Notez bien : il y a ceux qui doutent et ceux qui croient !

Si la religion est l’opium du Peuple, il faut bien reconnaître parfois qu’en politique certains comportements relèvent du même principe. Les prises de position publiques sont du même ordre que les prêches enflammés des intégristes, destinés à masquer l’incapacité à exprimer ses propres idées. Il suffit parfois de se réfugier derrière des évangiles écrits par d’autres ou d’appliquer des commandements venus d’ailleurs pour faire vivre ce que l’on pense être un engagement sincère. Seuls les agnostiques devraient être écoutés, pourvu qu’ils soient en mesure de justifier leur point de vue, différent de celui, toujours facile, des ouailles convaincus. Les « croyants » restent pour moi les pourvoyeurs essentiels de la drogue qui fait plonger dans l’apathie de l’opinion dominante !

Depuis près d’un demi-siècle, j’ai été imprégné par une volonté, héritée de la pédagogie Freinet, de douter, sans cesse douter. Je ne louerai jamais assez ces « maîtres » qui m’ont instillé le goût immodéré du doute, car c’est la vraie recette de l’honnêteté politique. Ne jamais avoir de certitudes, mais sans cesse remettre en question ce que l’on croit assuré. Et j’ai souvent remarqué que les plus virulents, les plus sentencieux, les plus exigeants sont justement les gens qui « croient » plus qu’ils ne « pensent ». Ils se rallient facilement à des préceptes établis qu’ils transforment en axiomes universels. J’en fais l’expérience chaque jour ou presque !

Par exemple aujourd’hui, on trouve des hérauts qui combattent des moulins à vent sans jamais tenter de comprendre les raisons qui fondent leur engagement dans cette bataille. Tant que l’on ne doute pas du bien-fondé des ordres reçus, et que l’on ne fait pas l’effort d’apprendre par ses propres moyens, on peut se permettre n’importe quelle gesticulation. Je suis toujours impressionné par celles et ceux qui affirment péremptoirement des âneries, avec le sentiment profond qu’ils donnent la leçon. Cette propension à l’ukase idéologique se répand de plus en plus chez les enseignants engagés en politique, et c’est probablement l’une des cause essentielles de la fuite des ouvriers et des gens modestes des partis de gauche, car ils ont souvent la désagréable sentiment d’être encore, alors qu’ils l’ont fuie, sous la férule de personnes qui les ont conduites vers ce qu’ils ressentent comme un échec. Ils se rebellent et s’en vont, ou ils plient l’échine en entrant dans les « ordres ».

Depuis maintenant 4 mois, dans la plus grande discrétion, j’avais politiquement en charge, sans être totalement convaincu du bien-fondé de la démarche, la « notation par Standard&Poors » du Conseil général de la Gironde. Bref, avant l’été, j’étais devenu pour une catégorie de pourfendeurs du capitalisme financier en croisades idéologiques, un dangereux collaborateur, au sens pétainiste de ce qualificatif ! Toutes les justifications objectives se révélaient vaines ; j’entrais dans le monde démoniaque des agences de notation, ce qui relevait quasiment de la haute trahison. Si je n’ai pas été exposé en place publique au pilori, c’est uniquement parce qu’en juillet et août les justiciers ont des vacances à prendre ! En plus, il me fallait, dans le même temps, amender un projet de partenariat avec un groupe de construction pour aménager dans un laps de temps très court des « pôles de solidarité » sur tout le territoire girondin. Deux « péchés »… capitaux, me condamnant à des pénitences publiques ! Inutile d’expliquer, de tenter de désacraliser, de démontrer : il n’y a pas pire aveugle ou sourd que celui qui fait semblant de croire pour se donner une raison d’être. J’avais pactisé avec le diable et il fallait me préparer à en assumer les conséquences en cas d’échec… Le chemin de l’enfer est pavé de mauvaises notations !

Seul le doute évite de bannir ou de haïr, et avec un zeste d’écoute, il est possible de comprendre avant de juger. La notation, dans un contexte réel de raréfaction des liquidités bancaires et surtout de l’exploitation faite de cette restriction volontaire par des banquiers avides de profits, la notation donc, donnait un outil supplémentaire au Conseil général. Rien ne dit qu’elle serait utilisée. Rien ne laissait présager son efficacité, mais il y avait une seule certitude : ne pas tenter cette démarche, c’était se priver d’un atout dans le jeu du combat contre le financiarisation de la vie publique.

Allez cependant faire comprendre cette démarche à des « évangélistes » ! A l’arrivée, rien ne justifiait les craintes exprimées avec effets de manche et mots tout prêts. Rien de ce qui avait été annoncé ne s’est produit. Dans ce monde soit-disant pervers et dangereux, je n’ai jamais été en danger idéologiquement ou politiquement. En revanche, j’ai été contraint à fouiller dans la gestion, dans les prévisions, dans les anticipations, pour justement mettre en adéquation les priorités politiques et les réalités économiques. Personne n’a renoncé à ses convictions, et d’ailleurs le trio des « examinateurs » aurait très mal apprécié l’attitude contraire, signe d’un manque flagrant de crédibilité dans la gestion.

Il est inutile de fantasmer : l’agence de notation examine certes des critères financiers, mais surtout apprécie la crédibilité, sous toutes ses formes, de la politique proposée et des moyens qu’elle nécessite. Et dans ce domaine, le plus éprouvant fut davantage leur silence que leur discours ! A l’arrivée, le Conseil général dispose d’une nouvelle « arme » pour assurer ses investissements : une note officielle de AA permettant d’accéder sereinement au marché obligataire à des taux d’intérêts très inférieurs à ceux des circuits bancaires habituels. Il n’a perdu ni ses orientations solidaires, ni ses valeurs d’équilibre territorial, mais sa gestion a simplement gagné en crédibilité. Mais le principe des croyances c’est qu’elles résistent aux évidences !

 

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  1. Cubitus

    Je n’ai point tiré mes principes de mes préjugés, mais de la nature des choses. (Montesquieu – L’Esprit des Lois)

    Les esprits médiocres condamnent d’ordinaire tout ce qui passe leur portée.
    (La Rochefoucauld)

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