Lentement, le gouvernement fait machine arrière sur toutes les réformes qu’il porte avec fracas devant l’opinion publique. C’est devenu une habitude, même si les reculades permettent uniquement de rectifier à la marge des projets pourtant présentés comme salvateurs pour le pays. Il est en effet impossible de nier la réalité, car elle finit toujours par péter à la figure de celui qui fait semblant de ne pas la voir. Tous les clignotants sont au rouge… les signaux sonores hurlent de tous les côtés… Nul ne sait vraiment à quelle distance la France se trouve du précipice mais, dans le fond, il faut se rassurer en clamant que le « courage » de détruire un système social, certes imparfait mais opérationnel, reste une preuve d’héroïsme politique. Ainsi, sur la réforme des collectivités territoriales, strictement politicienne ( je n’en démordrai pas !) les députés UMP continuent comme des godillots de l’ancien temps à empiler dans les textes des atteintes graves à la gestion républicaine fondamentale du pays. Impossible de discuter, selon tous les témoignages, car ils ont une mission « sacrée » : affaiblir le tissu des élus locaux qui, sans nul doute, se mobilisera en 2012 et avant, pour les sénatoriales de 2011. Il sera ensuite facile de les détruire, si Nicolas Sarkozy se succédait à lui-même ! Entre 2012 et 2014, il y a fort à parier que les régions et les départements, déjà vassalisés et étranglés, seraient passés à la moulinette des compétences, et les communes les plus modestes n’auraient pas d’autre choix que celui de fusionner ! Ce plan se met en place chaque jour, quoi qu’en disent les relais locaux de ce qu’il reste de l’UMP. Première étape déjà en œuvre : suppression de l’autonomie fiscale par la suppression de la taxe professionnelle, qui constituait une recette dynamique, susceptible de compenser l’augmentation des dépenses obligatoires, tout en garantissant de ne pas accabler les ménages. Le stratagème est politiquement bien pensé, puisque, désormais, les communes et les départements récalcitrants à suivre le plan de rigueur que veut leur imposer le gouvernement vont se heurter à la colère des contribuables, qu’ils seront obligés de taxer toujours plus ! Là-haut, on sait bien que quand on parle taxes d’habitation, taxes foncières, dans les communes, les oppositions se déchaînent (qu’elles soient de gauche ou de droite) pour hurler à la pression fiscale exagérée.Seconde étape : lier au maximum les ressources des régions ou des départements à des dotations maîtrisables par la loi des finances. Ainsi, après avoir supprimé de fait toute liberté d’action, le gouvernement va pouvoir lentement resserrer le garrot. L’annonce du gel des dotations ne constitue qu’un avant-goût de la diminution progressive des compensations versées par l’État. « Le seul engagement qu’a pris l’État au moment des transferts expliquait récemment le Préfet de la Gironde à la délégation conduite par le Président du Conseil Général, c’est l’équivalence, l’année du transfert. Il n’y a jamais eu d’engagement sur une augmentation des compensations liées à l’évolution des dépenses qu’elle génère ! ». L’annonce est sans ambiguïté et d’ailleurs elles s’applique. Inutile de théoriser sur le sujet, car les faits sont têtus.
Le Conseil Général de la Gironde, le 31 mai 2009, avait ordonnancé 227 millions d’euros de dépenses sociales… Hier, un an plus tard, il avait déjà dépensé 254 millions soit 27 millions de plus (+11,87 %). L’augmentation se décompose de la manière suivante : + 4 millions pou l’APA (aide versée aux personnes âgées); + 10, 7 millions d’euros pour le RSA; + 2,7 millions d’euros pour la PCH (prestation handicap)… Cette réalité va conduire, avec des recettes bloquées ou légèrement améliorées, à une catastrophe économique que seuls les inconditionnels du sarkozisme, complices de ce plan de destruction des départements, peuvent nier. 2011 sera pire, et surtout 2012 s’annonce comme terrible : les budgets seront impossibles à boucler ! Selon les prévisions de la CAF de la Gironde, on attend 2000 inscription potentielles supplémentaires au RSA durant juillet et août !
C’est tellement prévisible que François Fillon vient de faire semblant de se réveiller, en activant le plan pour les fins de droit (souvent il y a parmi eux des vacataires des services publics non reconduits, des étudiants non recrutés dans une fonction publique décimée, des victimes des profits financiers…), et en convenant que, sur les contraintes sociales imposées par l’État aux départements, il y avait un léger problème.
Réuni en séminaire à Chartres, le 27 mai dernier, pour « réfléchir ensemble sur les grands sujets d’actualité des départements, et adopter une position commune », le groupe des départements de la droite, du centre et des indépendants (DCI) de l’Assemblée des départements de France (ADF) a consacré l’essentiel de la séance aux questions sociales. Les 44 présidents de conseils généraux concernés soulignent « la gravité de leur situation financière, mais aussi leur spécificité par rapport aux autres collectivités territoriales, du fait de la place des dépenses liées aux allocations universelles de solidarité (RSA, APA, PCH) versées pour le compte de l’Etat, sur lesquelles les départements n’ont pas de maîtrise ».
Face au différentiel croissant entre les dépenses et les recettes, les départements du groupe DCI estiment que « si aucune décision n’est prise, aucun département, à moyen terme, ne parviendra à boucler son budget ». Il paraît que la Gironde était représentée à cette docte assemblée… souhaitons que son représentant ait retenu la leçon ! Il annoncera certainement aux travailleurs de son canton que, parmi les pistes possibles de financement du cinquième risque, il a approuvé « la création d’une nouvelle journée de solidarité ». Relancée à l’occasion du récent lundi du Pentecôte, l’hypothèse de la création éventuelle d’une seconde journée nationale de solidarité reçoit ainsi un renfort de poids.
En allant à Matignon aujourd’hui, la délégation de l’assemblée des départements de France a entendu simplement confirmation de sa perte d’autonomie et de sa mise sous tutelle par l’Etat. François Fillon leur a en effet annoncé que le gouvernement (il est vraiment généreux) apporterait un « soutien financier », notamment sous la forme de dotation, aux départements « en situation de difficulté urgente » en raison de l’augmentation des dépenses sociales qui leur incombent. « Pour les départements qui sont vraiment en situation de difficulté urgente, qui auraient des difficultés à boucler leur budget grosso modo d’ici la fin de l’année, nous allons mettre en place à partir du mois de septembre une mission d’appui », a dit le Premier ministre, à l’issue d’une réunion à Matignon avec la Commission exécutive de l’Assemblée des départements de France (ADF). Les Conseils généraux viendront y mendier ce qu’on leur doit, mais qu’on ne leur donnera pas !
Cette « mission d’appui » permettra « de les accompagner et le cas échéant de passer un contrat de stabilisation, qui comportera des mesures de soutien financier qui seront, dans un premier temps, des mesures d’avances financières remboursables », a ajouté M. Fillon. Extraordinaire conclusion : l’Etat reconnaît que les compensations non données aux mesures qu’il a imposées aux départements sont insuffisantes, mais il cache sa responsabilité en leur avançant de l’argent qu’ils ne pourront absolument pas rembourser, sauf à diminuer les investissements et à créer, via le chômage qui en découlera, encore plus de demandes sociales. Mais jusqu’à quand va-t-on continuer à prendre les élus locaux pour des cons ?
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