Doit-on continuer à organiser le baccalauréat général ? Jamais je n’aurais imaginé qu’un jour je me poserais la question, car pour moi, l’ascenseur social en me permettant d’arriver avant la réforme de 68 à cet étage, m’avait donné le plus précieux des viatiques. Il suffisait à mon bonheur et à celui de mes parents ou de mes grands-parents, car seulement ma mère possédait un certificat de fin d’études d’avant la dernière guerre mondiale parmi la famille. En franchissant toutes les « haies » du parcours scolaire et en réussissant le concours d’entrée à l’école normale d’instituteurs, je leur avais apporté les plus précieuses récompenses qu’ils aient imaginées. Je ressens encore près d’un demi-siècle plus tard le profond bonheur qui a été le mien de pouvoir leur faire ce « cadeau ». Il n’exigeait rien de moi, mais moi, je savais que ma réussite serait la leur !
Ne pas les décevoir, ne pas les faire douter des vertus de l’école publique laïque et républicaine qui les avait ignorés, ne pas les plonger dans ce sentiment que l’avenir se construisait par le savoir et pas par le fric : autant d’obsessions qui m’ont hanté durant des mois. Puis vint, en juillet 1966, la délivrance, une année où le Ministre de l’éducation nationale avait pourtant décidé de frapper fort, en réduisant le « bac » à 4 épreuves écrites… provoquant ainsi une hécatombe inédite ! Moins de 40 % de reçus et ensuite un oral dit de rattrapage pour rehausser légèrement au-dessus de 50 % les résultats positifs. Une autre époque et surtout une autre vision sociale de la réussite.
Après des jours difficiles ou heureux, les résultats officiels du baccalauréat 2013 sont publiés. Le ministère de l’Education nationale annonce que le taux de réussite est de 86,6% cette année, soit 2,4 points de plus sur un an. Le meilleur pourcentage depuis l’histoire du baccalauréat. Au bac général, 91,9% des élèves ont décroché leur diplôme (+2,3 points). Comme chaque année, les taux de réussite sont un peu moins bons pour les bacheliers technologiques, mais ils sont tout de même en hausse : 86,4% (+3,2 points) Quand au bac professionnel, le taux est stable à 78,5% (+0,3 points). En fait, jamais dans l’histoire de la république, l’examen envié de toutes et de tous, n’a autant ressemblé à l’aboutissement d’un parcours ordinaire débouchant sur un « certificat » de fin d’études secondaires. Dans le fond, un bon contrôle continu qui redonnerait du pouvoir réel aux professeurs et éviterait certainement des comportements dévastateurs dans la vie des lycées, serait aussi efficace et surtout économiserait des millions d’euros. Qui osera repenser la place des examens dans le cursus scolaire et admettre qu’ils n’ont plus dans l’enseignement général la même valeur que par le passé. Moins de 10 % des candidats ont échoué… Est-ce bien raisonnable de mettre tous ces moyens en œuvre pour « éliminer » 3 ou 4 élèves par classe ? Quel est l’avantage que représente l’obtention d’un simple viatique vers d’autres études plus exigeantes, plus concurrentielles, moins encadrées et surtout laissant une grande part à l’autonomie, la responsabilité et le mérite. Difficile de passer du statut « d’élève » à celui « d’étudiant » ou de celui de la réussite à 91 % à celui de l’écrémage à… 50 %.
C’est un virage difficile à négocier après que l’on ait cru appartenir à l’élite. Chaque année, seule la moitié des étudiants réussit à passer le cap de la première année d’université. Parmi les 48% de ceux qui décrochent, 23% redoublent, 9% se réorientent dans une autre filière de l’université et 19% dans une autre formation (BTS, écoles privées…). Restent 6% qui arrêtent les études et sortent des radars. C’est là que l’on prend conscience de la vanité des chiffres annoncés par un Ministère vivant sur une forme illusoire de la réussite personnelle.
Je sais que je suis rétrograde du fait de ce scepticisme sur la valeur d’un diplôme dans les parcours individuels. Je ne sais vraiment pas où j’ai d’ailleurs mis le mien. Il ne m’a jamais servi un seul instant dans l’accomplissement de ma vie personnelle. Passer le bac, c’est passer de la rive de la dépendance que l’on croit pesante à celle de l’indépendance que l’on imagine idyllique. Certes, tout le monde doit avoir sa chance et pouvoir emprunter l’ascenseur que l’on pense devoir conduire vers une forme abstraite de réussite. Ce soir, sur mon portable, un SMS d’un ami qui m’annonçait qu’une jeune fille possédant le bac S cherchait une place… d’apprentie pâtissière. Je le conserve précieusement comme preuve que la réussite n’est jamais là où on le pense… En fait, le seul « bac » valable c’est celui qui contient le sable du savoir, car c’est grâce à lui que l’on peut, à sa manière, avec son talent, son opiniâtreté, sa volonté, construire les châteaux éphémères de la vie rêvée. Quoi qu’il en soit, bravo à celles et ceux qui l’ont obtenu car il vaut mieux pour eux qu’ils ne restent pas sur le bord du chemin vers la réussite.
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La réussite … Mais qu’est-ce que cela veut bien dire aujourd’hui quand l’on sait, on feint de ne pas savoir, comme le système qui nous mène est à repenser en sa totalité.
Pour un être humaniste qui déciderait de gagner de l’argent tout en respectant ses compatriotes il est bien difficile de trouver une solution convenable.
Le fait même de s’engager dans une entreprise commerciale, une administration ou un corps d’armée sous-entend l’acceptation de règles d’un autre age.
D’un autre age puisque de plus en plus d’êtres humains s’accordent sur ce fait: le système d’échange libéraliste qui gouverne le monde ne peut que mener à la famine du plus grand nombre.
Comment encourager ses propres enfants à fêter le Père Noël habillé de rouge par la firme Coca Cola, tout en dénigrant tout le reste de l’année l’attitude américaine face à sa propre population mise à la rue par des taux de crédits surréalistes ?
Comment apprendre le respect des institutions quand les grands de ce monde se foutent totalement des valeurs dont ils ont injustement la charge.
Comment donner à nos enfants le plaisir savant du savoir faire quand le seul plaisir qui compte est celui du savoir organiser obsolescence de tout ce qui est fabriqué.
Et pour finir, comment peut-on encore envoyer nos gosses à l’école quand elle n’est plus de la République, mais bel et bien une fabrique d’esclaves du despotisme éclairé dont font preuve celles et ceux qui s’empiffrent à en mourir.
Nous avons mis en place des circuits courts pour nos légumes, il serait peut-être temps de faire de même pour nos enfants… !!!
Sous peine de les voir eux aussi finir avec tout autant d’esprit qu’une boite de grains de maïs.
Génétiquement modifiés, les grains évidemment.
J. M. dit : « »Est-ce bien raisonnable de mettre tous ces moyens en œuvre pour « éliminer » 3 ou 4 élèves par classe ? » »
Et quelle doit être le désarroi de ces éliminés qui doivent se sentir ipso facto rejetés par leur société !
A moins qu’ils ne s’en fichent royalement !
C’est vrai que « de notre temps… », le bac c’était quelque chose. Je me souviens d’un de mes bons camarades qui fulminait contre sa grand-mère qui avait fait encadrer le diplôme qu’il venait d’obtenir, ce qui lui fichait la honte, comme diraient nos « djeuns ».
C’est vrai que c’était une grande fierté, une réussite pour de modestes gens, une réussite plus honorable qu’une fortune !
Le taux de réussite au baccalauréat technologique s’établit à 86,4 %, en progression par rapport à 2012 ( 3,2 points). Les séries technologiques industrielles connaissent une forte progression : 92,2 % de réussite en 2013 ( 7,2 points) et atteignent un taux de réussite équivalent à celui de la série S. La progression est moins forte pour les séries technologiques tertiaires : 84,7 % en 2013 ( 1,8 point). Le taux de réussite au baccalauréat professionnel se stabilise à 78,5 % après une forte baisse depuis 2009. La rénovation de la voie professionnelle est maintenant achevée et presque tous les candidats ont préparé le baccalauréat avec un cursus en trois ans. Cet accès facilité en baccalauréat professionnel permet au nombre de bacheliers professionnels d’augmenter de 30 % (environ 38 000 bacheliers professionnels de plus). Le pourcentage de bacheliers dans une génération s’élève cette année à 73 %. Il était de 76,4 % en 2012, et de 70,8 % en 2011. Mais les taux de 2011 et 2012 comportaient un biais conjoncturel dû à la cohabitation des deux cursus de la voie professionnelle. La comparaison avec 2010 est plus pertinente : le pourcentage de bacheliers dans une génération s’élevait en 2010 à 65 % ce qui témoigne d’une nette progression entre 2010 et 2013.