L’armée française intervient au Mali et sur quelques autres « théâtres (sic) d’opérations » comme disent les gens qui savent parler de la guerre. On sent peu d’empressement de la part des autres pays pour jouer un rôle véritablement déterminant dans un conflit pourtant mandaté par les Nations Unies. Certes, elles ont été unies dans le mandat, mais visiblement elles attendent de juger si les risques encourus d’ensablement ne sont pas supérieurs à la gloire militaire à en retirer. En cette période de réductions budgétaires, chaque jour d’intervention évitée est à porter à l’actif d’une gestion rigoureuse. Les Européens, dans ce domaine, sont à la pointe des faux-culs, et il serait intéressant de connaître l’avis du FMI sur les dépenses générées en France par la présence de l’Armée française, seule, au Mali, puisqu’il faudra bien à moment où à un autre régler l’ardoise. Les économies réalisées en Afghanistan vont vite être englouties par les frais découlant du conflit face aux terroristes intégristes d’Aqmi et consorts.
L’Europe de la défense n’existant absolument pas, il est impossible de déployer des forces communes. Quand les Allemands mettaient en 2011 seulement 1,3 % de leur PIB dans leur armée, les Français y contribuaient à hauteur de 2,3 % et les Italiens pour 1,8 % . Nous sommes devenus, avec la Grande Bretagne (2,6 % du PIB) la seule armée capable d’intervenir en Afrique… alors que les autres ne sont plus en mesure que de faire de « l’assistance », et on attendra donc encore longtemps des contingents de soldats avec la logistique qui va avec. Les Américains ne pouvant plus être financièrement les gendarmes du Monde, il faut craindre que, lentement, ce soit « allez-y on vous suivra ! ». Encore une fois l’Europe n’a pas véritablement mis en place une solidarité des dépenses. Et dans le fond, la sensation que l’on a, c’est que le cynisme ambiant va conduire à laisser la France se dépêtrer des problèmes dans cette zone du Sahara, sans grand intérêt économique. Nicolas Bays, vice président PS de la commission de la défense, se veut rassurant, notamment sur l’envoi de troupes des… états Africains (qui finance leur armée?) qui devraient arriver d’ici la fin de la semaine. « C’est un signe positif et plusieurs pays européens se sont engagés à nous apporter de l’aide », explique-t-il. « La France n’est pas seule », assure à la tribune Jean-Marc Ayrault, soucieux de rassurer les parlementaires. « Notre décision bénéficie d’un large soutien international ». A voir dans les prochains jours.
La donne a légèrement changé depuis l’expédition de Libye, car les intérêts étaient plus visibles et plus importants. Libérer Gao ou Tombouctou ne constitue pas un enjeu majeur en termes de production de gaz ou de pétrole. D’ailleurs, les terroristes le savent bien quand ils attaquent les sites économiques et délaissent vraiment les objectifs politiques. Plutôt que de défendre des milliers de km² de désert, ils ont vite filé vers un lieu qu’ils ont repéré en rentrant de leurs combats menés pour le compte de Kadhafi. Ils savent que s’ils mettent la pression sur les ressources naturelles, ils déplacent l’enjeu du conflit.
Une vingtaine de djihadistes « locaux » d’Aqmi ont donc immédiatement attaqué le site de BP-Sonatrach près d’In Amenas, tuant deux personnes et prenant en otages au moins 191 personnes dont 41 étrangers. Ils réclament que 100 terroristes détenus soient conduits dans le Nord Mali… pour renforcer leurs troupes ! L’alerte est générale sur le continent africain, car les plates-formes ou les sites de ce type sont extrêmement vulnérables, en raison de leur isolement sur des territoires vastes et impossibles à sécuriser. Intervenir depuis le ciel sur un champ de gaz ou de pétrole relève de l’aventure extrêmement dangereuse. A l’ombre des derricks ou des gazoducs, ils se savent plus en sécurité dans une cité hostile. L’armée française, aussi performante soit-elle, n’arrivera jamais à sécuriser seule un territoire global 4 à 5 fois supérieur à la France ! Si Aqmi met la main sur d’autres lieux du type d’In Amenas, il frappe plus durement qu’avec des Kalachnikov dans des cités pauvres et oubliées…
Impossible de ne pas craindre que l’expédition malienne ne soit pas prise en compte par une communauté internationale en pleine crise. Et c’est tout à l’honneur de la France d’avoir accepté de sauver, dans un premier temps, ce qui pouvait l’être. Il lui faudrait peut-être s’appuyer sur les Touaregs, peuple qui admet mal, globalement, l’arrivée d’Aqmi et ses alliés sur leurs espaces, qu’ils espéraient voir devenir plus autonomes. C’est l’une des conditions essentielles de la réussite de l’opération Serval, car ils connaissent le terrain et sont habitués aux guerres des sables. L’appui des Touaregs du MNLA serait une aide précieuse à une offensive internationale dans le nord du Mali, contre des rebelles islamistes extrêmement mobiles, qui connaissent parfaitement la zone. En contre partie, on pourrait enfin leur reconnaître le droit de dépasser les principes artificiels des frontières « nationales » pour gérer leur propre territoire. Une vraie libération de cette zone qui a toujours été sous tutelle venue de l’extérieur.
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effectivement s’appuyer stratégiquement sur les Touareg le véritable peuple indigène permettra de bénéficier d’un soutien de la part de véritables connaisseurs du terrain, mais je m’interroge sur un nouveau risque d’apprenti sorcier. Donnez des armes, leur permettra peut être de chasser les envahisseurs à moindre de risques mais une fois nos troupes revenues dans notre pays ces derniers risquent de relancer un conflit avec les autorités de Bamako.
et on peut comprendre la volonté des touareg de bénéficier d’autonomie voire d’indépendance, demande qui peut être légitime mais ces revendications doivent dès à présent être prises en compte pour qu’à la fin du conflit le problème Touareg soit réglé.
Bonjour,
c’est maintenant dans le désert Algérien que le conflit s’est soudain déplacé. Un désert qui nous rappelle nos échec de 1954 à 1962 contre le FLN. Aujourd’hui,ironie de l’histoire, ce sont les anciens du FLN qui se retrouvent à nos cotés sur ce nouveau front .
« Les Français, avec une arrogance similaire à celle des Américains et des Britanniques dans leurs propres guerres désespérées contre la “terreur”, n’ont tout simplement pas pensé — en envoyant leurs soldats combattre la semaine dernière au Mali — que le désert algérien était comme un coffre-fort propre à avaler nombre de ressortissants français et étrangers. » R Fisk journaliste,spécialiste de cette région, au quotidien anglais The Independent.
Cordiales salutations
Les Touaregs ont joué avec le feu, ils ont pactisé avec le Diable et se sont faits dépasser. Ils y ont perdu leur capital sympathie et ne sont désormais quasiment plus crédibles. Alger qui ne les écoutait déjà pas va les marginaliser davantage et au Mali la chasse à l’homme a commencé. Ils sont aujourd’hui assimilés aux terroristes d’Aqmi et il va leur falloir des années pour se faire entendre de nouveau. Ils avaient pourtant un précédent en exemple, lorsqu’Arafat, ne sachant plus vers qui se tourner, avait épousé la cause de Saddam lors de la 1ère Guerre du Golfe.
Nous avons néanmoins une grande responsabilité historique dans la situation des Touaregs. Lors de la conquête de l’Algérie en 1830, ce pays ne concernait que la bande côtière et s’arrêtait aux montagnes de l’Atlas, avant les portes du désert qui était le domaine des hommes bleus. Le Sahara a été conquis par la suite. C’est la France qui a regroupé ces deux régions différentes tant culturellement qu’ethniquement et les a restituées d’un seul tenant au gouvernement algérien en 1962, en fonction des tracés de frontières élaborés dans les cabinets ministériels parisiens durant la grande époque de l’Empire Colonial, renouvelant les erreurs des Accords Sykes-Picot pour le Moyen Orient en 1916 et du Traité de Versailles pour l’Europe en 1919. .
Quant à l’intervention solo de la France, il faut y voir 2 choses : d’abord l’aide en urgence à la lutte contre la barbarie dans un pays ami ne pouvant se défendre seul et ensuite, dans le cadre de notre sécurité intérieure pour éviter d’avoir des camps de formation de terroristes aux portes de l’Europe. En effet, les émules de Kelkhal et de Merah n’auraient plus besoin d’aller en Afghanistan, le Mali est nettement moins loin.