Enfin un vrai débat relatif au journalisme. Il ne vient pas de la société, car hypnotisée par le miroir aux alouettes, elle ne connait absolument pas les impératifs de ce métier. Elle confond allègrement celui qui fait son métier en enquêtant, en étant témoin d’événements qu’il transmet aux autres, en étudiant ou en traitant les informations, avec des présentateurs d’émissions de variétés ou de talk-show comme l’on dit outre Atlantique. Dans un cas il y a le faire savoir au plus grand nombre et dans l’autre il n’y a que le faire briller devant le plus grand nombre, et pourtant, ils se réclament du même statut. Cette confusion des genres a été depuis des années extrêmement néfastes à un métier qui rassemble des gens passionnés, heureux de l’exercer et confrontés chaque jour à une exigence de qualité. Les « amuseurs », les « bateleurs », les « hâbleurs » n’ont rien de commun avec celles et ceux qui rament au quotidien pour récupérer des infos dignes d’intérêt. Heureusement, il existe une commission de reconnaissance de ce statut, via l’attribution ou le refus d’une carte ! Elle peut avoir parfois un rôle moralisateur, même si elle n’a jamais ressemblé au tribunal populaire. N’empêche que ces gens là ont témoigné d’un certain courage en éliminant de leur sein Laurence Ferrari et Audrey Pulvar…
L’ancienne reine du 20 heures de TF1 n’aura donc pas sa carte de presse 2013. Selon les membres de la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP), Le Grand 8, l’émission de D8 pilotée par Laurence Ferrari, relèverait plus du divertissement que de l’information. Pas possible. Incroyable. Il arrive que l’on sache encore faire la différence entre le castelet de Guignols et une véritable rédaction. Elle a d’ailleurs confirmé cette information, en faisant part sur Twitter de sa stupéfaction. « Merci de solidarité! Je préfère en rire- retrait CP (NDLR : carte professionnelle)-mais c’est juste une aberration pour moi, comme pour l’équipe ! » Pas du tout ! Absolument pas du tout. C’est une véritable mesure de salut public, et d’ailleurs il reste encore beaucoup de ménage à faire. La pauvre, elle va revenir au régime général des impôts sur le revenu, et dans cette période cela pourrait être douloureux. Elle va revenir chez TF1 où, en mettant en scène des interviews de complaisance et des « reportages » montés, elle était reconnue comme une « grande journaliste ». Pourvu que l’on continue sur cette voie. Parmi les autres membres de l’équipe du Grand 8, Audrey Pulvar n’a pas non plus reçu sa carte de presse pour l’année 2013. Mais, contactée par l’AFP, elle a expliqué qu’elle n’avait, comme en 2012, « volontairement pas demandé » le renouvellement de cette carte. Celle-ci ne lui a donc pas été retirée. C’est donc tout à son honneur que de considérer qu’elle avait basculé dans le monde du spectacle et que ses commentaires relevaient davantage de prises de positions personnelles que d’une analyse objective des faits. Il est vrai que sur D8, les détentrices du précieux sésame auraient été très mal à l’aise si…leur consœur Roselyne Bachelot, ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, avait rejoint les rangs aux côtés des fouineurs de Médiapart ou des courageux reporters du Monde rentrés de Syrie ! Elle estimait, quant à elle, que ses chroniques dans l’émission de D8 faisaient d’elle une « journaliste engagée » et lui donnaient le droit à la carte de presse. Elle a préféré, elle aussi, renoncer à revendiquer ce statut.
L’année dernière, l’équipe du Petit journal de Yann Barthès avait rencontré des problèmes avec la commission. Une partie de ses demandes de renouvellement de cartes avaient été refusée. A l’époque, le président de la CCIJP, s’était montré « assez réservé sur le mélange des genres, assez réticent au concept « d’infotainment » (sic : croisement entre information et divertissement) » . « Ce n’est pas parce que l’on utilise les mêmes outils – reportage, interview … – qu’il y a une démarche d’information derrière », plaidait-il, reprochant aussi au Petit Journal de ne « montrer qu’une partie de la réalité ». « Nous ne sommes pas là pour sanctionner, mais pour protéger la profession », défendait-il encore. En appel, les bannis avaient réussi à récupérer leur précieux sésame, qui permet d’avoir sur les événements un angle différent de celui bien stéréotypé pris pas les médias traditionnels. En ce qui me concerne, je serais partisan que, si Laurence Ferrari et Roselyne Bachelot, et tant d’autres du même acabit, obtiennent une carte de presse, on l’accorde aussi aux dialoguistes des Guignols de l’Info sur Canal + pour leurs synthèses de l’actualité, au moins aussi pertinentes que celles des présentateurs potiches qui sévissent sur tant de chaînes de télévision !
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Journaliste, boulanger, restaurateur, artisan, … la liste est fort longue des métiers ayant perdu dans leur appellation le sens premier attribué.
Sens qui donnait à chacun l’assurance de s’adresser à un ou une personne passée maître dans l’exercice de sa profession.
Tout d’ailleurs est ainsi de nos jours, jusqu’aux relations amicales sur les réseaux sociaux, relations bien souvent uniquement basée sur le partage de point de vue et privées de tout sens en cas de véritables difficultés.
Du coup je me demande qu’est-ce que peut bien vouloir dire aujourd’hui être humain ?