« Discours prononcé lors de l’intronisation de Mario Rigo dans la confrérie de la Cagouille créonnaise… une histoire d’actualité »
Mario Rigo après son frère Antoine va entrer dans la confrérie conviviale de la cagouille créonnaise. Ce n’est que justice et équité. Nous accueillons le plus italien des Français ou le plus Français des italiens !
Pas un Créonnais ne mérite plus que lui de siéger parmi ce conseil des défenseurs de notre tradition locale. Mario pourrait même être le symbole parfait de cette soirée durant laquelle le mélange des cultures dans tous les sens du terme, françaises et italiennes sont à l’honneur.
Mario est en effet né il a maintenant un peu plus de 90 ans dans la commune italienne de Sequals au Nord de Venise avec laquelle il garde des attaches. Située dans le Frioul ce village a la particularité d’avoir vu naître le célèbre champion du monde de boxe Primo Carneira mais aussi celle d’avoir vu grandir les plus grands mosaïstes d’avant-guerre. Une contrée de gens vaillants et combatifs.
« Mario et ses frères » tel pourrait être le titre d’un film extraordinaire dont le scénario ressemblerait étrangement à celui que vivent des réfugiés actuels.
Les parents Rigo, avec de maigres baluchons et derrière eux Guérino, Victor, Antoine et Mario et leurs sœurs Marceline, Roseline, Tranquille ont un jour de 1933 pris les trains de l’exil vers la France qui manquait de bras pour faire vivre son sol. Leur frère aîné a pris pour sa part la direction de l’Argentine. Tous fuyaient un avenir sombre qui s’annonçait pour l’Italie.
Grâce à la complicité de ceux qui les avaient précédés ils ont pu trouver asile dans une masure au sol en terre battue à Saint Géraud, minuscule village à la frontière de la Gironde et du Lot et Garonne. « Nous avions l’eau courante dans la maison explique avec humour Mario puisque quand il pleuvait l’eau venue du toit ruisselait sur le sol ! ». Le dur apprentissage de la langue française en lieu et place du patois frioulan, l’éreintant travail de la terre dès que le temps l’exigeait, la polenta plus souvent que la viande, la précarité du quotidien : une vie d’une famille nombreuse de domestiques agricoles avant-guerre !
Déménagement rapide de la famille vers un sort meilleur à Saint Martin de Lerm puis un grand bond jusqu’à Camiac et une dernière halte au domaine de la Renardière à La Sauve Majeure. La vigne, les moissons, les animaux, les foins, les vendanges… le quotidien de tous les garçons de la famille avec quelques escapades vers Créon.
Quand Guérino fonde son entreprise de maçonnerie avec le clan Truant ; quand Victor rejoint son frère sur les échafaudages ; quand Antoine s’installe à son compte sur une propriété ; Mario devient alors dans les années 50 chauffeur d’autocar pour Citram.. Et quel chauffeur de car… mythique, exceptionnel, connu et reconnu par des centaines de milliers de voyageurs de tous âges empruntant la ligne Créon-Bordeaux chaque matin et chaque soir ! Il serpentera sur les routes de campagne du Créonnais sans aucune défaillance et sans aucun accident durant 4 décennies. Mario connaissait tout le monde et tout le monde connaissait Mario et son accent inimitable ! Il était réclamé de partout pour les excursions qu’il montait avec les associations : pèlerinages répétés à Lourdes, voyages dans toute la France et même suprême bonheur, un jour, dans son village natal après un déplacement à Venise.
Mais Mario fut aussi l’un des acteurs les plus festifs, les plus actifs de la commune libre du quartier de la Gare avec ses frères dont Guérino fut le leader. Il n’a jamais rechigné à participer aux défilés, aux stands, aux grands gueuletons aux cotés des Langaud, Simard, Saucés, Manet, Apercé, Camus, Dubourdeaux, Cerquin, Moulia… figures emblématiques de ces fêtes annuelles exceptionnelles par leur originalité.
Mario est l’un des derniers témoins de cette envie heureuse du vivre ensemble que représentaient ces journées de liesse populaire simples mais précieuses. Il a apprécié à sa juste valeur la cagouille du dimanche matin au café de la Gare et en a activement fait la promotion gastronomique.
Dans son quartier il a cependant installé depuis longtemps une réserve. La plus belle des réserves créonnaises de biodiversité : son splendide jardin potager fait l’admiration de tous ! On s’arrête our l’admirer. La prolifération de la cagouille y est cependant maîtrisée. Celle qui y vivent ont le label biologique et sont d’une qualité exceptionnelle ! Mario donne avec ce jardin la plus grande leçon de courage à 90 ans. Malgré le poids des années, les conséquences de la maladie, il tient à ce que cet espace situé rappelons le dans les fossés défensifs de la ville bastide de Créon, soit rangé, propre, productif. Un véritable potager à l’ancienne aussi bien ordonnancé que les jardins des grands châteaux. Il peine, il martyrise son corps, il sue mais il ne laisse à personne le soin d’entretenir ses plates-bandes parfaitement tracées et plantées.
Il a fait sienne le fameux principe voulant que pour être heureux il faille savoir cultiver son jardin ! Sans ce potager sa vie n’aurait plus de sens et il lui permet de traverser le rythme immuable des saisons et de continuer à entretenir un rapport amoureux avec la terre de Créon.
Mario mérite amplement de nous rejoindre amis de la Confrérie et nous devons nous sentir honoré de le compter désormais parmi nous ! Je suis fier d’être l’un de ses fils d’immigration!
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Mi piace molto bella storia di un friulano d Italia
Le frioulan n’est pas un patois, ni un dialecte italien, mais une langue rhéto-romane, parlée en Italie, dans la région autonome du Frioul-Vénétie julienne, langue minoritaire reconnue comme le slovène et l’allemand, en Vénétie à Portogruaro, et dans le reste de l’Italie par les descendants des émigrés de l’intérieur et dans le monde par les descendants des émigrés frioulans.
Il y aurait actuellement environ un million de locuteurs.