L’Association des Maires de France fait réaliser actuellement son sondage régulier sur la position des Maires dans l’opinion publique. C’est une tradition en fin de mandat, afin de comparer l’image donnée par les élus de proximité qui, jusque-là, tenaient le haut du pavé en matière de cote de confiance. Alors qu’ils obtenaient que plus de 3 Français du 4 leur accordent un satisfecit, ils ne sont plus désormais que 2 sur 3 soit une chute significative… incompréhensible. Alors qu’ils sont, pour l’immense majorité d’entre eux, très engagés au service de leurs administrés de manière désintéressée et passionnée, ils se retrouvent victimes d’un contexte catastrophique du monde politique en général. Alors qu’ils sont en première ligne sur tous les fronts : éducation, culture, sport, social, environnement… ils disparaissent dans le magma des affirmations péremptoires d’un monde totalement déboussolé. Ils ne sont plus vécus que comme des créateurs d’impôts et des personnes incapables de répondre aux aspirations individuelles de leurs administrés. Traité publiquement de « dictateur » ou de « facho » pour avoir osé tenir compte de l’avis majoritaire des parents sur les rythmes scolaires, je suis bien placé pour le comprendre, sans pour autant me résigner à l’admettre.
Ils pourront se consoler un regardant les scores très, très bas, des députés, des sénateurs et des conseillers régionaux, mais ce n’est pas une raison pour être optimistes. La tombe de la démocratie représentative s’élargit chaque jour davantage et la légitimité du suffrage universel se délite en permanence. Il faut admettre qu’une vingtaine de cas médiatisés suffisent à discréditer, par rabâchage médiatique, tout un système que l’on ne remplacera pas de sitôt. Il vient de sortir un rapport sur la politique de la ville qui met en pièces les élus locaux des villes concernées, pourtant confrontés à de multiples difficultés qu’ils dénoncent depuis des décennies. Figurez-vous que j’ai entendu affirmer que le Ministre et son cabinet, concernés par ce secteur de la vie sociale, avaient trouvé ce document révolutionnaire !
Mohamed Mechmache (président d’AC le feu !) et la sociologue Marie-Hélène Bacqué ont descendu en « flammes » les politiques antérieures, en les accusant d’être inefficaces (pas besoin d’experts pour ça !) et même contraires à l’intérêt des habitants (incroyable ?). Le rapport va même plus loin : la politique de la ville a contribué « à éloigner les habitants, voire à développer une certaine exclusion qui a permis à certains extrêmes de s’installer « , explique le responsable du collectif AC Le Feu créé après les émeutes de 2005. C’est un comble : des milliards ont été engloutis pour un résultat négatif sans que personne ne réagisse… C’est peut-être ça la vraie révolution ! Alors, pour faire face à une situation angoissante (un ami me confiait hier soir qu’une filière des banlieues allait actuellement se former au Jihad en Syrie et que chaque jour, dans la plus grande discrétion, il y avait des arrestations en France), on invente la laïcité et la participation citoyenne. Deux vertus démocratiques que la république aurait oubliées. Le duo a remis 30 propositions pour « une réforme radicale de la politique de la ville ». Et en sous-titre : « Ça ne se fera plus sans nous ». C’est là le fondement de leurs propositions : l’association des habitants aux projets de transformation de leurs quartiers. Une révélation fracassante à laquelle personne n’avait pensé. Sauf qu’elle sera aussi factice que les autres si on ne replace pas au cœur de ces quartiers une éducation populaire citoyenne très forte en commençant par une autre politique éducative ! Inutile d’espérer inclure dans une « politique » locale des gens sous-informés, car ils seront très vite manipulés !
Avant de parler fric il faut absolument bâtir, mettre en place, un « pacte social, citoyen et durable » servant de cadre à toute action publique prise en charge par les habitants. Et là, il est étonnant que personne ne sache que dans certaines communes on expérimente, dans la plus parfaite indifférence, une forme d’autogestion associative qui peut être transposée dans des quartiers de grandes villes sur la base de relations de confiance nouvelles entre les citoyens et les élus ! Parmi les recommandations, la création d’une structure de financement autonome : « Il s’agirait d’un réservoir d’argent pour des tables de quartier, qui réuniraient l’ensemble des acteurs pour concevoir les projets, avec une voix par association », explique Mohamed Mechmache. Ces tables pourraient discuter de projets aussi divers que la rénovation urbaine, l’environnement, la santé, et permettraient « de sortir du clientélisme pour que les associations soient financées quelle que soit leur orientation politique ».
Le rapport propose que ce fonds soit alimenté par une enveloppe parlementaire et par un prélèvement de 1% sur les budgets des partis politiques. Il serait géré par une « autorité administrative indépendante », composée pour au moins un tiers de responsables associatifs. Autre mesure suggérée : une « plateforme associative nationale » chargée de légitimer les projets et de remettre chaque année un rapport d’évaluation de la politique de la ville. Marie-Hélène Bacqué et Mohamed Mechmache estiment aussi important de « changer le regard porté sur ces quartiers, notamment en incitant les chaînes publiques à faire des émissions en direct de ces quartiers ou à promouvoir les médias de proximité ».
Il suffit de venir à Créon (désolé mais je fais un peu de pub !) pour constater que ces méthodes sont en place depuis une décennie, que les outils fonctionnent et que le résultat n’est pas mal du tout puisque l’autogestion associative citoyenne porte plus de 150 emplois pour une budget de 3,8 millions d’euros de fonctionnement annuel. Mais au fait, qui ça intéresse ? Une universitaire américaine qui est passée, des étudiants d’universités diverses mais surtout pas le monde politique, qui considère que ce n’est que du flanc et de la vantardise. Et pourtant ça marche ! Mais comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, il arrive que l’on fasse de la politique sans le vouloir ! En dictateur ou en facho comme diraient certains, mais avec un certaine avance !
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Ayant passé une partie de ma vie à être « chef de Projet » de la réhabilitation de quartiers que l’on dit aujourd’hui sensibles, je ne peux que plussoyer ce que tu dis dans ton billet, cher ami.
Et tu as cité une idée pas neuve du tout, mais qui revient à l’ordre du jour: « l’éducation populaire ». Mes prédécesseurs de Roubaix avaient mis en place un « APU » géré selon leurs termes par « les élus, les techniciens, les habitants ».
Et l’éducation populaire était assurée par nous, les techniciens, obligés de mettre au point une forme de participation (ce qui n’était pas simple techniquement en 1982!) mais et ça ce fut intéressant par une « aide technique à la population », assurée par un architecte. Qui savait tout et avait le droit et le devoir de tout dire.
Aujourd’hui, alors que l’invention de l’éducation populaire date officiellement du front populaire (ah, Léo Lagrange!) et réellement après guerre, par la belle-sœur de Camus (Merci wikipédia) j’enrage de voir que ton parti a dévoyé cet héritage(fédération Léo Lagrange: une caricature!) et que le FdG essaie un peu d’en parler, mais que les plus nuls des nôtres en font un instrument de propagande qu’ils osent nommer « assemblées citoyennes »…J’arrête, j’en écrirais des livres si je me laisser aller!
Ces deux personnes d’AC le feu n’ont que partiellement tort (bien qu’ils parlent de la voix assurée des faiseurs de bilan de trucs qu’ils ne connaissent pas): il y a eu beaucoup de poudre aux yeux dans la politique de la ville, et énormément de blocages de l’usine à gaz de la « commission Nationale », légère sous Dubedout, et qui s’est alourdie et complexifiée au fur et à mesure que ses moyens financiers diminuaient.Quand Delebarre fut ministre de la Ville et que de DSQ, ça passa à DSU, les carottes étaient déjà cuites, selon moi.
Alors, par la suite, la misère que ça doit être devenu!
Monsieur Le Corbusier rêvait de villes en étages, on l’aura suivi !
Sauf qu’il a été oublié deux choses, chères au « fada », comme il était de mise de nommer l’architecte à Marseille.
D’une, il devait y avoir entre chaque immeuble une distance équivalente à la place qu’aurait occupée la construction d’un pavillon de banlieue pour tous les habitants du dit immeuble. Ce qui aurait laissé à chaque fenêtre un peu de clarté et une vue dégagée.
De deux, les jardins devaient être « suspendus » et les voitures passer dessous ou en tunnel, un peu comme, pour ceux qui connaissent, la tentative du quartier Mériadeck à Bordeaux. Ce qui diminuait fortement les nuisances et laissait libre champ aux de circuler à vélo au-dessus, au beau milieu de jardins…
Encore un rêve dévoyé.
De plus, monsieur Le Corbusier a engagé la construction de chaque appartement en utilisant le nombre cher aux observateurs de la Nature, et aux artistes, » le nombre d’or ».
Il en a tiré une invention, le « Modulor », où chaque volume construit est basé sur les proportions humaines.
Ce qui nous permet de conclure, en observant les enseignement de l’architecte, et du Grand architecte, que c’est de l’intérieur et de la vie des familles que se tirent les meilleures vertus.
En effet, le bonheur est source de partage !
Ce qui ne fait pas l’adage des promoteurs immobiliers, ni d’ailleurs des urbanistes et de leurs banquiers.
plussoyer, c’est un synonyme d’approuver je suppose mais APU, qu’es aco ?
Merci à Marie-Hélène Bacqué et Mohamed Mechmache d’avoir souhaité que les associations contribuent à amender leur rapport à l’attention du ministre. Merci à l’équipe d’organisation « ptolémée » et à l’équipe de missions publiques, en charge de l’animation de la conférence.