Quelle place doit être réservée aux conjoint(e)s dans la vie des élus ? Le débat de fond n’existe pas et n’existera pas, car il n’est pas porteur médiatiquement. Et peut-être aussi parce qu’il n’a pas de conclusion certaine depuis des siècles. A toutes les époques, le comportement des entourages a constitué un problème. Resté dans un microcosme secret, élargi à une cour, porté sur la place publique, il conditionne de plus en plus l’échec ou la réussite de celui qui prétend à une responsabilité. D’autant que désormais le système médiatique démultiplie par répétition constante des milliers de fois ce qui est présenté comme une information. Les sites internet, les radios d’info en continu, les chaînes de télé en boucle ressassent un grain de sable pour en faire, pour celle ou celui qui en est victime, le rocher de Sisyphe . Entre les attaques, les contre-attaques, les officialisations, les démentis, les manipulations, les exploitations de faits souvent issus de la vie privée, la « nouvelle » devient vite un feuilleton, dans un système qui vampirise les événements. Il est donc quasiment impossible que dans le chaos quotidien des engagements qui suscitent haine, angoisses, excitations ou dépressions, le « partenaire » ait une attitude tranchée. En fait, il a le choix : vivre dans l’ombre, vivre en marge, vivre en association ou vivre en mentor. Tous les autres cas de figure ne sont que des combinaisons de ces quatre approches.
Il faut savoir que rares sont les conjoint(e)s qui acceptent longtemps le comportement égocentrique des femmes et des hommes d’action. Toute entrée brutale dans le cercle des « responsables » perturbe très vite les équilibres d’un couple, ne serait-ce que parce que le partage du temps entre le « public » et le « privé » bascule très vite. Le dilemme s’installe très vite : respecter ses engagements et enterrer sa vie professionnelle ou familiale, ou tricher avec ses engagements pour tenter de concilier des paramètres inconciliables. Dans la première situation, lentement les liens se distendent pour finir souvent par se rompre au moindre problème, sauf si le (la) conjoint(e) ou les enfants acceptent l’inacceptable, c’est à dire de devenir transparents. Dans le second cas, la situation n’est guère confortable, puisque personne n’y trouve véritablement son compte dès lors que tout repose sur un faux équilibre qui ne satisfait personne. Etranger(e) à l’engagement politique, le « partenaire » se refuse à entrer dans les luttes de pouvoir, laissant l’autre seul face à la pression, et sans se désintéresser totalement, ne glane que ce que l’autre veut bien lui abandonner. Un tel « couple » n’est guère durable, car les mondes « privé » et « public » ne sont jamais parfaitement étanches, et tôt ou tard l’indifférence ne peut plus être de mise. Marcher à l’ombre d’un personnage en pleine lumière nécessite une agilité particulièrement épuisante.
L’autre option consiste à continuer sur un sentier personnel différent des chemins ou des routes du pouvoir. Pas facile. Il faut être soi-même, sans perturber l’image de l’autre, sans interférer sur ses choix, être différent sans être considéré (e) comme opposant. Cette attitude nécessite une grande force de caractère et paradoxalement beaucoup plus d’estime réciproque que la précédente, car il est véritablement difficile, quand on est au pouvoir, d’admettre que votre conjoint(e) prenne des directions différentes. Il faut savoir se réunir sur l’essentiel, le fondamental, et admettre surtout que l’arrivée aux sommets repose très souvent sur de longues marches solitaires et parallèles. Souvent, les parcours divergent et des constructions annexes apparaissent, avec des « refuges » cachés. Il existe des réussites patentes de cohabitations exemplaires durables, mais il y a davantage d’échecs !
L’association suppose un partage d’ambitions issues de la jeunesse. Les duos calculateurs qui font la course en tête pour atteindre un objectif commun envahissent le monde. Un « pacte » va conduire l’un à soutenir l’autre mieux placé ou favorisé par des circonstances, afin que le duo obtienne ce dont il rêve. Ces couples « fonctionnels » se forment ou se séparent selon le degré d’impatience de l’homme ou de la femme. En définitive, il s’agit de fonder une « entreprise » devant devenir rentable dans le temps. On en arrive à ce qu’à un moment, au nom de tous les efforts déployés, on veuille même la céder à sa progéniture ! Ces duos se séparent dès que les routes sont suffisamment sûres pour que chacun puisse l’emprunter sans crainte pour son avenir. Si des rivalités se font jour, elles tournent vite en guerres mortelles avec surtout des rancunes tenaces. Il est possible que des intérêts communs favorisent des rapprochements circonstanciels, mais ils sont purement formels !
Désormais, il apparaît un nouveau style, celui du (de la) conjointe « imprésario » ou « mentor » qui va pousser son épouse ou son mari à entrer en politique pour assouvir une envie de pouvoir qu’il est incapable d’assumer. La plupart de ces « guides » ou de ces « coachs » viennent du monde de la communication et ont été de l’autre côté de la barrière ou du miroir. Ils apportent un savoir faire et pilotent des Formules 1 de la politique ou qui aspirent à le devenir. Il faut à la fois surveiller les trajectoires des autres et construire la sienne. Ce genre de situation se multiplie, car elle vient d’Amérique où non seulement il faut avoir un certain savoir-faire, mais encore il est indispensable de faire savoir. La complémentarité entre le « manager » et la future « vedette » reste essentielle, mais elle vole en éclats quand le rôle du mentor devient trop visible ou que ce dernier veut absolument exister.
En politique, il y a peu de Cyrano de Bergerac acceptant d’être brillant, de promouvoir l’autre, de s’associer dans le combat et surtout de rester dans l’ombre, car la soif de pouvoir finit par assécher tous les oasis idylliques où l’on vient s’abreuver en amour !
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Bonjour à tous les lecteurs de ces lettres quotidiennes de notre ami JMD;
Une très fine analyse de la situation fort complexe dans la vie de tous celles et celles et ceux qui pratiquent avec passion une activité politique ,sportive ..qui s’impliquent bénévolement parfois dans une association., une activité..
Tout est dit, avec même des « solutions ».
Ce n’est point une raison pour abandonner, bien au contraire,mais de prendre quelque précautions avant de s’engager auprés de son conjoint, de ses enfants, de sa famille.
Je pense d’ailleurs que l’origine du mot « passion » signifie « souffrance ».
NC
Bonjour à toutes et à tous,
Le « mal » ne vient-il pas tout simplement de ce qu’on offre la possibilité à certains d’avoir du/un « pouvoir »?
Il y aurait sans doute beaucoup à échanger (sans trouver d’accord?) sur ce qu’est aujourd’hui la « fonction » de politique, la « fonction » de sportif, la « fonction » de journaliste,…, mais, dans tous les cas, le « pouvoir » qui lui est associé n’est-il pas une absurdité absolue!
Sauf pour les concernés, bien entendu… qui ont LE Pouvoir: le changement n’est pas pour demain! 😀
Une bonne fin de journée à chacune et chacun