Rendez-moi les martiens des étés extraterrestres !

Les martiens ont hanté les rêves les plus dézingués des écrivains dits d’anticipation ou de science fiction durant des décennies. Pour eux, il n’y avait que des petits bonshommes verts (les grands écolos n’existaient pas !) pour venir donner des leçons aux hommes ridicules condamnés à subir la pesanteur terrestre. L’imagination pseudo scientifique de certains et celle encore plus fertile des dessinateurs des journaux de B.D. leur trouvèrent des profils étonnants, désopilants ou époustouflants. Il fallait rivaliser d’ardeur pour persuader l’opinion que nous n’étions pas seuls dans l’univers. L’extra-terrestre s’affichait performant, rusé et discret, puisque tous ses véhicules se posant sur le sol de la planète bleue disparaissaient toujours au moment où ils auraient pu être identifiés… Ces visiteurs du soir faisaient un cinéma pas possible pour ne pas se faire connaître ! Ainsi naquit souvent, lors de nuits étoilées estivales, le mythe de l’Objet Volant Non Identifié que seuls les observateurs attentifs du ciel avaient la chance de repérer… Quand pareille aventure arrivait au commun des mortels, en une époque où la « modération » des consommations n’existait pas encore, la suspicion tuait les apparitions non répertoriées aux rayons des miracles religieux. Le « martien » n’a plus l’heur de captiver l’attention des médias estivaux et surtout, il manque cruellement à la une des magazines à sensations. Il a été remplacé par les faits divers sanglant ou sordides ou, modification plus désastreuse, par des considérations scientifiques. Il n’y a plus moyen d’imaginer des silhouettes incongrues venant passer un week-end dans votre jardin, ou des traces lumineuses fulgurantes fuyant vers l’infini ! Selon la version la plus répandue, les martiens « labellisés » étaient des êtres à l’apparence vaguement humanoïde et repoussante, minces, avec une grosse tête et des yeux globuleux, généralement animés de mauvaises intentions envers l’espèce humaine. Ils avaient construit, selon Flammarion, des canaux d’irrigation sur leur planète d’origine… Bref, l’estivant avait tout à craindre, lors d’une nuit blanche passée allongé sur une plage ou sur l’herbe fraîche, de l’arrivée impromptue de ces hordes vertes venant jouer aux touristes sur terre.

Mais au cœur de l’été, l’étrange voyage organisé sur Mars a trouvé son aboutissement, et a tué toutes les supputations historiques sur ces « explorateurs » imaginaires. Les ingénieurs de la NASA ont exterminé une civilisation virtuelle pourtant très attractive. Comment peut-on passionner les foules, si Mars est une terre hostile à tous les rêves ?

En fait, on apprend que le robot, arrivé en douceur dans un étrange désert poudreux, se contentera de… casser des cailloux ! Une sorte de « bagnard mécanique », exilé sur une planète stérile, va fournir des images d’une désolante platitude, ne pouvant même pas constituer une carte postale ! Imaginez un peu, il a  identifié son premier caillou de la taille d’un poing, grâce à une petite caméra de conception française, et a ouvert pour la première fois son bras télécommandé… Il n’y a pas de quoi exciter un lecteur de France dimanche, de Détective ou de Closer, alors que le Président « normal » de la République française ne montre pas ses attributs sur le balcon de Brégançon, ou ne bronze même pas à l’avant d’un yacht fendant les flots de moins en moins bleus de la Méditerranée. On a dépensé 2,5 milliards de dollars pour une mission consistant à découvrir si l’environnement martien a pu être propice au développement de la vie.. et détruire ainsi tous nos mirages d’enfants.

N’avez-vous jamais imaginé votre martien avec son profil inquiétant et dérangeant ? Ne sommes-nous pas souvent, en vacances, des martiens égarés au milieu des hommes ? N’existe-t-il pas des gens considérés comme des martiens dans une société aseptisée ? Quel est l’intérêt de scruter le ciel au-dessus de nos têtes, puisque même les horoscopes ne craignent plus l’arrivée de Mars dans le troisième décan ? Je condamne fermement la NASA pour avoir détruit une part importante de notre potentiel imaginaire, le plus précieux des biens quand on n’a rien d’autre, et surtout rien à faire. Cette expédition va priver les nouvelles générations du plus exceptionnel des adversaires extraterrestres de l’humanité. Détruire le concept du « martien » revient à rétrécir l’univers et nous gonfler de l’orgueil malsain d’être des exceptions. Cet été sera donc à marquer d’une pierre verte !

Allez sur la plage regarder d’autres spectacles, d’autres corps et d’autres formes de vie, vous y trouverez sans aucun doute des gens qui vivent hors du monde. Des amoureux qui ont abandonné le banc public ? Des gamins qui construisent des châteaux s’évanouissant comme les OVNI avec la marée ? Des couples qui se prennent pour Paul et Virginie au paradis éternel ? A moins que ce ne soit vous le martien ou la martienne que les autres observent… et là, vous verrez que selon le bout de la lorgnette, on perçoit la vie autrement. Vu de Mars, ne sommes nous pas des cailloux difficiles à explorer en profondeur ?

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Cet article a 6 commentaires

  1. suzanne marvin

    un jour des terriens ont marché sur la lune et qu’est ce qu’ils ont découvert: rien, de la poussière et des cailloux,les rêves,l’imagination ont rétrécie,certe un clair de lune est toujours beau à regarder,mais il n’y a plus ce côté mystérieux qui activait l’imaginaire……et maintenant finis les martiens ,les petits hommes verts……mais peut_être qu’ils sont ailleurs..c’est grand là haut ……….

  2. Nadine Bompart

    Au contraire!
    Les télescopes géants découvrent chaque jour des dizaines de planètes semblables à la Terre, partout dans l’Univers, elles seraient des milliards!!!!!
    Ça, ça fait rêver….
    Quand au « bagnard mécanique », c’est un tel exploit technique!!!
    Comment pouvez-vous bouder votre plaisir face à cela ?

  3. J.J.

    2,5 milliards de dollars !
    Il n’y a pas des affamés à nourrir sur notre terre, avant d’aller casser des cailloux
    et conquérir de nouveaux espaces, nouveaux territoires de probables conflits ?

    Cete débauche de technologie ne trouverait-elle pas à s’appliquer sur notre terrien cadre de vie ?

  4. suzanne marvin

    vous avez certainement raison nadine ,mais on a besoin d’imaginer…de rêver … pour s’évader un petit peu des dures réalités sur la planète terre …. et puis peut_être que tous ces milliards que l’on jette dans l’espace seraient plus utiles sur terre……..je ne nie pas l’exploit d’envoyer un robot sur mars ,mais…………

  5. Nadine Bompart

    Ce ne sont pas ces milliards-là qui nous manquent sur terre, mais les centaines de milliards bloqués dans le système financier, les fortunes indécentes de quelques-uns, la rapine généralisée et le chacun-pour-soi mondialisé!
    Que l’on commence donc par partager les richesses, et vous verrez qu’il nous restera bien assez pour rêver….

  6. Cubitus

    C’est vrai qu’avec 2.5 milliards de dollars, on peut nourrir du monde. On peut les donner par exemple à Omar al Bashir pour nourrir les populations du Darfour à moins qu’il ne s’en serve pour les exterminer davantage.
    Par comparaison, le porte-avions Charles-de-Gaulle, outil de guerre, a coûté 3.1 milliards d’euros. C’est donc beaucoup plus et pour quelle rentabilité ?. Mais comme on ne sait pas encore envoyer de porte avion sur Mars, je vous propose que l’on confie ce problème aux mêmes habitants du Darfour : laboratoires de recherches et d’études, base de lancement, mise en oeuvre des technologies etc, autant d’équipements et de besoins qui créeront n’en doutez pades dizaines de milliers d’emplois dans cette région. Ainsi les habitants du Darfour percevront un salaire et pourront par conséquent se nourrir.

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