" Que vas-tu faire après?…"

Désormais je ne peux pas faire un pas dans une manifestation publique sans que la même question revienne en boucle. Depuis que j’ai annoncé ma décision ferme de mettre un terme à mon mandat de Maire après 30 ans de présence au conseil municipal, on m’interroge sans cesse de la même manière. D’abord il y a le doute qui me fait mal. « Alors c’est sûr ?.. Tu ne vas pas faire ça? » En fait ce n’est que le reflet d’un manque de confiance croissant dans les effets d’annonce auxquels est soumis en permanence le citoyen. Il doute sans cesse des postures prises par les « grands » de la politique et il les applique aux « petits ». Cette lutte incessante pour effacer des esprits que l’on n’est pas toujours obligé de faire le contraire de ce que l’on a dit, finit par devenir épuisante.
La crédibilité est devenue proche de zéro et ce ne sont pas les événements de ces derniers jours, commentés de manière dramatique pour la démocratie représentative (le fric est la seule préoccupation d’un parti politique qui ne peut convaincre sans millions!) ou exploités honteusement pour une martyrisation d’un homme, enlisé dans les sables mouvants d’affaires exclusivement financières, ne vont pas aider à convaincre de sa sincérité. « Alors c’est certain ? » : on peut traduire par « tu ne vas pas abandonner ce qui te fait vivre (ou te rapporte!) ? » Ou plus direct : « comment vas-tu faire ? Tu perds tout ? » Et c’est bien là le nerf de la guerre. Comme depuis des mois et des mois tout ce qui hante le monde politique ne tourne qu’autour du « pognon », il devient impensable qu’une décision ne repose pas sur ce critère de l’appât du gain ! On tourne toujours autour du même principe. Il ne peut pas y avoir d’engagement sans… prise d’intérêt. Le mal est profond et probablement incurable !
Cette formulation est très vite tempérée par une seconde préoccupation : « Que vas-tu faire après ? Tu vas t’ennuyer ! Ça va te manquer !… » La fameuse peur du vide s’emparerait de celle ou celui qui abandonne un poste exposé aux lumières de l’actualité. On retrouve également dans ces propos la perception de la vie publique qui ne serait faite que d’apparences, de spectacle, de représentations mais jamais de soucis, de labeur, de réflexion ou de déceptions. Tout est factice, superficiel, facile et donc on peut durer sans trop d’efforts. Abandonner ce monde conduirait à l’ennui profond et à l’impossibilité de redevenir « un parmi les autres ». Il faut bien admettre que le pouvoir, aussi faible soit-il, est souvent une « drogue » qui nécessite une cure de désintoxication. S’en retrouver privé conduirait à la dépression ou même au désespoir. On trouve dans cette peur la seconde raison qui conduit les gens qui l’exercent à refuser de le quitter. La vraie réforme qui aurait été salutaire consisterait à limiter à 3 le nombre de mandats consécutifs similaires pouvant être accordés à un élu. Plus de « carrière » plus de liens avec cette fameuse réélection, qui hante au lendemain de l’élection l’esprit de l’heureux élu !
Alors, que faire quand on n’est plus élu ?… Surveiller son successeur ? Le combattre en douce en rappelant qu’il n’est vraiment pas à la hauteur ? L’accabler alors qu’il vous a servi ? C’est une occupation d’autant plus répandue que l’on a affirmé qu’il n’en sera jamais ainsi. Il faut se méfier de se sentiment voulant qu’il soit impossible à un autre d’être aussi performant que soi. Il est très répandu dans le monde des retraités de la vie publique. La fameuse formule « après moi le déluge… » a aussi ses partisans, qui trouvent finalement le temps de confectionner les conditions du déluge avec un cynisme rare.
On peut aussi pourrir la vie de celui qui vous a remplacé en le marquant à la culotte, pour écouter avec délectation les faux-culs vous confier : « Ah ! Ce n’est pas toi ! Il (ou elle) est gentille mais il (elle) ne t’arrive pas à la cheville ! » Rechercher ses fautes, ses tâtonnements, ses erreurs pour discrètement expliquer que « de votre temps, il y a 20 ans, c’était autre chose «  en ajoutant que « pourtant il ne faut pas comparer car à votre époque la situation était beaucoup plus dure ! ». Ils existent ces « bons apôtres » qui adorent croire qu’ils sont regrettés. Regardez, écoutez, lisez et vous remarquerez qu’actuellement il existe une propension de certains à préparer leur retour directement ou indirectement.
« ne vous inquiétez pas, je vais commencer par faire tout ce que j’ai négligé depuis 30 ans au service des autres ! » Je me suis préparé une réponse, que je retrouve avec plaisir dans des propos que DSK aurait tenu à Jérôme Cahuzac. « Dominique a rapidement compris qu’il y avait une vie après la politique et qu’il fallait s’en sortir, même si c’est une drogue dure », raconterait un élu, ancien strausskhanien. Je le crois surtout quand, contrairement à lui, on a choisi d’en sortir. La nuance est dans ce modeste détail !

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Cet article a 6 commentaires

  1. gedur33

    C’est à cette décision que peu prennent,, de s’effacer que je suis triste de voir un grand élu se retirer !

  2. Laurent

    Je pense que parfois il faut aussi prendre du temps pour soit, je dirais que le temps est venue de vivre pour vous sans courir vers la capitale pour des probleme de société, Vient le temps ou il faut vivre pour ces proches.

  3. J.J.

    J’ai eu droit aux mêmes refrains, on m’a dit quand j’ai quitté des fonctions associatives beaucoup plus modestes que les tiennes :
    – Que vas-tu faire ? Tu vas t’ennuyer !

    Comme si il n’y avait pas une vie après la vie publique !

    Cela fait maintenant plus d’un an que j’ai cessé mes activités, je dirais même avec un certain plaisir, après m’y être pleinement investi.

    Depuis, j’ai toujours trouvé quelque chose à faire qui m’intéresse et je me demande toujours, comme dans la chanson de Michel Fugain, si j’aurai le temps de mener à bien tous mes modestes projets.

    Paresseux avec délices, comme proclame Figaro dans le « Mariage »….

  4. PACIOS Vanessa

    Après… il va juste falloir profiter de la vie <3, une chose simple et merveilleuse, alors profitez bien de votre vie 🙂

  5. Raymond VIANDON

    Il n’y a pas que la vie publique, heureusement ! Je sais que tu vas prendre du plaisir dans des domaines que tu affectionnes (l’écriture par exemple) et que la qualité de la vie ne se mesure pas au « pognon », comme tu le dis. depuis deux ans, je fais des choses différentes … que j’ai choisies … et c’est un régal. A bientôt Jean-Marie.

  6. PC

    La retraite: ne rien faire….enfin!

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