Le problème dans la société actuelle c’est qu’obnubilé par son avenir incertain on y oublie souvent les références au temps passé contenant parfois les racines du présent. C’est ainsi que dans bon nombre d’affaires, il serait essentiel de remettre en perspective les faits les uns par rapport aux autres. Mais ce n’est plus de mode. L’abandon des références aux dates et aux événements ayant émaillé l’Histoire de France fait souvent perdre tout sens objectif de l’analyse. Depuis quelques jours, j’ai pourtant grande envie de rappeler qu’il y a toujours des coïncidences réputées bizarres, mais qui ne peuvent intriguer que les gens ayant eu le privilège de partager inopinément certains rendez-vous. Au sein du PS; par exemple, il n’y a que ceux qui ont vécu de l’intérieur la période 1987-1988 qui peuvent apprécier le climat actuel. Une fracture profonde a partagé durant ces deux années le Parti avec les partisans de Mitterrand et ceux de Michel Rocard. Les traces de cette cohabitation entre deux visions du socialisme sont encore réelles à l’intérieur du PS. Et prétendre le contraire c’est vivre chez les Bisounours. « Vous les Rocardiens, qu’est-ce que vous avez pu nous faire chier… » me rappelle toujours avec délectation un ancien député mitterrandien. J’ai déjà maintes fois ressenti qu’être arrivé dans les bagages du PSU en 1975 correspondait au port irrémédiable d’une étoile « rose pâle », inamovible au sein de la mouvance socialiste. Le temps n’a jamais véritablement estompé cette marque indélébile, et le conflit, avant le renouvellement des candidatures aux Présidentielles de 88, était extrêmement fort. On s’écharpe… mais en silence, et les rancunes sont tenaces !
En fait les « Rocky » (comme on appelait péjorativement les troupes de celui qui avait toujours combattu Mitterrand) étaient inorganisés, dépourvus de moyens, extérieurs au Parti institutionnel, et donc considérés comme de doux rêveurs face aux autres courants du PS structurés, financés, cohérents. Comme il souhaitait être candidat à la candidature pour les présidentielles de 88, Rocard accepta une « structuration » minimum de ses partisans… Nous sommes en 88 et l’expérience sera douloureuse, car le financement était alors assuré dans tous les partis par des entreprises auxquelles les Rocardiens n’accédaient pas, par principe et par incurie structurelle. La « collecte » fut néanmoins organisée par quelques émules dévoués. Ces fonds « à l’ancienne » devaient permettre de survivre face à la puissance de feu des Mitterrandistes roulant déjà pour le second mandat du Président.
Un après-midi, Rocard renonce et retire sa candidature en constatant que c’est perdu d’avance. Il n’a donc plus besoin d’une association construite et des fonds « collectés ». On abandonne dans son camp les rêves de structuration et l’arrivée du mentor à Matignon permet de laisser dormir le magot pour des usages ultérieurs. Suivez le guide dans l’évolution du contexte des « coffres-forts » politiques d’alors.
Avant 1988, le financement des campagnes électorales n’était pas codifié. Les partis ne disposaient d’aucun statut. Comme les candidats aux élections, les partis étaient censés vivre des seules contributions de leurs militants… et les rocardiens davantage que les autres car les caisses du PS leur étaient totalement interdites. En réalité, les principaux partis avaient mis en place des mécanismes occultes de financement illégal, c’était ainsi, et loin de moi l’idée de l’approuver puisque j’ai été le premier journaliste à le dénoncer en mars 1982, ce qui m’a valu d’être mis au ban du Parti. Ils recevaient des dons illégaux des entreprises, en contrepartie d’avantages (autorisations administratives, contrats d’équipements, etc..)
Votée dans les dernières semaines de la première cohabitation, la loi du 11 mars 1988 édicte alors les premières règles de financement de la vie politique. Chirac est à l’initiative de cette loi qui lui avait été demandée par le président de la République, dans le contexte de l’affaire Luchaire sur les ventes d’obus avec commissions à l’Iran ! La loi du 11 mars 1988 institue ainsi le principe du financement public des partis… et donc les coffres se referment sur leurs secrets.
Votée dans le cadre de l’affaire Urba, la loi du 15 janvier 1990, dite « loi Rocard», efface toutes les infractions « commises avant le 15 juin 1989 en relation avec le financement direct ou indirect de campagnes électorales ou de partis ou de groupements politiques ». On le reprochera assez à Rocard. La loi étend le plafonnement à tous les types d’élections et ouvre le financement public aux formations politiques non représentées au parlement; Elle permet aux partis de bénéficier de financements privés, dans la limite de plafonds. Une même personne morale ne peut cependant verser annuellement plus de 500 000 francs (74 626 euros) aux partis politiques. Que faire des contenus des coffres ? À l’automne 1992, Le gouvernement socialiste (1988-1993) présente un projet de loi interdisant aux personnes morales (en particulier les entreprises) de consentir des dons, tant aux candidats qu’aux partis politiques; il faut alors planquer tout ce qui reste… et qui n’a aucune existence légale. Des officines se chargent d’exfiltrer ces caisses noires, qui parfois concernent aussi des clubs de football très connus, vers des horizons plus sereins. La Suisse par exemple, en gardant, via un prête nom consentant, la signature sur des comptes discrets, toujours accessibles, et pouvant relancer un financement, au cas où… un jour. On est en 1992.
Lisez bien les nombreux articles actuels et les dates qui y figurent… avant d’aboyer avec la meute rugissante des vierges effarouchées. Pensez que parfois des sommes fixes ne viennent pas que de la vente de tee-shirts, de casquettes, de pins ou de tasses à thé. Les dégâts collatéraux d’une vieille rivalité sont souvent décalés dans le temps ! Bien entendu toute ressemblance avec des faits actuels ne serait que pure coïncidence !
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Bonjour,
belle démonstration d’historicité-politique… Alors délirons un peu plus loin, Rocard 83 ans aux prunes qui n’a plus rien à attendre pourrait sortir du maquis pour défendre son soldat à découvert. L’article du Monde révélant les liens entre Cahuzac et ses amis du GUD est-il la raison du mutisme de Rocard?
Comment expliquer que Cahuzac a (peut être) manœuvré pour que le rapport,d’expertise qu’il a commandé à propos de la vente de l’hippodrome de Compiègne daté du 22 juillet 2012, remette en cause le travail des trois experts de la Cour de justice et disculpe Éric Woerth ? Toopty 1er qui l’avait nommé président de la commission des finances connaissait-il les secrets de Cahuzac et a-t-il fait pression sur lui?
Le compte reconnu par Cahuzac aurait un frère jumeau pour lequel le ticket d’entrée aurait un seuil de 10 millions d’€, Selon le journaliste Antoine Peillon, spécialisé dans les questions d’évasion fiscale, évoquant plusieurs sources concordantes, le compte de Singapour serait en fait approvisionné à hauteur de 16 millions d’euros!!! ( admirez la succession de conditionnels)
Bon, il va falloir patienter longtemps, très très longtemps, pour avoir une idée plus précise. En attendant tout cela n’est rien d’autre que du délire mé(r)diatique.
Salutations citoyennes