Dans la vie publique, il n’y a jamais loin de la roche Tarpéienne au Capitole, et il ne faut surtout jamais mettre un genou à terre, tellement la meute a tendance à vous piétiner au nom d’un principe défendu par Jules Claretie : « Tout homme qui dirige, qui fait quelques chose, a contre lui ceux qui voudraient faire la même chose, ceux qui font précisément le contraire et surtout la grande armée des gens d’autant plus sévères qu’ils ne font rien du tout ». Il faut souvent qu’une femme ou un homme politique sache se souvenir du chemin parcouru, pour qu’il vérifie que ce n’est pas sur les autoroutes du pouvoir que l’on souffre le plus. Il faut souhaiter que Christine Taubira effectue cette cure en ce week-end, car elle a pu mesurer combien les combats se révélent déterminant pour votre image. Elle n’a pas varié un instant.
Elle a assumé sans problème avoir été l’une des « causes » de la défaite de Lionel Jospin, en se présentant au premier tour des présidentielles. Femme convaincue, ancrée dans les valeurs qu’elle défend, ne renonçant jamais à monter au créneau, elle doit penser à tout ce qu’elle a entendu depuis sa nomination au gouvernement. Elle était devenue en quelques jours la principale cible des attaques de la droite. La ministre de la Justice, Christiane Taubira, avait dû, moins d’une semaine après son investiture, faire face à de vives critiques, notamment sur son supposé « laxisme ». « Quand on vote FN, on a la gauche qui passe » et « on a Taubira », avait déclaré Jean-François Copé… à son propos. Un homme qui sait de quoi il parle à propos du FN !
Le jour de sa nomination, l’ex-député Jean-Paul Garraud, membre de la Droite populaire, avait estimé, avec le sens de la nuance qu’on lui connaissait que la composition du gouvernement lui donnait « mal à la France », en visant l’élue guyanaise. Se défendant de toute « attaque par rapport à la couleur de peau », il avait dit dénoncer sa position sur « l’esclavagisme », l’accusant de « faire à chaque fois le procès de la France » et d’avoir « une vision très communautariste de l’Histoire de France ». D’autres députés UMP, dont le célèbre intellectuel Lionnel Luca, avaient relayé des rumeurs circulant selon lesquelles Christiane Taubira aurait affirmé sur RFI que le fait de brûler un drapeau français n’était pas un acte répréhensible. Ce qu’elle n’avait jamais déclaré.
La première sortie de la ministre avait aussi été vivement raillée. Surtout qu’un détenu s’était évadé, profitant d’une permission de sortie accordée pour un tournoi de basket auquel assistait Christiane Taubira. « Première sortie de Mme Taubira : première évasion réussie », avait finement lancé un autre élu de la Droite populaire, Philippe Meunier. Avant d’ajouter qu’elle était « bien partie pour battre le record de Pierre Arpaillange, garde des Sceaux de Michel Rocard ». Un ministre connu pour une bourde passée à la postérité: « En 1989, sur 52 évadés, on en a repris 53 », avait-il lancé à l’Assemblée. « C’est comme Eva Joly, qui était un punching-ball idéal pour la droite. Taubira est une cible parfaite. On va bien se marrer… », expliquait un élu UMP délicat, qui rappelait les attaques subies, jusque dans son camp, par Rachida Dati après sa nomination Place Vendôme en 2007. « La nomination de Taubira (sic) a surpris tout le monde chez nous. Il y a, sous-jacente, l’idée qu’elle n’a pas les compétences », lançait un député UMP. J’en passe et des pires, mais dans le fond, plus les attaques sont exagérées et déplacées plus votre hargne de prouver le contraire progresse. Christiane Taubira a eu sa revanche, et quelle revanche : ténacité, humour, efficacité, pugnacité, « virilité » dans les échanges. Rien ne l’a impressionnée. Elle a dit ce qu’elle pensait sans retenue et sans langue de bois? tellement pratiquée sur les bancs de l’assemblée ! Elle avait lancé à ses détracteurs : « Ça en dit davantage sur eux que sur moi. Ce sont mes résultats et mon action qui parleront pour moi! » Et elle a tenu parole ! En arrivant au bout d’une débat interminable? et surtout totalement miné par l’UMP, elle a avoué laconiquement qu’un tel moment, c’était « du bonheur ». Ce bonheur d’avoir tenu parole, d’avoir tenu bon, d’avoir tenu un discours sans faille, d’avoir résisté sous l’avalanche de subterfuges techniques uniquement destinés à reculer une échéance inéluctable.
« Tout le monde pensait qu’elle était le maillon faible. En fait, elle était le maillon fort », jure le député-maire de Dijon François Rebsamen. On avait pourtant en souvenir sa lutte acharnée pour la reconnaissance des dégâts commis par les esclavagistes, menée avec une opiniâtreté ayant fait l’admiration de tous. Les valeurs, les idées, les principes, et pas de cuisine d’arrière-boutique… telle est, en permanence, sa ligne de conduite. Et quand on sait combien la politique vous éloigne de la ligne droite, on ne peut que clamer « chapeau Madame ! »
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Rien à ajouter….. En effet, bravo Madame !
Comme aurait dit Henri IV à propos de Catherine de Médicis : « C’était (c’est) un grand homme politique »