Modification des scrutins de proximité dans l'indifférence populaire

C’est désormais officiel, les élections municipales qui s’annoncent auront en mars 2014 un goût d’inédit et celles de 2015 pour les cantonales seront encore plus extraordinaires. Les électrices et les électeurs auront besoin d’une bonne dose d’éducation citoyenne intensive pour bien saisir les spécificités de ces 2 scrutins. La réforme portée par Manuel Valls avait été rejetée par le Sénat qui d’ordinaire porte les souhaits des collectivités territoriales. Surtout les plus modestes, car c’est pour beaucoup de « sages » leur fonds de commerce. Et bizarrement, pour cette fois le salut d’une modification concernant les communes, l’intercommunalité et même les conseils généraux est venu de l’Assemblée nationale réputée « urbaine » et « indifférente ». Par 273 voix pour (les socialistes et quelques radicaux de gauche), 247 contre (UMP, UDI, Front de Gauche et les Radicaux de Gauche) et 20 abstentions (les écolos)… le texte a été adopté, mettant un terme à une navette entre le Palais du Luxembourg et le Palais Bourbon. Les dispositions définitivement arrêtées sont les suivantes :
Aux élections municipales, le scrutin de liste mi-proportionnel mi-majoritaire s’appliquera dans les communes de plus de 1 000 habitants, contre 3 500 actuellement. Il va donc y avoir un drame dans les campagnes puisque l’électeur ou l’électrice ne pourront plus jouer au tir aux pigeons et dézinguer celles et ceux qui prenaient des positions contraires aux intérêts personnels des uns ou des autres. Le mauvais côté, c’est que les règlements de compte vont se multiplier entre « clans » ou « corporations » des villages, avec un risque majeur de voir entrer dans des listes apolitiques des candidats masqués d’extrême droite qui ne pourront plus être ciblés individuellement. Bien évidemment, le scrutin attribuera une « majorité » absolue à la liste arrivant en tête au second tour. Les autres sièges seront alloués selon le scrutin proportionnel au plus fort reste, ce qui promet quelques joyeux moments durant la fin des soirées électorales ! Enfin, les délégués des communes dans les intercommunalités seront désignés au suffrage universel, en même temps que les conseillers municipaux, et parmi eux. Deux listes seront présentées sur le même bulletin avec des ordres différents, et les sièges seront répartis selon le même principe que ci-dessus !
C’est l’essentiel d’un texte qui tente d’améliorer la démocratie dans l’essentiel des communes mais qui, à terme, va marginaliser les plus modestes d’entre elles, car la répartition du nombre des sièges déterminé par la loi Richard va réduire considérablement (sauf accord unanime de tous les conseils municipaux) la représentativité des collectivités de moins de 500 habitants. Les intercommunalités, avec la méli-mélo de la proportionnelle, vont singulièrement tanguer dans le prochain mandat.
L’autre grande modification concerne les conseils généraux, qui deviennent les « conseils départementaux », ce qui me permet désormais de dire que j’entrerai dans l’histoire locale en étant le…dernier conseiller « général » du canton de Créon, qui d’ailleurs sera modifié dans son périmètre. Les électeurs désigneront en effet tous les six ans dans leur totalité, au scrutin majoritaire à deux tours, un binôme homme-femme pour les représenter. Comment va être perçu cette initiative osée ? Nul ne le sait. Comment va-t-elle fonctionner ? On a du mal à l’imaginer. Est-ce indispensable ? Certainement, car actuellement, seulement 14 % des conseillers généraux sont des femmes ce qui place ces assemblées en dernière position en matière de parité ! Pour ne pas modifier le nombre total de conseillers, le nombre de cantons sera divisé par deux (de 4 000 à 2 000), ce qui implique un redécoupage du ressort du ministère de l’intérieur : la carte des cantons était jusqu’ici quasiment la même depuis 1801.
Cette décision correspond à de multiples remarques sur les différences entre la taille des divers cantons pour le même mandat. Quatre églises, une route qui grimpe jusqu’à la cime d’Espréaux, trois communes rurales et pauvres, une poignée de commerces, des agriculteurs… C’est le canton de Barcillonnette, créé aux fondements de la Révolution, et dont la taille minuscule a résisté ici à tous les vents et toutes les marées. Ni son changement de département, ni l’exode rural, ni les lois successives et les redécoupages cantonaux n’auront eu sa peau. Ce canton, c’est quelque part la décentralisation portée à l’extrême. Un conseiller général pour trois villages et 350 habitants… alors que celui de Créon compte 28 communes et maintenant plus de 45 000 habitants. Celui d’Aix Est avec 80 000 habitants bat tous les records. Bien entendu, la droite criera au « charcutage », au « tripatouillage », quand elle a prétendu rétablir le justice en redécoupant les circonscriptions législatives. C’est donc parti pour un nouveau grand déballage, de nouvelles polémiques, des considérations personnelles, des revendications irréalistes, mais il y aura bien d’ici là des événements de la plus haute importance, pour que le Peuple pense à autre chose qu’aux scrutins auxquels il participe déjà de moins en moins.

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Cet article a 6 commentaires

  1. Fourny

    après avoir lu cet article, je tiens à préciser que les deux listes la liste municipale et la liste intercommunale devront être dans le même ordre et on ne pourra être conseiller communautaire si on n’est pas conseiller municipal pour éviter les tripatouillages. de même les listes proportionnelles dans les communes de plus de 1.000 habitants rendront obligatoires la parité !!! ce qui en conséquence amènera la parité dans les organes exécutifs de l’intercommunalité la parité sera de mise pour les vice-présidents . à titre d’exemple la CDC du pays de Langon n’a aucune femme au bureau pas plus que de femmes maires!!!!

    1. Jean-Marie Darmian

      Exact mais le Langonnais est un cas à part car dans le Créonnais nous avons eu jusqu’à 5 femmes maires de leur commune mais toutes ont abandonné ou abandonnent leur mandat en 2014 et c’est là le vrai problème

  2. mapics

    Pour Dardenac avec nos 100 habitants nous sommes à l’abri de cette proportionnelle et j’en suis ravie car vue le climat ambiant avec deux listes, je pouvais acheter un pot de pop corn pour chaque conseille municipale et admiré le spectacle.

    1. Jean-Marie Darmian

      Ce sera le cas ans de nombreuses communes….

  3. Marae

    La parité « obligatoire »est une hérésie!
    Je me suis amusé aujourd’hui à écouter des danois ou des suédois – des gars du Nord… – expliquer que, ma foi, il pouvait être mal perçu de participer aux tâches ménagère ou éducatives… Mais personne n’oblige qui que ce soit à vivre avec quelqu’un qui n’est pas de son choix!
    Le fait que les femmes soient si peu représentées tient plus du mode interne de désignations des candidats, qui regarde nos *§$$£ de partis!!
    Mais de là à obliger ces derniers à la Parité… Encore de quoi amuser les foules!! 😀
    Notre démocratie et malade; moribonde! Qu' »on » essaye de sauver… C’est elle qu’il faut réformer!
    Quant aux communautés de commune… Encore un étage pour se goinfrer au frais de la Princesse… Au moins telle qu’elle fonctionne par endroit aujourd’hui!! 😀

  4. baillet

    Vive la proportionnelle! Le scrutin actuel n’était pas démocratique! Des villages avec des conseils municipaux entièrement rose ou bleu ou rouge ou « apolitiques » ça n’était pas la démocratie!

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