A chacun son Copenhague !

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Plus assez de place pour les vélos chez Motorola

Aller retour Créon-Toulouse dans la journée. Plus de 500 kilomètres pour me rendre à la rencontre d’un projet exemplaire par sa conception et ses résultats. D’ailleurs, j’ai effectué ce périple automobile pour remettre à ses initiateurs, en ma qualité de Président national du Club des Villes et Territoires Cyclables,  un prix national, les récompensant pour leur volonté d’innover en matière de déplacements domicile-travail. Dans le cadre fastueux du Capitole, une poignée d’irréductibles défenseurs de la planète purent présenter leur engagement au bénéfice de la réduction concrète et quotidienne des effets nocifs de la circulation automobile. On était loin, très loin, du grand show inutile de Copenhague, qui attend l’arrivée des « sauveurs » du monde. Incapables de se mettre d’accord sur la manière d’éteindre l’incendie qu’ils continuent à allumer dans la « maison commune », ils vont faire leur cinéma avec des envolées verbales sans lendemain, car ils sont totalement soumis aux diktats de l’économie du profit. Ils prétendront le contraire. Ils triompheront devant les regards complaisants des caméras ou des appareils photos. Daladier, de retour de Munich, s’était exprimé à sa descente d’avion, face à la foule qui l’acclamait pour avoir sauvé la paix, alors qu’il était persuadé du contraire : « Ah! Les cons. S’ils savaient… ». Beaucoup des chefs d’État qui passeront, en tournée mondiale exclusive, par Copenhague, provoqueront la même admiration béate des peuples rassurés par des mesures globales, sans sanctions, sans autre encadrement que des promesses nées de compromis évasifs.

A Toulouse, j’ai rencontré des salariés convaincus que le salut passe par des actions concrètes de longue haleine, nécessitant de la volonté, de la patience, de l’esprit d’entreprise, et par une farouche envie de convaincre. Cette équipe de chercheurs de chez Motorola a décidé de tout faire pour que leurs collègues abandonnent leur automobile confortable pour le vélo… Ils sont allés plaider leur noble cause auprès de leur direction, en profitant de la délocalisation de leurs bureaux sur la région toulousaine. Une démarche peu appréciée du reste du personnel, qui ne rêvait que de places de parking supplémentaires! Ils ont décroché un soutien moral et financier pour entamer un Plan de déplacement d’entreprise (PDE) qu’ils ont eux-mêmes conçu, rédigé, animé, plaidé… face à l’hostilité du Comité d’entreprise. Ils se sont accrochés à leurs idées et entre 2008 et 2009 le nombre de vélos présents sur le site a augmenté de… 85 % !

Cette démarche est exemplaire à plus d’un titre. D’abord parce qu’elle repose sur le seul principe qui sortira notre société des sables mouvants dans lesquels on l’enfonce : la citoyenneté! Une entreprise citoyenne qui accepte que ses salariés pensent à autre chose que la vie interne, qui leur offre l’opportunité d’exister pour les autres, autrement que par le travail,

remise du prix avec Philippe Goirand conseiller délégué aux pistes cyclables sur Toulouse
remise du prix avec Philippe Goirand conseiller délégué aux pistes cyclables sur Toulouse

qui leur ouvre les portes de l’engagement bénévole au service de la collectivité. Le groupe a pris un problème à bras le corps, alors que rien ne l’y obligeait, a construit un projet, a résisté, a lutté, a combattu pour ne pas subir l’opinion dominante, pour s’inscrire dans un processus d’éducation sociale, et a fini par faire reconnaître la qualité de son engagement. C’est autre chose que des effets de manches sur l’effet de serre!

Elle est exemplaire, car elle joue ensuite un rôle social incontestable quand on sait qu’une récente étude vient de démontrer qu’en enfant ou un adulte qui fait de 20 à 30 minutes de vélo par jour économise 1 000 euros par an à la sécurité sociale ! L’économie réalisée sur le budget des ménages concernés s’évalue également en milliers d’euros avec en corollaire la préservation de la santé des… autres (absence de pollution) et un danger créé par ce mode déplacement, totalement insignifiant. Il paraît que pour favoriser son usage… le gouvernement va rendre le casque obligatoire. Une mesure débile, car on va en arriver à prôner cette protection… pour les piétons qui sont encore plus en danger. 

Enfin, il faut bien reconnaître que ces salariés ont une conception moderne du développement durable qui ne s’applique pas… aux autres, mais en premier lieu, à eux-mêmes. Ils sont devenus des « autogestionnaires de leur avenir », sans attendre que d’autres décident pour eux. Il est vrai qu’ils risqueraient d’attendre longtemps puisque le courrier que j’avais adressé, en tant que Président du Club des Villes et Territoires cyclables, à « l’omniprésident écolophile » de la République, pour solliciter un « plan national vélo », a reçu une vague réponse du directeur de son cabinet, m’envoyant vers le faiseur de Grenelle en tous genres, Jean Louis Borloo. Ce dernier, trop occupé (l’aurait-il été et le sera-t-il avec un élu d’une autre appartenance politique?) m’a fait répondre par son directeur de cabinet que je pouvais rencontrer son conseiller qui a déjà été informé… des sujets à traiter, en direct, il y a quelques jours à peine. Une fin de non-recevoir diplomatique. Plan de relance : rien pour le vélo ! Grand emprunt : rien pour les secteurs pouvant éviter le paiement de la taxe carbone! Loi Grenelle 2 : rien pour les modes doux de déplacement !

Chez Motorola, où l’on travaille sur les téléphones 4G de demain, et où le plus récent modèle est distribué en Italie et en Allemagne mais… pas en France, le vélo est considéré comme le moyen de locomotion le plus moderne pour les déplacements de proximité. Directeur, comité d’entreprise (il finance maintenant le plan de déplacement avec le « patron »), usagers, regardent Copenhague avec un autre regard. D’ailleurs, le promoteur de cette initiative est allé le week-end-end dernier tenter de secouer les négociateurs. « On a beaucoup parlé des 300 idiots plus ou moins violents qui ont cassé, mais pas des 100 000 autres personnes venues de partout au prix de beaucoup de fatigue pour simplement témoigner de leur ras le bol de constater que l’on remet sans cesse à plus tard ce qui doit se décider aujourd’hui! ». Un citoyen n’est-il pas celui qui met ses actes en accord avec les valeurs qu’il défend ? Si c’est le cas, il y en a beaucoup qui devraient être déchus de ce titre !

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Cet article a 5 commentaires

  1. REIX J-P

    Copenhague est pourtant décisif ! Même s’il ne faut pas s’attendre à la signature d’un protocole très contraignant ! Un tel sommet fait avancer les choses ! Et c’est urgent !
    Pour avoir un vue assez complète et la plus impartiale possible du sujet : lire le N° spécial de « Courrier International » 994 du 25/11/09, thème : « CLIMAT Pourquoi la planète sera peut-être sauvée ».
    Se déplacer à vélo, certes ! Mais combien le font ? Les diesels puants et polluants ont de beaux jours, à moins que le carburant ne passe à 2€ le litre ! De plus avec le petit nombre de pistes cyclables existantes, il est 8 fois plus mortel de se déplacer à vélo qu’en voiture (Science et Vie de ce mois).

  2. Annie Pietri

    L’initiative entreprise par ce groupe de chercheurs de Motorola est parfaitement exemplaire, et méritait amplement que le Président National de l’Association des Villes et Territoires Cyclables fasse un long déplacement à Toulouse pour féliciter ceux que étaient à l’origine ce cette expérience, et les dirigeants de l’entreprise qui les a encouragés, et pour les récompenser par l’attribution d’un trophée bien mérité.
    Ces hommes ont en effet mené à bien une expérience citoyenne.Ils ont apporté la preuve qu’en étant convaincu, on réussit à amener les autres à avoir un comportement responsable en matière de respect de l’environnement et de lutte contre la pollution. A leur modeste échelle, ils ont obtenu un résultat plus tangible que celui qui sortira d’un Copenhague perdu d’avance…. Les discours, les gesticulations, et les effets de menton de quelqu’un que nous connaissons bien, n’ont d’autre objectif que d’amuser la galerie…. Les employés de Motorola ont agi. D’autres se contentent de bonnes paroles, oubliées dès qu’il s’agit de les mettre en oeuvre !
    Il me semble que cette expérience de Toulouse peut, à son modeste niveau, redonner confiance dans la capacité des hommes à redevenir responsables et « citoyens ». C’est une lueur d’espoir et un rayon de soleil, dans ce monde qui ne vit que pour le profit.

  3. J.J.

    Se déplacer à vélo, certes ! Mais combien le font ?

    Je vais vous parler, en parodiant un chanteur helvético-arménien, d’un temps, que les moins de …50 ans au moins n’ont pas connu.
    Dans ma ville, (qui comporte quelques rues avec une pente à 14 0/0) où j’habitais alors jeune enfant, après la Libération, le vélo était un véhicule de luxe ( c’est pour cela que je n’en ai pas eu).

    Dans la ville, de nombreux hangars à vélo les abritaient, come maintenant les parkings. Un gardien en assurait la surveillance et ces vélos, on les comptait par centaines, pour la bonne raison qu’il n’y avait alors pas d’autre moyen de se déplacer.

    L’huile de mollet compensait la pénurie des carburants.

    Ce qui est malheureux, c’est que seule la nécessité fait force de loi.
    C’est pour cela qu’il faut saluer l’initiative lucide et courageuse, le mot n’est pas trop fort, des promoteurs et participants de cette expérience toulousaine.

  4. maulin jean claude

    le vélo résoudra t’il le problème que rencontre l’humanité. Ou bien comme le recommendait à son époque Malthus 1798 « la restriction des naissances ».Mais là: C’est un terrain,qui parait être, trés glissant, et complétement oublié. Pourquoi?… Alors,ne nous lamentons pas, l’humanité disparaitra, comme bien d’autres antérieurement.Mais en ce qui me concerne,et comme d’autres « convaincus, et rêveurs »,j’arpente les kms, de pistes cyclables chères à JMD, pour éliminer les mauvaises calories « bon pour la SECU » ingurgitées, de notre chère société de consommation. et ainsi, retardé le plus possible l’échéance que nous annoncent les plus optimistes experts.  » fin de l’humanité »

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