L'utilisation scandaleuse de "l'intérêt des enfants!"

Le mot le plus employé ces dernières semaines est peut-être le plus essentiel à la planète : « enfant ». Il est magique, car il porte l’espoir de l’humanité depuis des millénaires et chaque société de la plus primitive à la plus élaborée le place au cœur de ses préoccupations. Elles tentent par tous les moyens de lui donner un avenir après l’avoir invité à entrer dans un monde que l’on souhaite le plus rassurant pour lui. Certes les hasards de la naissance n’offrent pas à chacun d’entre eux les mêmes perspectives, mais les sentiments à leur égard sont les mêmes. Tout se gâte quand « l’enfant » devient un enjeu, quand c’est une « chose » que l’on se jette à la tête au nom… de son intérêt suprême. On l’aime bien, on le plaint, on le protège, mais surtout on l’exploite pour justifier sa mauvaise foi. Effroyable comportement que celui consistant à justifier des positions intéressées par la sauvegarde de l’enfance !

On le place en bonne position sur les appels à la solidarité financière. On le met au centre des publicités les plus dangereuses pour sa santé. On le transforme en consommateur imbibé de marques profitables. On en fait un sujet de dispute financière dans les couples. On le contraint à travailler dans les pires conditions. Mais on invoque son bonheur quand il s’agit de transformer du subalterne en enjeu politicien ! Il faut admettre que dans les débats sur les rythmes scolaires et dans celui encore plus prégnant du « mariage », les réactionnaires de tous bords dépassent allègrement tout ce que l’on a vu depuis longtemps. « Enfant…enfance… les mots claquent comme des slogans ou des concepts. Des drames se préparent ! Des scandales moraux se profilent. On s’offusque du sort que ces gens débauchés de gauche réserveraient à d’innocentes progénitures.

Pour le rééquilibrage des rythmes scolaires, tout le monde est d’accord : il faut effectuer des ajustements qui permettront justement de placer l’enfant-élève au centre du système éducatif. Jusque là, tout irait pour le mieux, mais comme le chemin des réformes n’est en général pavé que de bonnes intentions, les principes sont vite foulés au pied. D’abord on va vite s’apercevoir que tout le monde s’en fout et s’en contrefout. Les lobbies économiques n’en ont que faire du temps de récupération des chères têtes blondes ou brunes. Eux, ils veulent le maximum de vacances pour faire tourner ces boutiques pour les classes aisées, donc pas d’allongement du temps de classes durant l’été pour diminuer la durée quotidienne ! Certains parents, très sourcilleux sur leur budget, rêvent du mercredi matin qui soulagerait leurs frais de garde et le souci du centre de loisirs. D’autres clameront leur hostilité au samedi matin car ils seraient obligés… de se lever de bonne heure « le seul jour où ils peuvent rester au lit ». Les élus chercheront la solution la moins onéreuse, afin de répondre à un objectif très tendance : ne pas augmenter les impôts locaux ! Enfin (et je sais que c’est douloureux pour moi de l’écrire), les enseignants camperont sur le système actuel car même s’ils admettent qu’il ne fonctionne pas, il leur convient en terme de temps de travail. Au milieu, il y a une loupiote : l’intérêt de l’enfant (le mot est lâché)… et tout le monde invoque un spécialiste rémunéré qui lui donne raison ! Et durant les semaines qui viennent, on fera de ce principe la formule magique qui justifie l’injustifiable !

Tout ce que la France comporte comme forces réactionnaires va éructer « enfant »… « enfance »… et se vautrer dans les arguments les plus irrationnels et débiles pour rassembler contre le mariage pour toutes et pour tous. Des maires outrés, des députés enflammés, des religieux qui s’y connaissent en matière d’enfance malheureuse, vont lancer une croisade, des militants irréprochables en matière d’éducation de leur progéniture vont sortir les pancartes pour défendre les principes de l’hétérosexualité des couples ! Et bien évidemment, on invoquera dans des discours enflammés « l’intérêt des enfants ». Quelle hypocrisie ! Quelle démagogie ! Quelle supercherie !

Permettez moi de signaler qu’en tant que Maire, dans mon parcours, j’ai eu connaissance de couples homosexuels qui, depuis longtemps, ont inventé des « mariages provisoires hétéro » pour adopter un, deux ou trois enfants. Tout n’est qu’une question de moyens financiers et pas nécessairement de morale ! Quelques amis bien placés, et l’affaire est entendue avec des attestations bien faites et une enquête de moralité discrète ! Par ailleurs, j’ai vu dans ma classe des enfants très malheureux, haïssant leur père ou leur mère, pourtant mariés selon les règles vénérées par ces parangons de la bienséance, car ils étaient humiliés ou battus. Le bonheur d’un enfant ne se juge pas au sexe de ses parents mais au véritable amour qu’ils lui portent.

Est-ce un bon sort que d’être mis en pension chez des Jésuites ou des nonnes dès son jeune âge afin de recevoir une éducation réputée sévère et convenable ? A-t-on réfléchi au fait qu’un enfant peut accomplir, de la maternelle au CM2, toute sa scolarité en ayant face à lui exclusivement des femmes ? Doit-on considérer que son éducation en serait pervertie ? Les mariages « arrangés » entre un homme et une femme (ils existent encore dans notre société) sont-ils plus respectables pour les enfants que les autres librement consentis ? Un divorce tumultueux entre un homme et une femme est-il moins douloureux qu’une union entre gens du même sexe paisible? Doit on admettre que quand il existe des écoles religieuses de filles et des écoles de garçons l’équilibre psychique des enfants est davantage menacé que dans un quotidien familial avec des parents du même sexe ? Faut-il utiliser comme argument le fait qu’à l’école il existerait un racisme possible lié à l’homosexualité (parent 1 parent 2 au lieu de père et mère) alors qu’il est omniprésent sur les cultures ? La religion, quelle qu’elle soit, préserve-t-elle vraiment l’enfant ou l’émancipe-t-elle ?

Enfance… enfant… je suis au moins d’accord avec les aboyeurs de tout poils : elle est en danger, très en danger, à cause de la paupérisation, de la crise sociale, du saccage du système éducatif, de l’asservissement télévisuel, de l’addiction à la consommation, de l’alcoolisation, du tabagisme, de la violence latente… mais pas encore par une officialisation d’unions qui ont toujours existé, qui existent et existeront toujours !

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Cet article a 6 commentaires

  1. Cubitus

    Il faut souligner que, dans le cas des mariages entre personnes du même sexe, la possibilité d’adoption servira avant tout à adopter pour l’un des conjoints les enfants de l’autre.

    Il est probable que certains enfants de ces couples auront vraisemblablement à supporter quelques moqueries à l’école de la part de leurs petits camarades sur lesquels aura déteint la bêtise des parents. Les enfants sont parfois cruels entre eux. Imaginons un gamin demandant à un autre : « Il s’appelle comment ton père ? » – « Gérard » – « Et ta mère ? » – « Jean-Claude ». Mais cette situation doit certainement déjà exister.

    En revanche, que l’Église, par l’entremise d’une poignée de vieillards cacochymes, soit en train de nous faire un caca nerveux, relayé et amplifié par des medias qui n’ont visiblement rien d’autre de plus sérieux à se mettre sous la dent est ce qu’il y a de plus inacceptable. Ce n’est pas de mariage religieux qu’il s’agit mais de mariage civil. L’Église, depuis 2 000 ans, exemple d’obscurantisme, d’intolérance et de persécutions est vraiment mal placée pour la ramener. Concernant la protection des enfants, elle s’est avérée nettement moins active pour dénoncer et condamner les abus sexuels sur enfants commis par un nombre non négligeable de ses membres. Elle s’est disqualifiée d’elle même et de façon très grave pour parler de protection des enfants. Alors que l’Église s’occupe de ramener de l’ordre sous les soutanes et qu’elle laisse la République régler les affaires civiles.

  2. René Godart

    Bonsoir Jean-Marie,

    Permets-moi le tutoiement, il me semble qu’il simplifie les relations, de ce que j’ai pu en observer dans les traditions locales …

    Quand tu dis  » Permettez moi de signaler qu’en tant que Maire, dans mon parcours, j’ai connaissance de couples homosexuels qui depuis longtemps ont inventé des « mariages provisoires hétéro » pour adopter un, deux ou trois enfants. Tout n’est qu’une question de moyens financiers et pas nécessairement de morale ! Quelques amis bien placés et l’affaire est entendue avec des attestations bien faites et une enquête de moralité discrète !  » ….
    Est-ce à dire que la seule alternative pour adopter en étant homosexuel est qu’il faut être notable , friqué et influent ? …

    Pour ma part, j’ose espérer que certains ont trouvé d’autres subterfuges sans devoir cumuler ces particularités dignes d’un autre âge … en attendant que leur soit reconnu un vrai droit en la matière …

    Pour ce qui est des curés, et de leur Benoît N° 16… il suffit de leur faire remarquer que Jésus, a dû s’accomoder d’une famille très atypique, dans laquelle il avait deux Papa, un certain Joseph et un certain Dieu… peut-être les débuts de la schizophrénie dans l’histoire de l’humanité ? …
    ou bien un signe de l’infinie ouverture d’esprit et de tolérance de la religion chrétienne, mais qui n’a pas pu triompher de l’épreuve du temps …

  3. J.J.

    l’intérêt des enfants ? ».

    A une époque, heureusement révolue, les enfants issus de ce que l’on nomme maintenant « foyers monoparentaux » étaient désignés comme « enfants naturels », avec toute la dose d’opprobre et de honte que cela représentait.

    La hiérarchie religieuse qui cultivait cet ostracisme à l’envie ne s’est jamais souciée du bien-être et de l’équilibre psychologique cette catégorie d’enfants.
    Se soucier de l’interêt des enfants ?
    Que voilà une prise de conscience bien tardive.

    D’autre part, le mariage civil est avant tout un acte juridique ayant pour but d’instaurer et de protéger une communauté de biens, y compris celle des enfants éventuels du couple ainsi formé.
    Est-ce que je me trompe, monsieur le Maire ?

    En ce cas dans quelle mesure les religions ont-elles à fourrer leur nez dans ce problème qui ne relève en aucun cas du spirituel ?
    Voilà encore une intolérable ingérence.

    De plus, tous les couples dits homosexuels n’ont pas forcément l’intention d’élever des enfants….

  4. François

    Bonjour !
    Et si cette belle diatribe épiscopale n’ avait été émise que dans le but de tirer le peuple bien pensant de sa béatitude convulsive avérée devant toute idée émise par le globe gauche des cerveaux dirigeant une « symbolique » peuplade, anciennement civilisatrice, en état de putréfaction?
    Cordialement.

  5. J.J.

    Hypothèse vraisemblable, François.
    On dit que de la discussion jaillit la lumière, dans le cas présent, de l’intervention des religieux, ce serait plutôt un jaillissement de ténèbres, si j’ose dire.

  6. François

    « …par le globe gauche des cerveaux … » euh pardon  » …par le lobe gauche des cerveaux … » : un écart technique ! ! !

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