Une interprétation malvenue de l'idée de civilisation

Un affrontement politique tourne désormais autour de l’utilisation d’un mot ou d’un autre. Il alimente le débat et surtout devient d’autant plus important qu’il suscite la polémique. C’est ainsi que Manuel Vals a utilisé une formule sur laquelle tous les exégètes médiatiques se sont penchés en 24 heures avec d’autant plus de délectation qu’elle se prête à toutes les interprétations. Si elle recouvre en réalité des définitions très fluctuantes, la conjonction des mots « guerre » et « civilisation » est devenue politiquement sensible ces dernières années, du fait de la référence au « choc des civilisations » popularisé par les milieux néoconservateurs américains et le président George W. Bush.
En fait ils n’ont rien inventé mais ils se sont inspirés d’un certain Samuel Huntington qui fait paraître en 1993 soit il y a plus de 20 ans un long article dans la prestigieuse revue diplomatique Foreign Affairs . Le titre est provocateur puisqu’il s’agit de : « The Clash of Civilizations? ». Le point d’interrogation prend toute sa valeur. En 1996, il a disparu pour la parution du livre tiré de cet article « Le choc des civilisations et la refondation de l’ordre mondial ». Dans ce best-seller, Samuel Huntington explique que, dans le monde de l’après-guerre froide, les conflits n’opposeraient plus des nations ou des idéologies, mais des groupes culturels ou religieux. Prémonition ? Capacité d’analyse ? Une thèse récupérée par les néoconservateurs américains et par tous ceux qui cherchent à justifier une incompatibilité entre les pays occidentaux et le reste du monde.
Selon le politologue, le monde se divise en sphères culturelles, qu’il appelle « civilisations », dont l’affrontement est à l’origine des conflits actuels et à venir. Il en distingue sept ou huit : l’Occident, les civilisations latino-américaine, islamique, orthodoxe autour de la Russie, hindoue, japonaise, chinoise, et éventuellement africaine. Cette vision peut paraître extrêmement réactionnaire sauf qu’elle a fini par s’installer dans le paysage. Sauf qu’elle s’accompagne d’une mise en garde dont personne n’a tenu compte et surtout pas les réactionnaires expansionnistes américains.
Huntington rompt avec les ambitions impériales qui caractérisent la politique étrangère américaine. « La croyance occidentale dans la vocation universelle de sa culture a trois défauts majeurs : elle est fausse, elle est immorale et elle est dangereuse. » Les États-Unis ont tort de vouloir imposer par la force leurs valeurs et leur culture. Le risque serait grand alors d’une escalade des tensions qui déboucherait sur un conflit intercivilisationnel. La politique conduite en Irak et en Afghanistan par George Bush et Dick Cheney a immédiatement perdu de vue cette annonce. Si le « choc des civilisations », manière Huntington a bien eu lieu et se développe à folle allure les pays interventionnistes en portent une lourde responsabilité puisqu’ils ont justement cristallisé des « groupes religieux ou cultuels » mais à aucun moment des sphères culturelles qui fondent les vraies « civilisations ».
Il ne s’agit donc absolument pas dans le contexte mondial actuel d’une « guerre de civilisation s » et comme l’ont dénoncé, Benoit Hamon (la formule n’est »pas bonne »et peut avoir des conséquences négatives », y compris sur « notre territoire »), Julien Dray (« la civilisation arabo-musulmane n’est pas une menace par rapport à la civilisation judéo-chrétienne »). Martine Aubry a elle-aussi pris ses distances avec une déclaration pour le moins ambiguë. Il faut parler de « groupes » terroristes instaurant un système de dictature sur la base d’une oppression religieuse transgressant absolument tous les repères habituels. Il ne s’agit nullement des représentants d’une civilisation au vrai sens du terme.
Lors de la dernière guerre mondiale les « nazis » représentaient-ils une « civilisation » et le combat mené était-il celui d’une civilisation contre une autre ou tout simplement la lutte contre des idées immondes mises en pratique par un groupe organisé? L’endoctrinement par les cadre nazis ou par les cadres islamistes ne divergent guère et les méthodes étaient le mêmes. Les nazis avaient leurs « collaborateurs » venant des pays étrangers pour partager avec eux la haine de l’autre, . La secte Daesh a les siens qui l’ont rejoint ou qui exportent ses pseudos convictions religieuses.
Impossible de parler de civilisation en ce qui les concerne. Manuel Vals a rétropédalé car l’interprétation de ses propos le conduisait sur un terrain glissant sauf que si l’on se fie aux prophéties de Hungtinton on arrive à penser qu’il n’est pas loin de la vérité !

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Cette publication a un commentaire

  1. batistin

    Il est à noter qu’il n’existe qu’une seule « espèce » d’être humains, une seule « race »:
    les êtres humains.
    Ceci étant, comme aurait surement pu le dire le célèbre Michel Audiard,
    il existe pourtant deux sortes d’hommes:
    les hommes… et les autres !

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