Plus j’avance sur le chemin du temps et plus je me pose une première question existentielle fondamentale : « Qu’est-ce qu’un vieux con ? »; puis en vient immédiatement une seconde en cette fin d’été « En suis-je membre émérite? » Depuis que la société organisée existe, les deux appréciations vont de pair et s’appliquent à absolument toutes les générations. Les moins vieux trouvent toujours que leurs aînés sont totalement à cô té de la plaque… et ces derniers ne cessent de dénigrer une génération qui ne respecte rien ! C’est la loi du genre et une seule chanson, celle de Brel sur les Bourgeois résume parfaitement l’évolution sociale portée par ces comportements.
Les bourgeois c’est comm’ les cochons
Plus ça devient vieux, plus ça devient bête,
Les bourgeois c’est comme les cochons
Plus ça devient vieux plus ça devient…
La jeunesse est impitoyable dans ses jugements et elle n’hésite pas à se moquer de ces « croûlants » qui ne comprennent absolument rien à la vie. Eux, ambitieux et prêts à dévorer l’avenir à belles dents, ne souffrent pas qu’on les freine dans leur élan. Ces adolescents ou ces adultes en devenir contestent forcément les repères que l’on veut leur imposer en invoquant la liberté qu’on leur doit. Ce sont eux d’ailleurs qui le plus souvent font évoluer les mœurs ! Dans leur regard, souvent, pour certains, j’ai l’impression de ne pas être capable de les comprendre, et donc que je suis inévitablement dans le camp des vieux cons. C’est un postulat de départ, une sorte de fait inévitable auquel il est impossible d’échapper, au-delà d’un certain âge. Un a priori qui germe dans tous les esprits en formation. Il faut le savoir, le prévoir ou le vouloir, car autrement, la désillusion est grande. Elle vire même très rapidement à l’affrontement avec ses déchirures de part et d’autre. Le problème essentiel, c’est que tout « vieux con » oublie très, très vite qu’il a été forcément à un moment ou à un autre un « jeune con ». On ne se forge en effet son caractère que dans la confrontation qui permet de s’apercevoir ensuite que ce pourquoi on a combattu était démesuré ou sans fondement réel. La soif de vivre en dehors des règles n’autorise pas l’ivresse de la contestation, mais elle permet d’aller toujours chercher plus loin l’eau fraîche de la liberté.
Le « no limits » devient alors extrêmement dangereux, mais il n’intervient que quand justement aucune barrière n’a été dressée avant la rupture. Alors oui, je suis un « vieux con » car je reste persuadé que il ne faut jamais renoncer à s’opposer, même si l’effet immédiat est nul ! Le jeunesse mérite autre chose que le laisser-aller réputé formateur, mais elle ne souffre pas d’être écartée des chemins de l’avenir au nom de la protection des « vieux ». Critiquée, vilipendée, assassinée par la mise en valeur médiatique des manquements de quelques éléments offrant aux générations en place alors le pire des maux : la généralisation ! Toute faute leur est imputable ! Au moindre événement critiquable le constat est le même : « C’est encore des jeunes…ils n’ont rien d’autre à faire ! Ils font que des conneries !… »
Il est indispensable d’inverser totalement ce raisonnement. La jeunesse n’est que le reflet des erreurs commises par les aînés. Elle ne porte aucune responsabilité dans les erreurs qu’elle commet. Elles nous sont imputables. Rousseauiste je suis. Rousseauiste je demeure. Rousseau a annoncé la modernité, avec l’«Emile», «les Confessions», le «Contrat social». Mais il est mieux que cela : selon la formule de Leo Strauss, il a été le premier «critique moderne de la modernité», le premier à pointer les contradictions du progrès, non d’un point de vue réactionnaire, mais dans la perspective d’une humanité devenue autonome. Il a compris que «tout tenait radicalement à la politique et que, de toute façon qu’on s’y prit, aucun peuple ne serait jamais que ce que la nature de son gouvernement le ferait être». L’homme est libre, mais s’il se construit lui-même, il peut aussi se détruire. «Pourquoi l’homme seul est-il sujet à devenir imbécile?» demande-t-il. Moi-aussi !
C’est la seule raison qui justifie la mise en valeur des jeunes qui, sans être éteints, idiots, résignés savent imaginer sans déraper, agir sans démolir, se libérer sans dénigrer, refuser la normalité sans systématiquement la combattre, se passionner sans idolâtrer, vivre sans tuer les autres. Je suis un vieux con… C’est une certitude ! Je préfère la valorisation de la construction de la responsabilité à la valorisation de l’irresponsabilité ponctuelle. C’est pour cette raison que demain, une fille et un garçon seront mis à l’honneur à Créon par un « vieux con » qui croit irrévocablement en eux ! Je mourrai donc vieux con et fier de l’être ! Que je sois préservé de la conclusion de la chanson de Brel :
Au bar de l’Hôtel « Des Trois Faisans »
Avec Maître Jojo,
Et avec Maître Pierre
Entre notaires on pass’ le temps. Jojo parle de Voltaire
Et Pierre de Casanova
Et moi, qui suis resté le plus fier,
Moi, je parle encore de moi.
Et c’est en sortant,
Mon-sieur l’Commissaire
Que tous les soirs de chez la Montalant,
De jeunes « peigne-cul » nous montrent leur derrière
En nous chantant :
Les bourgeois c’est comm’ les cochons
Plus ça devient vieux, plus ça devient bête,
Les bourgeois c’est comme les cochons
Plus ça devient vieux plus ça devient…
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L’ami Georges qui a beaucoup fait pour une rédaction d’une anthologie de la connerie ambiante a également chanté :
« Jeune con de la dernière averse,
Ou vieux con des neiges d’antan….. »
Et il prétendait également :
« Il y peu de chance qu’on
détrône le roi des cons… »
Merci, Monsieur le maire pour ces repères que vous nous donnez avec beaucoup de poésie.
Cette jeune fille et ce jeune homme font partie des repères de notre belle ville où il fait bon vivre. Je tiens à vous le dire grâce à vous.