Oeil pour oeil, dent pour dent, révélations contre accusations.

Que pèse un juge, aussi méticuleux soit-il face à un ancien Président de la République qui durant toute sa carrière a eu une attitude pour le moins ambiguë à l’égard du système judiciaire ? C’est la question qui va rapidement se poser dans l’affaire dite « Bettencourt ». Quand on s’est considéré comme au-dessus des lois et préservé de tous les aléas pouvant arriver au commun des mortels, on n’aborde pas la procédure avec les mêmes atouts que le commun des citoyens. La recherche d’une vérité sur des faits extrêmement complexes et qui se sont déroulés dans un contexte de clandestinité organisée, ne relève pas de la sinécure, car il n’existe que rarement des preuves indiscutables. La valeur des témoignages s’émousse avec le temps et n’offre pas de certitudes. Le statut du Chef de l’État en France le place hors normes et il est logique que toute enquête le concernant soit ardue et aléatoire. L’intime conviction ne suffit pas, même si elle imprègne des mois et des mois de travail minutieux. Là où, pour n’importe qui, elle suffit souvent à boucler un dossier, elle n’a pas du tout la même valeur face à un personnage doté d’une stratégie de défense extrêmement serrée. A l’arrivée, tout se joue une fois encore via les médias. La « technique » judiciaire ne suffit plus.

Il est donc devenu essentiel, aux côtés des avocats, d’avoir dans son entourage des spécialistes de la communication aptes à exploiter la faiblesse de celle ou celui qui est considéré comme un « ennemi ». Les comportements de la justice et des prévenus, dans notre pays, évoluent vers le système américain où les batailles ne sont plus strictement juridiques mais médiatiques. En cette fin de semaine, les événements qui se sont produits autour de l’audition de l’ex-Chef de l’État en attestent avec une féroce bataille entre un juge réputé intègre, inflexible, méticuleux et un personnage public sachant fort bien qu’en détruisant cette image il peut espérer se transformer en victime.

Dès la fin de l’audition, les organisateurs de la défense de l’ex-Chef de l’État se sont donc évertués à saper la crédibilité de celui que l’on présentait comme fiable et sérieux, via l’exploitation d’une « fausse erreur ». Peu importe la véracité factuelle des informations diffusées, car leurs divulgateurs savent, par avance, que le système judiciaire est prisonnier du fameux secret de l’instruction. Le combat est faussé d’avance puisque le mécanisme de la « bombe » a été réglé bien antérieurement à l’audition.

Le Parisien a ainsi publié le fac similé de ce que l’avocat de l’ex-chef d’État a présenté comme une grave confusion du juge entre les noms « Bettencourt » et « Betancourt », une manière de démontrer que celui que l’on présente comme un « chevalier blanc » n’était pas si clair que l’on voulait bien le dire et qu’en plus, il commettait des erreurs le discréditant. Il s’agit de l’exploitation d’une « anecdote formelle » dénichée dans les actes de la procédure ayant véritablement peu d’importance par rapport au fond du dossier. Dans un tableau présenté comme « une note de synthèse » par le quotidien… parisien serait mentionné: « 05/06/07 Agenda de Nicolas Sarkozy rencontre avec la famille Betancourt » (note : nom mal orthographié) ». Tout repose sur cette simple remarque (note : nom mal orthographié) car elle suggère un acharnement préjudiciable puisque le juge aurait utilisé une fausse preuve reposant sur une méconnaissance basique de la réalité.

En effet, il ne s’agissait pas d’une erreur orthographique sur le nom de Liliane Bettencourt puisque ce jour là l’ex-Président de la République a bel et bien reçu la famille de l’otage franco-colombienne Ingrid Betancourt. Cette supposée erreur aurait été, selon les révélations de l’avocat, « reconnue et actée » par le juge… qui ne serait donc pas aussi fiable que certains médias l’ont décrit ! Cette exploitation habile du silence obligatoire imposé, par la procédure à l’adversaire n’a pas eu l’heur de plaire à celui qui était visé. Il y a vu du mépris et plus encore une contre-vérité absolue.

Dans un communiqué, le procureur de la République de Bordeaux a indiqué, à la demande des juges d’instruction, que « la convocation de M. Nicolas Sarkozy ne mentionnait pas un rendez-vous relatif à Mme Ingrid Betancourt, figurant dans son agenda à la date du 5 juin 2007 au palais de l’Élysée, et (qu’) il n’a pas été interrogé sur ce point ». En fait, les juges avaient dû se rendre compte de la confusion depuis un certain temps, puisqu’ils n’ont même pas parlé de cette date du 5 juin 2007 à celui qui allait devenir un « témoin assisté ».

Les journalistes, rompus à ce type de diversion, avaient détecté la manœuvre car depuis le début de cette affaire cette date du 5 juin 2007 n’apparaissait pas dans le dossier. Il ne s’agissait donc bel et bien que d’une diversion médiatique organisée. Face à cette tentative de discrétisation de l’enquête, les juges ne pouvaient pas eux-mêmes réagir sans mettre gravement en péril leur crédibilité que des gens bien intentionnés avaient immédiatement mis en cause (spontanément?) par des commentaires ou des messages sur la toile. Le fameux « secret de l’instruction » devient alors un boulet au pied dont il faut se débarrasser hypocritement par des moyens détournés en offrant à la presse les preuves que jamais cette date là n’a été évoquée dans les entretiens… Le mal est cependant fait car le paradoxe veut que la justice soit contrainte de se défendre face à une manœuvre médiatique évidente. Le Ministre ne pourra que confirmer qu’il y a eu entorse à la loi… obligatoire car le juge accusé ne peu pas se faire entendre médiatiquement par d’autres moyens.

On s’est donc rendu coup pour coup dans cette affaire qui met encore une fois en évidence l’inadaptation et l’hypocrisie des règles actuelles en vigueur en France. Selon que vous soyez puissant ou misérable….

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