Deux très longues journées de travail au Conseil Général de la Gironde pour le vote du budget 2010 ont suffi à me persuader que le régime républicain que nous connaissons s’achemine lentement dans une direction inquiétante. Certes si l’on se contente des apparences, depuis le haut des tribunes, réservées à la presse ou au public, ce sentiment peut paraître surfait, sauf si derrière les postures, les mots, les actes, on cherche d’autres motivations. D’abord, sans cesse, dans les propos très rares des élus UMP, revient ce que Laurent Fabius, aujourd’hui à Paris, a qualifié de « psittacisme présidentiel » : « nous on ne fait pas de politique politicienne! »; « Nous on est blanc comme neige ! » « Nous on est ici surtout pour ne pas évoquer les conséquences locales des mesures nationales »; « nous on n’a rien fait depuis 8 ans de négatif ! »; « nous on gère parfaitement ! »; « nous on n’aime pas que vous nous parliez » C’est l’essence même d’une attitude qui, dans une période où toutes les certitudes arrogantes sur les bienfaits de la politique libérale s’effondrent, relève de la lâcheté la plus complète.Et en plus, le pire, c’est qu’ils se parent de la blanche hermine de la pureté politique : « je suis déçu, en tant qu’élu local » a lancé, avec une voix pathétique, Jean-Pierre Baillet élu UMP du canton de Grignols, car j’étais venu pour parler de la Gironde et je n’ai entendu que des tirades sur la politique nationale ! ». C’est parti ! En fait le département ne subirait, comme les communes et les intercommunalités, aucune conséquence réelles des décisions prises par le gouvernement présidentiel, siégeant à l’Élysée. En fait, l’axiome UMP se synthétise ainsi : « nous défendons l’intérêt des Girondines et Girondins, en nous opposant à des décisions politiciennes de socialistes, incapables de gérer correctement les collectivités territoriales ! » C’est insupportable, car c’est encore une fois une collation de poncifs voulant que gérer ce n’est pas faire de la politique ! Faux ! Dangereux ! Démagogique ! C’est justement parce que les Françaises et les Français ne font pas assez de politique qu’ils scient la branche sur laquelle ils étaient installés !
Comment peut-on en effet affirmer que toutes les réformes portées par Nicolas Sarkozy (suppression hâtive et inconsidérée de la taxe professionnelle, création du conseiller territorial, remplacement de l’impôt équitable par des taxes injustes…) ne pèsent pas politiquement sur la « gestion » des conseils généraux ? En fait, informer les habitants : c’est faire de la politique ! Expliquer l’impact des transferts des responsabilités : c’est faire de la politique ! Tenter de juguler les conséquences de réformes prises sans aucune étude réelle d’impact : c’est faire de la politique ! Et quand ce n’est pas de la politique c’est… de la faute aux socialistes qui, il y a plus de 10 ans n’ont pas pris les mesures convenables (dommage que depuis leur mise en œuvre – APA, financement des SDIS – elles n’aient pas été modifiées dans le bon sens par une large majorité parlementaire « compétente et lucide »). Il faudra bien se faire une raison : toute critique, toute mise en cause, toute allusion aux échecs des décisions de Nicolas Sarkozy relèvent désormais du crime de lèse majesté. D’ailleurs, chaque jour on le constate. Lui et les élus locaux qui le soutiennent encore (en privé beaucoup d’entre eux ne tiennent pas le même discours) ne font pas de politique et ce sont ces socialistes sectaires qui ruinent la France par leurs propos relevant de la calomnie. Certains rentrent prématurément chez eux, ou ne viennent même pas afin de ne pas être pris en défaut.
Les élections régionales perdues : c’est parce que le Conseil général a fait de la « propagande illégale », comme l’affirme tout de go Foulon, maire de la « maison de retraite à ciel ouvert » qu’est, selon Gilles Savary, la station balnéaire d’Arcachon (c’est là que va s’installer Xavier Darcos en attendant son improbable installation à Versailles). Il faut dire que, lors des législatives partielles organisées après la fuite au Sénat de la députée Marie-Hélène Des Egaulx, la venue, aux frais du contribuable de François Fillon, pour une visite opportune, ne constituait pas un acte de propagande… pas plus que ne l’ont été les déplacements de ce même François Fillon et du Ministre Xavier Darcos sur Sauveterre de Guyenne… Certes, dans les deux cas, le résultat n’a guère été positif, mais c’est certainement de la faute aux socialistes, car ces éminentes personnalités, elles, ne venaient pas… faire de la politique, alors que les socialistes en font.
L’autre leçon de ces deux journées, c’est que l’UMP a décidé de pratiquer la surenchère facile, avec un raisonnement étonnant tenu au niveau départemental, mais bien évidemment contraire à celui tenu nationalement. « Il faut augmenter les dépenses sans augmenter les recettes et… en diminuant les dépenses ». Comprenne qui pourra ! Je tente une explication : on ne risque rien de réclamer plus de subventions vers les communes ou les associations, de souhaiter davantage de personnels qualifiés pour « améliorer les services en charge de la voirie », on ajoute une pincée de crédits sur l’écologie, on se tait sur le reste, car il est difficile de faire mieux (collèges, transports, social, culture, sport, eux, assainissement, tourisme…), et ensuite au moment de voter les « impôts » il faut faire pleurer dans les chaumières sur le fait qu’on n’a pas entendu durant deux jours le mot « économie ». C’est une adaptation du « dépensez plus en économisant plus ! ». Condamnation du recours à l’emprunt localement. Soutien à l’appel à l’emprunt nationalement, pour boucher les trous béants dans un budget aussi creux que le gouffre de Padirac! En Gironde, quand on emprunte pour investir, c’est une erreur politique. A Paris, quand on fait de la cavalerie en empruntant pour rembourser les emprunts, c’est une saine gestion !
En Gironde, ajuster la fiscalité aux besoins fondamentaux du département, c’est une absurdité congénitale du socialisme. A Paris, atteindre 30 taxes diverses nouvelles ou réajustées en deux ans, c’est une nécessité en période de crise. En Gironde, refuser de se laisser « faire les poches » par l’Etat », c’est un scandale. A Paris, transférer les charges sans les compenser, c’est une saine gestion. En Gironde, dépenser trop d’argent pour … le papier, c’est une faute. A Paris acheter et faire aménager un avion présidentiel énergivore et onéreux, c’est une obligation. Mais, surtout, le dénoncer publiquement, pourtant sans aucun relais médiatique, c’est faire de la « politique ». Politicienne en plus ! Dans un tel contexte, il n’y a plus alors qu’une seule solution pour les « vierges effarouchées apolitiques » (1) : se parer dans sa dignité condescendante outragée et abandonner le terrain avec une indignité condescendante ! Remarquez que c’est une recette éculée, puisque pour ne pas en être réduit à cette extrémité « républicaine » un tiers des conseillers généraux outragés, pour ne pas être concernés (2 Modem -2- et deux Ump) par la dérobade, avaient antérieurement quitté les lieux ou n’étaient pas venus ! Dans notre République, la vérité dérange… et un apolitisme de façade conduit le pays à la ruine démocratique. Ceux qui n’assument aucune responsabilité politique, et décrètent que le pouvoir ne sert à rien, ne peuvent s’instaurer tuteurs ou juges. « Le jeu démocratique loyal veut qu’on aille se battre sur tout le terrain, non qu’on reste assis dans les tribunes pour siffler les joueurs » Comme c’est Lionel Jospin qui a écrit cette phrase, elle est forcément politique !
(1) voir la chronique https://jeanmariedarmian.fr/?p=3160
(2) au Conseil Général qui aurait pu faire un groupe autonome, font cause commune avec l’UMP, alors qu’ils font le contraire à la région…
(3) voir la chronique https://jeanmariedarmian.fr/?p=2685
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Je suis certain que ce papier de média part intéressera les poufandeurs Ump des dépenses sociales de la Gironde :
http://www.mediapart.fr/article/offert/02d57db3c51baaa424d1888710807e5f
Ces conseillers généraux UMP, contestataires et critiques malgré une assiduité en pointillé, même lorsqu’il s’agit du vote du budget, sont prompts à dénigrer le travail de leurs collègues socialistes, et passent leur temps à dénicher -à grand peine et même pas à bon escient- la paille qui est censée se cacher dans l’oeil de leurs adversaires…..mais ils ne voient pas la poutre qui envahit l’orbite oculaire de leurs amis politiques…..Parce que, côté gestion et économies en période de crise, les ministres sarkozistes sont des modèles de rigueur et de modération ! la lecture de l’article de Médiapart qui révèle comment un ministre économise les deniers de l’Etat pour ses déplacements devrait les éclairer sur la manière dont leurs amis conçoivent la modération des dépenses publiques ! Et ce n’est là qu’un exemple entre mille autres : tous les jours, ces messieurs dépensent sans compter l’argent des contribuables, qu’il y ait crise économique ou non.
Alors, il faut un sacré culot pour critiquer les maires et conseillers généraux, et les accuser de gérer de façon dispendieuse les finances des collectivités dont ils ont la charge.