Comment un bon déficit actuel peut engendrer des profits futurs !

Dans la sphère de l’activité économique privée, il est possible de gagner beaucoup d’argent en annonçant des pertes. Il suffit de choisir le bon moment et de bénéficier d’un relais médiatique grand public très peu regardant sur le communiqué de presse qui est envoyé avec dextérité par un bon service de communication. Actuellement, il est indispensable de ne pas annoncer des profits car c’est un lourd handicap pour tailler dans les effectifs et pour accroître à terme les bénéfices. En fait, l’annonce de lourdes pertes constitue un véritable investissement pour l’avenir. Pour s’assurer de la validité de cette stratégie, il suffit d’examiner attentivement les publications des entreprises et notamment celles des banques.
Ainsi le Crédit Agricole au niveau de sa structure nationale force la dose et décline un déficit net de 6,5 milliards pour 2012 ! C’est un record absolu mais il a été immédiatement salué de manière positive par… la Bourse, puisque le titre a été en forte hausse toute la journée (+3,89% à la clôture) ce qui démontre à l’envi qu’il ne s’agit pas d’une véritable « dépréciation » de la banque la plus puissante sur le territoire français. Annoncer un « trou » supérieur à ceux de Dexia (2011) ou de Natixis et même de la BNP relève quasiment de l’exploit, alors que rien n’est comparable. L’astuce vise à dramatiser pour pouvoir serrer la vis de manière plus facile. C’est devenu une réalité dans le monde des grandes entreprises, avec un autre exemple préoccupant : celui de Peugeot ! Il s’agit en fait de charger la barque en profitant du contexte, pour plomber les résultats avec la dépréciation d’actifs ou plus prosaïquement en ajoutant aux pertes structurelles, les pertes strictement financières ! C’est un peu comme si en fin d’année un couple effectuant son bilan déflaquait de ses revenus ses pertes au poker ou à la Française des Jeux !
Quand on gratte un peu dans les bilans et que l’on ne se contente pas de procéder comme le font les « médias perroquets », on s’aperçoit que la situation réelle est loin d’être à ce niveau strictement artificiel. Ainsi l’an dernier, un plan d’adaptation avait entraîné la suppression d’environ 2 300 postes au sein des filiales « CA CIB » (banque de financement et d’investissement) et « CA consumer finance » (crédit à la consommation)… des filiales jugées les moins rentables. À la différence de 2011, où le groupe dans son ensemble était resté bénéficiaire, l’ensemble de la banque intégrant 100 % des caisses régionales également en perte, à 3,80 milliards d’euros ! La différence réside dans le cumul d’éléments exceptionnels liés à la stratégie générale des dirigeants. Fin 2012, alors que la banque savait l’année déjà déficitaire, elle en a profité pour charger la barque, et sortir les mauvais coups oubliés l’an passé, à l’instar de nombreux groupes du CAC 40 d’ailleurs. Or si son chiffre d’affaires est en recul de 16%, à 16,32 milliards d’euros sur l’année, le résultat brut d’exploitation affiche un résultat positif de…542 millions d’euros en 2012 ! En clair, les activités de base du groupe (celles du personnel de proximité et de la maison mère) n’ont pas réalisé de pertes, mais pour l’estomper on a ajouté tout le reste ! Tant qu’à afficher, sous un gouvernement de gauche, un résultat déficitaire, autant le plomber au maximum. « Rien que sur le quatrième trimestre, les dépréciations d’écarts d’acquisition, les dépréciations de titres, la réévaluation de la dette, « l’exit tax  » ainsi que l’impact des conditions définitives de cession de la fameuse filiale grecque Emporiki ont porté sur… 4,53 milliards d’euros » selon le Point.fr. C’était le moment de solder tout ce qui pouvait l’être et ça n’a pas échappé à la Bourse, mais ça échappera aux auditeurs et aux téléspectateurs, ainsi qu’au public des fameuses assemblées des caisses locales !
En Grèce, le groupe a laissé quasiment la bagatelle de 8 milliards d’euros- Crédit Agricole SA paye donc aujourd’hui sa politique inconsidérée d’expansion de la première moitié des années 2000. A l’époque, la banque des agriculteurs s’était mise à rêver en grand, en rachetant à tour de bras des actifs dont elle doit aujourd’hui réajuster la valeur, très à la baisse. Au total, les écarts d’acquisitions et de la vraie valeur actuelle ont atteint 3,4 milliards d’euros sur l’ensemble de l’année, avec des dépréciations importantes notamment sur l’établissement portugais Banco Espirito Santo et celui de l’Italie Cariparma ! La réalité, c’est qu’encore une fois de lourdes erreurs de stratégie, et le goût irrépressible pour le grand monopoly international des marchés financiers, va tuer des emplois de proximité et masquer ainsi des fautes graves. Ce résultat comptable n’a donc pas véritablement de sens, c’est un rideau de fumée, encore une fois, sur l’opacité d’une gestion qui a provoqué des pertes nettes de la banque bien supérieures aux prévisions des analystes. Mais du moment que la bourse est satisfaite… on ne va être très regardant chez les actionnaires qui, grâce à ces astuces, ont récupéré en une journée une plus-value de 3,90 % !

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Cet article a 7 commentaires

  1. fourny

    tout va pour le mieux dans le meilleur monde alors pourquoi se plaindre le CA a à un trou abyssinal, mais cela n’inquiete pas du tout les dirigeants, peut être que les clients devraient l’être eux. Espérons que la Loi séparation et régulation bancaire rendra tous ces dirigeants raisonnables!!!

  2. FOURNY

    pourquoi parler de relais médiatique peu regardant il suffit de regarder ce que représentent les dépenses de publicité des banques dans les médias. et aussi de savoir qui est dans les capitaux des journaux et à qui les médias doivent de l’argent.

  3. Christian Coulais

    Et l’on voit bien, en ce qui concerne cette banque citée plus haut, faire de la pub juste avant l’annonce. Place de village, gentil couple assis face à son banquier, sur un « banc de pierre », (c’est du solide), qui leur (du verbe leurrer ?) raconte que le bon argent confié reste bien dans la Région, dans leur région, est investit dans les outils de proximité.
    Comme pour la malbouffe au bel emballage vendue par la pub, les veaux sont pris pour des cons !

  4. facon jean françois

    Bonjour,
    Mieux que cela, nos braves banksters sont aussi des affameurs, si l’on écoute
    Clara Jamart d’Oxfam France :
    « Les banques françaises, au premier rang desquelles BNP Paribas, participent à l’insécurité alimentaire mondiale croissante en spéculant sur les marchés de matières premières agricoles.

    Ces banques proposent à leurs clients des outils financiers destinés à parier sur la faim. Face aux conséquences des flambées des prix alimentaires à répétition, ces groupes doivent mettent fin à leurs activités de spéculation sur les matières premières agricoles. »

    Selon ce rapport publié le 12 février 2013, elles étaient quatre à se partager en 2012 au moins 18 fonds permettant de spéculer sur les matières premières pour un montant d’au moins 2,5 milliards d’euros.
    Si BNP Paribas se taille la part du lion avec 10 fonds pour une valeur de 1,4 milliard d’euros, trois autres enseignes ne sont pas en reste :
    Natixis ;
    Société Générale ;
    et Crédit Agricole.
    Oxfam France rappelle les conséquences désastreuses de ces pratiques spéculatives sur les prix alimentaires mondiaux : une augmentation de 83 % entre 2005 et 2008 avec un sinistre record pour le blé (+181 %).

    Mais Clara Jamart trouve des raisons encore plus graves de s’alarmer :
    « L’évolution des pratiques est inquiétante : c’est depuis la crise alimentaire de 2008 que la majorité des fonds permettant de spéculer sur les matières premières agricoles ont été créés en France. Au niveau mondial, la tendance est la même : le montant total de ces fonds représentait 90 milliards de dollars en 2011, contre moins de 10 milliards en 2004. »

    Alors quand j’entends les pubs des banksters, j’ai très envie de vomir. Comme disait trivialement un ami défunt : « l’argent du cul ne sent pas la merde! » que je transformerais bien en « l’argent de la faim ne sent pas le cadavre ».
    Ne voyez dans ces odorantes métaphores que la traduction de mon désarroi après la réforme bancaire sabotée de l’intérieur par Bercy.
    Salutations citoyennes

  5. J.J.

    Il ne faudra pas s’étonner si un jour les damnés de la terre et les forçats de la faim trouvent quelques morceaux de corde et les passent au cou des spéculateurs, comme cela s’est parfois produit les siècles précédents.

    Et bien sûr, on se récriera devant les mauvaises manières du peuple, fi !

    C’est comme cela que l’on organise les révolutions, puis on guillotine Lavoisier et on donne un trône à Bonaparte…

  6. facon jean françois

    Pour revenir au sabotage de la réforme bancaire:
    Un article de Benjamin Masse-Stamberger sur l’art et la manière du lobbying bancaire de vider un projet de régulation de toute substance , nous apprend (entre autres) que la vice-présidente (socialiste) de la commission des finances, Valérie Rabault*, est l’ancienne responsable Risk Strategy des activités dérivés-actions de BNP-Paribas. « Loi de régulation bancaire », « commission des finances », « vice-présidente socialiste », « BNP-Paribas dérivés-actions » : inutile de jouer à « cherchez l’intrus » dans cette liste, dans le monde où nous sommes, il n’y en a plus. Bien sûr, dans un geste altier et pour ne pas donner prise à l’accusation de « conflit d’intérêt », Valérie Rabault, vice-présidente (socialiste) de la commission dérivés-actions de l’Assemblée nationale, a décliné d’être rapporteure du texte de loi.

    C’est vrai, je vois des complots partout, surement un signe de sénilité précoce.

    *Valérie Rabault, née le 25 avril 1973 à L’Haÿ-les-Roses dans le Val-de-Marne, est une économiste et femme politique française. Elle a été élue députée le 17 juin 2012 dans la première circonscription du Tarn-et-Garonne lors des élections législatives de 2012. (source Wikipédia)

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