Discours prononcé lors de la commémoration du 8 mai à Créon

photo 8 mai creon mon« Nous côtoyons tous, de plus en plus de personnes ayant vécu des périodes douloureuses de notre histoire et qui malheureusement, pour des raisons médicales, se retrouvent plongées dans ce néant terrible de l’absence de souvenirs. Beaucoup ont sombré ou ne peuvent plus partager. On ne les écoute plus, au prétexte qu’ils radotent. On ne les écoute plus au prétexte qu’ils nous ennuient en parlant du réel dans un monde virtuel. Ils donnent des leçons de morale désuètes !
La souffrance que l’on éprouve face à cette disparition, chez des êtres chers, des repères tellement précieux pour la construction de l’avenir des autres est parfois insupportable.
Ne pas être reconnu, ne pas pouvoir engager un dialogue, ne pas savoir ce que l’autre ressent, de ne jamais arriver à le sortir de ces sables mouvants de l’oubli constituent de vraies souffrances. La mémoire individuelle prend alors toute son importance et la crainte, c’est qu’un jour nous en perdions, à notre tour, les bénéfices.
Si, face à cette peur individuelle, tous les savants se penchent sur ce phénomène, il faut bien admettre que les sociologues n’ont pas entamé des recherches sur le mal le plus terrible, celui qui ronge la mémoire collective. Elle n’existe quasiment pas.
Je tiens donc à vous remercier chaleureusement d’être encore une fois nombreuses et nombreux à Créon pour attester que notre pacte social, citoyen et durable a influé sur les mentalités. Permettez mois d’en être fier, très fier, car c’est la récompense d’un long parcours d’instituteur convaincu que l’on ne peut convaincre que par l’exemple ! (…)
Plus que jamais, autour de nous, nous avons en effet la mémoire qui flanche sous les coups de boutoirs répétés de médias avides de sensationnalisme plus que de vérités, de superficialité plus que de réalités, de pseudo modernité plus que de partage maîtrisé du passé.
Mieux, on considère désormais que tout retour en arrière officiel pour souligner simplement les dangers de dérives idéologiques perverses, haineuses, mortelles pour la démocratie est une marque de sénilité ou de décadence intellectuelle.
Si on ne peut pas toujours vivre en regardant derrière soi, il est indispensable d’éclairer ses décisions personnelles des lueurs procurées par les leçons à tirer des erreurs de parcours antérieurs. L’obscurantisme a toujours besoin de quelques chandelles de consciences éveillées pour éclairer pour les autres le chemin qui s’ouvre.
Si elles s’éteignent, si nous renonçons à les porter ou à les brandir, la plongée dans les ténèbres conduit dans les mêmes précipices où ont été enfouies des millions de personnes innocentes.
Nous avons malheureusement oublié le siècle des Lumières pour nous contenter de miroirs aux alouettes reflétant un ciel que nous pensons éternellement bleu.
Quand on aborde la commémoration du 8 mai 1945, il existe une gêne dans l’opinion publique française, comme si les défenseurs de cette date pourtant essentielle contrecarraient la construction européenne, aggravaient les dissensions franco-allemandes ou ne sonnaient le tocsin alors qu’aucun danger ne menace l’humanité.
Le 8 mai 45 n’a jamais été seulement une victoire militaire aussi glorieuse soit-elle, des armées alliées sur une autre armée d’un pays mais une défaite infligée à un système social basé sur le racisme, la haine de l’autre conduisant à l’extermination organisée, à l’horreur absolue, à la négation même de la valeur de la vie humaine. Le 8 mai c’est surtout ça !
Il a fallu des dizaines de millions de morts civils et militaires, des souffrances atroces, des sacrifices sans limite pour éradiquer de la planète ce que l’on avait laissé prospérer par indifférence, par lâcheté ou par ignorance.
En fait le 8 mai 1945 n’aurait jamais dû exister en ce monde!
Ce jour fameux n’aura été que l’aboutissement de manquements aux vertus essentielles de la vie collective par des responsables politiques aveugles n’ayant pas voulu défendre la solidarité effective, la tolérance partagée, la liberté de conscience respectée, n’ayant pas eu le courage de combattre ce qui doit être combattu, n’ayant pas su faire partager le respect des différences.
Le 8 mai 45 c’était certes la victoire du courage de certains, mais aussi la défaite morale de ceux qui avaient laissé faire, sans mot dire.
Foch a raison : les peuples qui n’ont pas de mémoire, sont des peuples sans avenir, et nous reprenons, pas à pas, semaine après semaine, cette direction chaque jour un peu plus, par pur égoïsme et parce que nous sommes devenus des consommateurs de prêt à porter idéologique.
Nous sommes comme les 3 singes asiatiques : nous voulons ne rien voir, ne rien entendre et ne rien dire.
En ce qui me concerne, il m’est insupportable de vivre ce basculement de notre pays vers des positions mortelles pour notre République, par arrivisme politicien pour certains, par calcul idéologique pour d’autres !
L’insulte permanente, l’ostracisme sélectif, la violence organisée, le rappel de principes moraux réactionnaires, l’exploitation de la bêtise humaine, très réelle, restent encore et toujours les signes annonciateurs d’éruptions plus graves et plus odieuses.
On oublie pour les plus anciens et on ignore pour les plus jeunes.
Plus personne n’enseigne la mémoire puisque l’avenir ne reposerait plus que sur le progrès technique, la croissance économique, le profit exponentiel, les apparences trompeuses, mais jamais sur le respect de valeurs fondatrices du vivre ensemble.
Il est devenu tellement facile d’exacerber, en cette période de crise sociale, des haines, d’allumer sciemment des feux pour enflammer les pires aspects de la nature humaine, de détruire la liberté des autres, de nier l’égalité entre les êtres, d’ignorer la fraternité, que toutes les tentatives isolées sont vouées à l’échec.
Avoir de la mémoire, c’est se rappeler que des slogans récemment entendus dans les rues de notre pays ont une résonance particulière. Qui a déclaré : « Si j’admets qu’il y a 1 à 2 millions d’homosexuels, cela signifie que 7 à 8 % ou 10 % des hommes sont homosexuels. Et si la situation ne change pas, cela signifie que notre peuple sera anéanti par cette maladie contagieuse. À long terme, aucun peuple ne pourrait résister à une telle perturbation de sa vie et de son équilibre sexuel… Un peuple de race noble qui a très peu d’enfants possède un billet pour l’au-delà : il n’aura plus aucune importance dans cinquante ou cent ans, et dans deux cents ou cinq cents ans, il sera mort… L’homosexualité fait échouer tout rendement, tout système fondé sur le rendement ; elle détruit l’État dans ses fondements. À cela s’ajoute le fait que l’homosexuel est un homme radicalement malade sur le plan psychique. Il est faible et se montre lâche dans tous les cas décisifs… Nous devons comprendre que si ce vice continue à se répandre en Allemagne sans que nous puissions le combattre, ce sera la fin de l’Allemagne, la fin du monde germanique. » Le chef nazi Himmler, le 18 février 1937! Gardez le en mémoire en écoutant des propos complaisamment reproduits par des médias amnésiques. Pensez-y en écoutant des slogans d’un autre temps !
La mémoire ? C’est savoir simplement que le 8 mai n’a été possible que parce un contingent de 28 000 Indochinois, 8 000 soldats et 20 000 travailleurs est arrivé en France avant 1940 et que l’armée française a mobilise 640 000 coloniaux et Nord-Africains dont 176 000 Algériens, 80 000 Tunisiens, 80 000 Marocains et 180 000 « Sénégalais » (nom générique donné aux soldats de l’Afrique subsaharienne) et Malgaches. S’y sont ajoutées les troupes du Levant (Syrie-Liban) 38 000 hommes, dont 22 000 de troupes régulières (légionnaires, tirailleurs, spahis, méharistes). Il y a eu aussi des unités spécifiques pour d’éventuelles offensives vers les Balkans ou le Caucase. Les effectifs au Levant ont ainsi plus que double pour atteindre 83 000 hommes en mai 1940.
Des « immigrés » bienvenus qui après avoir été exploités pour la richesse des grandes compagnies coloniales ont versé leur sang pour nous défendre et nous permettre désormais d’être au centre de discours haineux et xénophobes ! Sommes nous plus parfaits qu’eux ?
Cet autre, venu pourtant en 39-45 sauver notre pays est devenu l’ennemi, dans des discours populistes aussi nauséabonds que ceux de 1930.
Dans une cour d’école, un lotissement, une cage d’escalier, une usine, un terrain de sport, dans la rue, autour d’une table…nous glissons vers les mêmes causes qui produiront les mêmes effets.
Il avait déjà conduit aux horribles massacres de Sétif en Algérie le 8 mai 1945, sur lequel nous devrions bien nous repentir et que notre mémoire collective a englouti dans les pages peu glorieuses de l’Histoire. On l’a oublié comme par magie !

La mémoire collective qui flanche, c’est éviter de voir que l’intégrisme religieux n’est pas sélectif.
Il entre partout. Il pourrit tout. Il dénature la liberté, l’égalité, la fraternité.

Avons nous oublié que seule la laïcité a sauvé et sauvera la République qui ne doit être ni celle des clans, ni celle des cultes, ni celle des terrorismes idéologiques !
Le 8 mai doit donc devenir une fête de la mémoire citoyenne.
Nous devrions défiler dans les rues, une luciole à la main, pour rappeler que, faute de mémoire collective, nous condamnons les générations futures à mourir, plus ou moins rapidement, de froid.
Malheur à celles et ceux qui seront coupables ou complices par indifférence de ce crime latent contre l’humanité !
Je vous invite à devenir des sentinelles solidaires et des combattants solides, afin de réveiller les mémoires, afin de lutter avec acharnement contre tout ce qui avilit l’homme, le rend servile aux idées obscures, le rabaisse au statut de consommateur de jours fériés, lui fait oublier qu’il doit aux autres plus que les autres ne lui doivent !.
Mesdames, messieurs, c’est le dernier jour du 8 mai où je m’adresse à vous en tant que Maire.
Je l’ai toujours fait sincèrement, directement, honnêtement par respect pour les femmes, les enfants, les hommes qui ont donné leur vie pour que je puisse le faire.

Du fond du cœur, je remercie celles et ceux d’entre vous qui m’ont accompagné fidèlement depuis 18 ans lors de ces cérémonies.
Il est en effet beaucoup plus dur d’être constant dans l’effort que brillant dans le passage éphémère.
Et n’oubliez jamais que la mémoire reste le bien le plus précieux à transmettre, car c’est celui de la vérité.

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Cet article a 8 commentaires

  1. Raymond Viandon

    Bravo Jean-Marie !
    J’espere qu’I’ll y avait beaucoup d’enfants pour ecouter ton discours.
    Amities sinceres.
    Raymond

  2. J.J.

    Chapeau bas, Jean Marie. Tu as exprimé ce que bien des gens de nos générations pensent (trop peu , peut-être d’ailleurs), ce que je pense moi-même, mais que je n’aurais su si bien exprimer.
    Quel bel et émouvant feu d’artifice que tu as tiré là pour ton dernier « 8 mai » !

  3. Jean-Marie Darmian

    Jean-Michel Vizet a écrit un commentaire de ce discours que je livre à votre réflexion :

    « Permettez-moi de Vous interpeler, Monsieur le Maire de CRéON… après Vous avoir vu les yeux rivés sur Votre téléphone portable, lors de la cérémonie, d’hier matin, à Le TOURNE, j’ai du supporter vos propos dans ce que Vous avez appelé Votre dernière intervention de Maire à cette cérémonie, en Votre ville. Alors qu’étaient présents nos anciens « guerriers » pour la France, vous avez mis en avant les dizaines de milliers d’engagés, dans le conflit 39/45, venant de nos dépendances et colonies du moment, de toutes couleurs de peau et de toutes races, rappelant, en substance que lorsque nous avions besoin d’eux, on savait où les trouver ??? Plus fort encore, Vous avez comparé l’Allemagne d’avant 39/45 à la France d’aujourd’hui qui suit les slogans, hostiles à Votre Gouvernement, marchant sur les pavés des rues de Nos Grandes Villes ou de Notre Capitale. Vous avez lu un passage des préparateurs habiles germaniques de la dernière guerre mondiale concernant les homosexuels et leur danger pour la société. Pouvez-Vous me rappeler ce que signifiait NAZI ??? Vous avez eu, en lieu et place d’une commémoration, d’une cérémonie du souvenir, un discours idéologique déplacé simplement là pour satisfaire la clientèle qui manque à chacune de Vos petites victoires. Vous avez rappelé vos liens professionnels avec l’Education Nationale… vous êtes restés au niveau du Petit Instituteur !!! Je n’ai qu’une crainte… que vous alliez grossir les rangs des Députés et Instituteurs, en tout genre, qui siègent à Notre Assemblée Nationale et qui la pollue… en suppléant à la démission de Martine FAURE !!! »

  4. gege31

    On m’a appris une chose : ne pas répondre aux c … car ça les instruits. Je partage votre discours comme beaucoup de vos options et, de gauche comme moi, fort malheureux de voir où va ce monde. Je lis avec intérêt chacun de vos billets quotidiens heureux de constater que votre ligne morale n’est pas, comme trop de nos politiques, à géométrie variable. Vous êtes probablement un des très rares élus avec lequel j’aurais aimé travailler. La gauche chez moi c’est le socialisme stalinien, les petits arrangements, le clientélisme qui finira par la tuer … C’était hier un maire incapable de prononcer le moindre mot … de peur de dire des âneries. La Gauche c’est vous.

    Bravo encore mais votre succession va être difficile pour faire vivre comme vous l’avez fait chaque jour la démocratie participative.

  5. PC

    Vu le nombre de fautes d’orthographe du texte de ce Mr Vizet, il ne doit pas avoir beaucoup fréquenté les « petits institeurs ».
    Ton texte est magnifique Jean-Marie et devrait être lu dans les écoles et pas seulement.
    Qui osera s’éléver contre les extrémismes qui nous menacent?

  6. morland

    Discours d’une qualité merveilleuse, riche d’intelligence et d’humanité!
    Merci Monsieur Darmian de rassembler par vos mots les Hommes de notre
    pays, c’est cela l’honneur d’un Responsable Politique, et tout simplement d’un Homme.

  7. Pierre GACHET

    Superbe discours que je n’ai hélas pas pu entendre ce 8 mai, retenu hors de Créon.

    M. VIZET, que je ne connais pas, y était. Ce monsieur emploie des majuscules de majesté à l’égard de Jean-Marie DARMIAN pour montrer… Pour montrer quoi, au fait ? Ce monsieur conteste la teneur du discours, ce qui est son droit le plus absolu. Mais ce monsieur est fielleux dans cette contestation :  » Pouvez-Vous me rappeler ce que signifiait NAZI ??? »écrit-il. Ce monsieur en dit trop ou pas assez. Que signifie cette phrase, avec son sous-entendu sur le mot de nazi ? Quelle « clientèle » manque à quelles « petites victoires » ? Qu’est-ce qu’un « niveau de Petit Instituteur » ? Ce monsieur VIZET est tellement méprisant qu’il en est finalement haineux.

    Par ailleurs, M. VIZET semble tout ignorer du statut de député suppléant : si Martine FAURE, députée titulaire, démissionnait, il y aurait … une élection partielle pour pourvoir à son remplacement. Son suppléant ne la remplacerait pas !!! Ainsi est faite la loi, ruinant ainsi les suppositions pseudo politiciennes de ce monsieur.

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