 2002 ! Le constat est formel. Il ne faut absolument pas déconnecter la reprise économique marquant cette période et les 35 heures car ce sont les deux critères qui ont permis d’accroître le nombre d’heures salariées travaillées dans les branches concernées alors que la baisse avait été antérieurement constante..
Entre 1992 et 1998, plus de 400 millions d’heures de travail ont été supprimées. Alors qu’entre 1998 et 2002, le nombre d’heures de travail salarié a progressé de 800 millions. Il n’a pas varié depuis 2002 alors que viennent d’apparaître de nouveaux périls pour l’emploi. L’utilisation passive d’Internet va s’accentuer et forcément détruire des pans entiers de l »économie de proximité et donc les emplois qui vont avec. Jamais internet n’en créera autant qu’il en fait disparaître dans des secteurs marchands (banques, assurances, ventes, emplois publics, services divers…). Et on prédit même dans les toutes prochaines années l’arrivée massive des robots déjà très présents dans l’industrie manufacturière mais dont on ne parle guère.
Les progrès réalisés ces cinq dernières années dans l’intelligence artificielle vont en effet selon les spécialistes permettre de construire des robots, capables d’exécuter quasiment toutes les tâches humaines, menaçant des dizaines de millions d’emplois au cours de 30 prochaines années. Nous approchons du moment où les machines pourront surpasser les humains dans presque toutes les tâches. On en arrive même à imaginer, idée impensable il y seulement 30 ans, un taux de chômage qui approcherait les 50 % car aucune profession n’est à l’abri de cette évolution imminente.
L’automatisation et la robotisation ont déjà bouleversé le secteur industriel, dopant la productivité au détriment de l’emploi. Le nombre de création de postes dans le secteur manufacturier a atteint son pic en 1980 aux Etats-Unis et n’a cessé depuis de diminuer, s’accompagnant d’une stagnation des revenus de la classe moyenne. Or en 2016 sont venus s’ajouter aux USA plus de 200.000 robots industriels et leur nombre continue à augmenter. Par exemple 10 % des conducteurs de véhicules divers (transports en commun, transports en site propre, automobiles de livraison…) vont rapidement disparaître car dans une décennie la conduite sera entièrement automatisée.
Selon lui, 10% des emplois qui nécessitent de conduire un véhicule aux Etats-Unis pourraient ne plus exister en raison de l’automatisation de la conduite d’ici vingt-cinq ans. Et il en est ainsi dans de très nombreux autres secteurs de la vie sociale… et on continue à vouloir augmenter le temps de travail des salariés au nom d’une rentabilité très éphémère. Selon l’un de savants appelant à la mobilisation internationale il est urgent de « s’assurer que la technologie demeure un bon serviteur et ne devienne pas un maître dangereux ». Un lanceur d’alerte qui risque d’être moine entendu que les analystes financiers !

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Cet article a 4 commentaires

  1. J.J.

    C’est une évidence que si l’on diminue le temps de travail, il y aura de l’emploi pour une grande partie de la population. C’est compréhensible pour n’importe quel enfant de maternelle qui a vu découper une tarte !
    Mais évidemment c’est trop simple(les Shadocks sont de retour !) et ça dépasse largement les compétences d’un ancien élève d’une grande école où l’on étudie l’Economie.
    Ça dépasse également probablement les compétences de monsieur Châtel, partisan du gaz de schiste et des OGM et qui n’a pas honte d’être de droite (tiens, il y a des gens qui pensent que l’on peu avoir honte d’être de droite ?) Voir sur le sujet « Sud Ouest » du 14/02/2016.

  2. C. Coulais

    Captain Economics « En effet, la hausse de la productivité va occasionner une hausse de la production via trois canaux distincts. Le premier impact positif de la mécanisation est la baisse du coût de production des entreprises, qui se traduit ensuite soit par (1) une baisse des prix de vente et donc une hausse du pouvoir d’achat pour l’ensemble de la population ou (2) une hausse du profit des entreprises, qui implique une hausse de l’investissement par la suite (si le cash est gardé par l’entreprise dans un coffre-fort, cet avantage disparaît il est vrai…). »
    http://www.captaineconomics.fr/-productivite-emploi-chomage-machine-salaire
    Le problème est bien là ! Ce fameux CASH qui n’est en rien redistribué aux salariés. Et donc pas de hausse de pouvoir d’achat, pas la possibilité d’acquérir des biens consommables et de première nécessité locaux, régionaux, français, de meilleure qualité achetés aux producteurs à leur juste prix économique, social, environnemental !

  3. Bernadette

    Et les agriculteurs qui travaillent en dessous des coûts de production, personne ne les défend même pas le Ministre de agriculture.

    1. J.J.

      Le ministre de l’agriculture, comme le reste du gouvernement d’ailleurs, est la cinquième voir la sixième roue du carrosse de l’Europe ; son avis et ses prises de position de toute façon comptent pour du beurre, cependant acheté pour spéculer à bon compte au préjudice des éleveurs.

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