Les manifestations de mécontentement ne sont pas habituelles en été puisque l’activité économique tourne au ralenti et que les vacances anesthésient provisoirement les sujets de mécontentement. En général les mouvements de contestation arrivent fin septembre ou début octobre durant une période souvent appelée « rentrée sociale » sur laquelle les commentaires de gens bronzés comme des sous neufs tournent aux prédictions catastrophiques. Or depuis quelques décennies, selon les aléas climatiques ou la dure application de la loi du marché, des filières agricoles françaises menacent de perturber grandement les vacances paisibles des consommateurs passifs. Les actions visant à déverser des tonnes de fruits ou des légumes, à vider des cuves de purin ou à déverser des remorques de fumier appartiennent aux bonnes manières d’attirer l’attention du grand public sur les difficultés rencontrées par les producteurs.
Les arboriculteurs, les éleveurs, les maraîchers ayant tablé leurs activités sur une mono-activité extensive ou quasiment « industrialisée » se plaignent à juste titre du diktat de la « grande distribution » ajustant ses prix d’achat aux volumes proposés. Plus d’approvisionnement dans la proximité pour les grandes centrales d’achat car elles jouent sur le cours de l’abricot, de la pèche, du melon, de la tomate ou des grillades… de bœuf, de porc ou de mouton comme des traders en bourse. Elles abaissent au maximum les cours en utilisant, comme tout le reste de l’année d’ailleurs, le dumping social européen. Et inévitablement elles arrivent à tirer ver le bas les productions françaises de saison forcément plus onéreuses.
Une vision simpliste tend à reporter vers les acheteurs ce qui relève de la responsabilité politique ! Difficile à admettre dans ce monde des apparences car comme le veut une tradition démocratique on traite les effets et jamais les causes. Or les gouvernants ne peuvent ignorer que l’Europe qui a adopté le principe strictement suicidaire de « la concurrence libre » est à la base des difficultés rencontrées dans bien des secteurs. On a en effet oublié la suite du principe avec concurrence libre et… « non faussée » ce qui est pourtant essentiel. Or en Europe la concurrence est faussée en dans toutes les productions. Tout élève d’un CM2 d’antan a en effet appris que le « bénéfice » n’est que la résultante de la différence entre le « prix de revient » et le « prix de vente ». Or si le second paramètre reste librement fixé par le vendeur, le premier dépend en grande partie d’éléments non maîtrisables pour le producteur (charges sociales, méthodes de production, qualité du produit, circuit de commercialisation, distances de transport…).
En été, il faut être clair : les vacanciers s’en moquent totalement. Il va au moins cher ! Combien parmi eux ont retenu que la traité européen qu’on leur a fait avaler de force contenait déjà en germes la situation actuelle : « concurrence libre et non faussée » déterminante pour le monde du profit mais catastrophique socialement en cascade pour bon nombre d’entre eux ? Combien sont-ils parmi les manifestants estivaux d’aujourd’hui à s’être laissés berner par ce traité qui devait leur permettre d’aller « tuer » ses collègues d’autres pays grâce à l’amélioration incessante des conditions de production (mécanisation, travail au noir, semences OGM…) ? Le boomerang leur revient en pleine face avec chaque été, pour eux, la découverte de l’impitoyable loi du marché !
Venant des quatre coins du Maine-et-Loire, des manifestants se sont ainsi donné rendez-vous à la fermeture de quatre grandes surfaces d’Angers. Là, ils ont chargé des chariots de supermarché. Ils sont allés ensuite vers la préfecture. Une dizaine de tracteurs équipés de remorque on vidé les chariots. Sur les grilles, des mannequins rembourrés de paille et des banderoles ont été accrochés. Sur celles-ci, on pouvait lire « Leclerc = menteur » ou encore « Le Foll m’a tué ». Des panneaux noirs « HELP » suspendus sur les bras des tracteurs affichaient : « Partagez vos marges, sauvez l’élevage » pour la grande distribution. Autant de slogans de désespoir face à un système totalement perverti. Rien ne permet en effet de fixer en France dans l’état actuel de la réglementation européenne un prix plancher d’achat de la viande, des fruits ou des légumes. Sur quels critères de qualité ? Pour quelle demande ? Pour quelles quantités ? Impossible de subventionner ! Impossible réguler sans l’accord totalement improbable de Bruxelles.
Un plan national de développement des circuits courts avec les collectivités territoriales organisatrices de « marchés » devient urgentissime. Le soutien à la mise en place de circuits parallèles de distribution directe par les producteurs (SICA, coopératives de vente, réseau de vente…) va devenir crucial. En été il faut aller sur les vrais « supers marchés » dans les villages, prendre le temps d’effectuer des comparaisons qualité-prix et surtout faire confiance aux vrais producteurs. C’est devenu un acte citoyen…d’été !
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