Ils donnent des leçons mais surtout pas l'exemple !

Tandis que le Parlement accouche, non sans peine, d’une loi sur la moralisation de la vie politique, dix députés en colère s’engagent dans « le Nouvel Observateur ». « Osons rénover l’Assemblée ! » lancent ces élus lucides qui ont compris que les petits arrangements avec la morale républicaine n’ont que trop duré. Ils ont raison sur le fond mais ils ont totalement tort sur la forme. Le contexte est tel actuellement que le temps presse. Jamais la défiance à l’égard de la représentation nationale n’a été aussi profonde : selon un sondage réalisé en pleine affaire Cahuzac, 77% des Français considéreraient que leurs élus sont « malhonnêtes »! Terrible ! Déprimant !
Le problème, c’est que la vraie question de ce sondage aurait dû être : « Pensez-vous que 10 % des élus sont malhonnêtes ? » mais en aucune façon « les élus sont-ils malhonnêtes ? » Encore une fois, la généralisation est avilissante pour toutes celles et tous ceux, dénués de toute ambition, de toute indemnisation, de toute prétention, qui au quotidien participent à de multiples réunions comme simples conseillers municipaux : commune (conseils municipaux, commissions, conseils d’écoles, assemblées générales associatives…) syndicats intercommunaux (eau, électricité, aides-ménagères, déchets…) ou intercommunalités (commissions, conseils communautaires…). En quoi appartiennent-ils aux 77 % de « malhonnêtes »? Le jugement, suggéré par le questionnaire de l’institut OpinionWay, est évidemment outrancier, malsain, voire ordurier, et devrait pouvoir être déféré devant un tribunal pour… propos calomnieux . Mais, pour le modifier en profondeur, il conviendrait sans doute de corriger une bonne fois pour toutes les mille et un avantages dont jouissent « nos » élus, expliquent les donneurs de leçons ! Mais bon sang quels  « avantages » ?
Lutte contre les conflits d’intérêts, transparence du patrimoine, abolition du régime spécial des retraites, fin de l’exonération fiscale de l’indemnité de frais de mandat, suppression de la réserve parlementaire… Et allons-y gaîment dans l’approximation : de quels élus parle-t-on ? Il suffit que 10 députés se fassent un peu de publicité sur le dos de leurs collègues pour qu’aussitôt l’opprobre soit jetée sur tous les autres, même ceux qui n’ont aucun rapport avec le statut des parlementaires. Être démocratiquement élu devient une tare irréversible sur sa vie quotidienne. Le soupçon est partout… La moralisation ressemble à la période du Maccarthysme avec une chasse aux sorcières devenant insupportable. Mettons une bonne foi sur la table les réalités et cessons des amalgames douteux ou même terriblement dangereux pour la démocratie.
Ces dix députés au grand cœur, troublés dans leur conscience, devraient immédiatement refuser tous les avantages dont ils bénéficient. D’ailleurs, je leur propose que dès qu’ils touchent leur indemnité, ils la reversent aux Restos du cœur ou aux chiffonniers d’Emmaüs, puisqu’ils la considèrent comme injustifiée et anormale… Ils donneraient l’exemple, et donc ils seraient crédibles. Absolument rien ne les en empêche. Tous les élus ne se comportent pas comme des voyous ou de pervers du profit. C’est d’abord une question de conscience et de respect des valeurs. A priori, il n’y pas de versements en liquide… ou sur des comptes occultes. Tout peut être à chaque instant contrôlé, vérifié et même publié. Ce n’est qu’une question de volonté de l’administration fiscale.
J’ai par exemple ouvert des comptes bancaires séparés pour les indemnités que je reçois et ma pension, afin que la transparence de l’usage que j’en fais soit absolue… N’importe qui peut me demander les relevés du compte bancaire « indemnités » et il verra à qui je donne de l’argent, à qui je paie l’électricité ou à qui je prends une adhésion ou un soutien pour une manifestation. Il verra aussi que j’avance durant plusieurs semaines mes déplacements à Paris et le plein de gazole pour ma Clio. Il constatera les frais de repas payés, ou les coupes achetées… Il est tellement aisé de « croire » dans des affirmations péremptoires de 10 personnes qui, dans le fond, n’auraient jamais du accepter de sombrer dans le stupre, la triche, l’abus de biens sociaux ou mieux l’escroquerie au chômage ou à la retraite. Leur situation au palais Bourbon est moralement intenable… Ils vont démissionner dans les prochains jours, à moins qu’ils se mettent en grève de la faim. En tous cas, ils accentuent le désarroi à la base, chez celles et ceux qui ne vivent que pour leur passion de la vie publique au service de l’intérêt général. Marre. J’en ai marre de ces donneurs de leçons, nouveaux venus qui se prennent pour des Saint-Just. Ils devraient méditer ce principe d’André Comte-Sponville : « Que dois-je faire ? Et non pas : que doivent faire les autres. C’est ce qui distingue la morale du moralisme ! »

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Cet article a 4 commentaires

  1. Eric Batistin

    Oui, les élus sont mal vus, soupçonnés d’être des bandits de grands chemins n’ayant comme autre ambition que d’utiliser leur fonction pour un enrichissement personnel.
    Ce qui est fort difficile à vivre pour celles et ceux, élus républicains, qui exercent leur travail avec honnêteté .
    Mais, que dire des autres corporations ?
    Le boulanger, l’agriculteur, le fonctionnaire, le policier, le pompier, le curé de campagne, le garagiste, le restaurateur, l’assureur, le croque mort… qui j’oublie ?
    Tous ont a supporter la mauvaise réputation causée par quelques uns des leurs, ou par l’obligation qui leur est faite, par le système dans lequel nous vivons, de fonctionner froidement.
    En fait, toutes les corporations souffrent du même mal: une mauvaise réputation.
    Sans parler des pauvres qui sont tous cités comme profiteurs dès qu’il perçoivent la moindre petite aide à la survie !

    Il faut peut-être alors se poser la question suivante:
    D’où vient donc ce mal universel qui engendre la déliquescence ?
    Non pas de la mauvaise conduite de quelques uns, cela est vieux comme le monde, mais plus radicalement de l’impossibilité dans laquelle se trouvent tous les » bienfaisants » d’exercer leur art dans des conditions permettant l’éclosion du résultat attendu.

    En clair, nous sommes aujourd’hui dans l’impossibilité de trouver une quelconque qualité à nos concitoyens et compatriotes, puisque toute action bénéfique à la communauté est systématiquement étouffée dans l’oeuf par le système froid qui mène le monde.

    Alors, oui les élus sont aux premières loges pour recevoir la vindicte, mais à qui donc pouvons-nous nous adresser pour espérer changer le monde ?
    Si les élus n’ont pas ce pouvoir, celui de diriger le pays, nous devons nous rendre à l’évidence:
    Nous devrons engager par nous-même les actions nécessaires au changement.

  2. M-C J

    La démocratie a un prix, sans quoi, seuls pourront accéder au pouvoir ceux qui ont les moyens de vivre d’autre chose. Problème : juqu’où aller dans une rénumération correcte, comparable avec d’autres types de compétence, de temps passé etc. Quels « frais annexes », défraiements ? Donnons une rénumération corrcete à nos élus (le fameux statut de l’élu) mais cessons d’accabler ceux à qui, à quelque niveau que ce soit, nous déléguons par élection un pouvoir. Ils ne peuvent pas tout faire. Pourquoi exiger d’eux plutôt que d’autres professions une déclaration publique de leur patrimoine? L’exemple de Michèle Delaunay est à cet égard parlant. Eh oui, elle est « fortunée » et alors? Qui étaient son père (Préfet de Région si je me rappelle), sa mère (inspectrice des écoles). Elle même? cancérologue. En quoi « sa fortune » est-elle illégitime? Qu’a-t-elle gagné à entrer en politique à gauche?
    Assez de la défiance générale à l’égard de tous et de toutes les professions ou activités, assez de la calomnie, assez de considérations générales. « Tous pourris » NON. Redonnons confiance.

  3. Bonjour,
    pas d’accord avec vous monsieur Darmian, je vous renvoie à la lecture de la tribune du juge Alphen http://www.anticor.org/2013/04/10/juste-de-lhonnetete-tribune-deric-halphen/

    j’en extrais la conclusion:
    « Il ne s’agit ni de morale, ni de pureté, simplement d’honnêteté. La politique est la volonté de transformer la société pour rendre la vie plus facile, plus belle. Elle est désintérêt, oubli de soi au profit du plus grand nombre. Elle est croyance, elle est espoir. Face à l’économie mondialisée et à la finance sans scrupule, elle est garde-fou, ultime recours. Alors, pour que ceux qui la servent se montrent à la hauteur de la noblesse de la tâche, il convient de faire preuve d’une vigilance extrême et d’une intransigeance sans faille. »

    et aussi ce passage:
    « …Sans aller jusque-là, force est de constater que les hommes et les femmes politiques ont souvent un curieux rapport à l’argent. Repas au restaurant, déplacements, hôtels, places au stade ou au théâtre, séjours à l’étranger voire appartements. On ne paye rien, tout est dû. De généreux mécènes s’occupent de tout. Cette situation est aggravée par la conception qu’on a en France de la politique. Alors que ce ne devrait être qu’un passage, un versant d’une vie avant de viser d’autres horizons et de transmettre le bâton à plus vierge et motivé que soi, c’est chez nous un métier qu’on exerce de père en fils, et de l’adolescence à la retraite bien tassée. Au point de perdre le contact avec les réelles souffrances et les aspirations légitimes de ses concitoyens. Si rien ne change, l’électeur de base, comme on dit, finira par se lasser… »

    Je ne doute pas un instant de votre pureté, malheureusement je constate autour de moi (dans MA commune et MA comcom) le clientélisme, le cumul des mandats, les conflits d’intérêts, les prébendes. Tout cela génère des relents putrides d’un système en parfaite décomposition.
    Au fur et à mesure que la pression fiscale augmente, le désespoir et la souffrance des électeurs grandissent construisant jour après jour l’ascension du F haine.

    Salutations citoyennes

  4. J.J.

    Au cours de ma carrière, j’ai eu l’occasion, par obligation professionnelle d’être en relation avec les maire des communes où j’exerçais.

    J’ai eu affaire une fois, et une fois seulement à un maire « profiteur » : il n’y avait pas un chantier dans la commune : chemin, école, église, mairie, etc… sans que, comme par hasard ,il n’y ait des travaux effectués par les mêmes artisans à son domicile.

    Ce qui m’a valu d’ailleurs quelques ennuis quand il a pris conscience que j’avais vu le loup ….

    Mais c’est bien le seul, il ne faudrait pas généraliser, la plupart du temps j’ai eu affaire à des élus dévoués à leur commune et à leurs citoyens, n’hésitant pas parfois à mettre la main à la poche ou à payer de leur personne.

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