Ségolène Royal et le théâtre des ombres

Image4« Je leur ferais de l’ombre ! » Ce sera la phrase que l’on conservera de la présence de Ségolène Royal, dont tout le monde connaît « la bravitude ». Certes elle a vite démenti ces confidences (probablement off comme l’on dit dans le langage journalistique) faites à un confesseur de l’hebdo Le Point, mais le buzz est lancé. Ma maigre expérience du milieu (20 ans) me permet de penser que rien n’a été inventé dans cette formule, car en général, quand une femme ou un homme politique demande à son interlocuteur de ne pas le répéter c’est qu’il brûle d’envie que vous le fassiez, à condition de vous permettre ensuite de démentir que vous l’ayez dit !

On appelle ça organiser une fuite afin de se positionner ou de délivrer un message subliminal à destination des personnes intéressées. C’est un jeu que pratiquent les ténors des médias et ceux du pouvoir devant un ou plusieurs cafés, mais en l’occurrence je ne peux que confirmer que « l’ombre » est le mot clé de la vie politique. Pour vous faire une place au soleil dans le monde des gens qui espèrent compter, il faut justement savoir dominer la face obscure de la vie publique. Voici une leçon en 4 tableaux pour débutants ou personnes ambitieuses, les vertus ou les défauts de l’ombre en politique :

 

Premier conseil : ne jamais sortir trop tôt de l’ombre. C’est un art de vivre caché afin de laisser accroire au « patron » que c’est lui qui décide de tout. Suggérer, conseiller, proposer puis disparaître dans les coulisses afin de ne pas montrer des qualités supérieures à celui que vous devez servir. Lentement, dans le trou du souffleur, il faut se rendre indispensable, mais avoir la sagesse de ne pas arriver trop souvent face aux feux de la rampe. Pour survivre ambitieux, il est indispensable de vivre caché… et surtout de surgir au moment où l’on a besoin de vous. C’est ingrat, long, mais c’est indispensable. Lentement vous apparaissez dans les projecteurs de l’actualité… mais jamais en prenant la place de celui que vous devez suivre. On ne compte plus les disciples d’Icare qui en voulant voler vers le soleil se sont écrasés sur le sol de la réalité pour ne pas avoir su préparer leur ascension dans l’ombre. Ségolène Royal se trouve actuellement dans cette période ! Elle doit se montrer, mais avec parcimonie et modestie, pour ne pas émerger trop de la pénombre où elle piaffe d’impatience. Elle cristalliserait aussitôt la hargne de ses ennemis !

Second conseil : ne jamais lâcher la proie pour l’ombre. Il existe une tactique aussi vieille que le pouvoir. Elle consiste justement à attirer les alouettes écervelées en leur faisant miroiter une réussite rapide afin qu’elles soient rapidement la cible des chasseurs en embuscade. Le « maître du jeu » fait émerger des talents les uns après les autres, afin qu’ils se pensent tous indispensables, avant de les laisser s’écharper entre eux. On appelle ce système : le système du papillon de nuit ! L’épuisement dans la concurrence va conduire les phalènes à mourir tous les uns après les autres, car celui qui a allumé la lumière maîtrise le temps. C’est un art de ne rien dire quand on est chef, afin que tout le monde pense que qui ne dit mot consent ou désapprouve. Toute la subtilité de la manœuvre réside dans une distribution des rôles permettant à tous les attributaires de se penser l’élu ! Seule l’expérience d’avoir longuement observé depuis les coulisses permet de détecter le traquenard et surtout de ne jamais se faire d’illusions. Ségolène le sait et l’aventure rochelaise l’a renforcée dans ce constat… de ne jamais lâcher la proie pour l’ombre !

Troisième conseil : éviter de faire de l’ombre. Ségolène Royal a raison : rien de pire ! Aucune idée nouvelle, aucune initiative particulière, aucune prise de position originale: tournez votre langue des dizaines de fois dans votre bouche avant de formuler une proposition. Sachez rester silencieux et ne jamais prendre le risque de paraître publiquement meilleur que celui que vous devez servir. Si un jour, en sa présence, quelqu’un ose dire que vous avez fait une « excellente expression » ou qu’il « veut vous rencontrer,  vous » méfiez vous, c’est prie que s’il vous poignardait. Il arrive que vous fassiez de l’ombre à l’insu de votre plein gré et là, vous soulevez immédiatement des réactions violentes cachées de gens qui imaginent que vous avez une âme de calculateur dangereuse ou que vous êtes dans un complot similaire à celui que justement les autres sont en passe de monter. Ségolène Royal a donc raison… de confier son désarroi. Quelle que soit sa volonté d’être utile à sa cause, personne ne la croira et surtout pas les observateurs qui cherchent en permanence la face cachée d’un comportement. Quoi qu’elle fasse, elle sera « suspectée » de « monter un guet-apens pour ses rivaux… »

Quatrième conseil : vivre pas trop longtemps dans l’ombre. Pour vivre heureux, il faut justement se contenter de travailler sans être repéré, et apprendre à que l’on est beaucoup plus puissant à cette place qu’en pleine lumière. Croire que c’est la facilité, c’est commettre une erreur fatale. Tout voir. Tout savoir. Tout entendre. Tout apprendre… constitue un pactole monnayable à un moment où à un autre. C’est usant, déprimant, épuisant mais c’est un art formateur. Ségolène Royal le sait, car elle a vécu justement aux côtés de Mitterrand, et elle a appris beaucoup de l’homme le plus talentueux pour l’exploitation des talents. Il faut bien convenir que souvent on finit par craquer et par se laisser aller à vouloir voler de ses propres ailes. Elle a appris à ses dépens qu’il ne faut pas se rater, car l’échec vous condamne à être rétrogradé, jalousé, piétiné et même humilié. Les ambitions des uns sont incompatibles avec la sincérité que vous pouvez afficher. Alors souvent, il vaut mieux tirer l’échelle et attendre patiemment que le désastre survienne pour justement être appelé au secours ! On en reparle dans 18 mois environ !

 

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Cet article a 2 commentaires

  1. atelier amabati

    La Cour, telle qu’elle fut inventée par Louis XIV, aura résisté à la Révolution !

  2. J.J.

    L’affaire venant du et « à Point », publication que personnellement je ne juge pas très sérieuse, cette histoire me laisse quelque peu dubitatif.

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