La marque « Karcher » a résisté à la crise économique grâce à la publicité manifeste que lui avait fait un Ministre de l’Intérieur de la République Française. Celui qui avait déclaré en novembre 2005 qu’il allait « karchériser » les banlieues aura tenu au moins cette promesse dans le domaine social, car il a effacé absolument les maigres espoirs que pouvaient entretenir les familles de ces quartiers dits sensibles et dans lesquels j’ai enseigné et… j’ai habité. Certes, des bâtiments ont été rénovés, mais rien n’a évolué dans le domaine de l’intégration sociale, beaucoup plus difficile que les autres. Quatre ans après les émeutes en banlieue parisienne, la pauvreté et le chômage s’aggravent. Un tiers des habitants, et près de un mineur sur deux, vit avec moins de 908 euros par mois, malgré les efforts annoncés en matière de politique de la ville.
Présenté le 30 novembre dernier, le rapport de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus) dresse un bilan sombre des multiples plans dont l’objectif était de réduire significativement les inégalités en banlieue sur cinq ans. Personne n’en a parlé, sauf que les élus concernés, de quelque bord qu’ils soient, qui soulignent que la situation est encore plus explosive que fin 2005 ! Rien d’encourageant en ce qui concerne l’essentiel : la situation quotidienne des femmes, des hommes, et des enfants qui y résident.
En 2007, 33,1% des habitants des zones urbaines sensibles (ZUS) (un pourcentage en progression par rapport aux 30,5% en 2006), vivaient sous le seuil de pauvreté (908 euros par mois), contre 12% dans le reste du territoire, note l’Onzus. Chez les moins de 18 ans, le taux atteint 44,3%, soit près de un mineur sur deux (inimaginable). Les ZUS sont les 751 quartiers retenus par les pouvoirs publics pour être la cible prioritaire de la politique de la ville. Environ 5 millions de personnes y habitent. « Sur l’ensemble de la période, le taux de chômage en ZUS est passé de 17,2% en 2003 à 16,9% en 2008, ce qui représente une baisse de 2% du nombre de chômeurs », note le rapport. Et inutile de préciser que la situation globale en 2009 touche à la catastrophe sociale, au moment où l’Assemblée nationale débat en toute hâte de… l’identité nationale, un concept qui va remplir les frigos, et donner du boulot à celles et ceux qui n’ont que l’économie parallèle pour survivre !
La loi de 2003 ambitionnait de… « réduire d’au moins un tiers le nombre de chômeurs dans les ZUS , sur une période cinq ans, et de rapprocher le taux de chômage de l’ensemble des ZUS de celui de leur agglomération de référence », rappelle l’Onzus, sans risque d’être entendu, car les bilans, en France, des 7 années de gouvernement de Droite sont dans cette lignée. Les jeunes sont les premières victimes du chômage, particulièrement les garçons, souligne le rapport: « la proportion de jeunes au chômage ou en inactivité est toujours… deux fois plus importante dans les quartiers sensibles, qu’ailleurs« . Au total, un jeune des quartiers sensibles sur quatre est au chômage ou en inactivité, contre un jeune sur huit dans les autres quartiers des mêmes agglomérations. Le rapport met en évidence l’écart entre le taux de chômage des jeunes hommes (41,7%) et celui des jeunes femmes (29,6%).
En matière de « karchérisation » (on dit maintenant « sécurité »), l’Onzus note aussi que la délinquance de proximité est… inférieure de 12% dans les ZUS par rapport à leurs circonscriptions de rattachement, notamment en raison de plus faibles atteintes aux biens. Mais les atteintes aux personnes sont légèrement plus fréquentes et « le sentiment d’insécurité au domicile ou dans le quartier est plus important ». C’est le paradoxe : les médias focalisent sur des faits isolés, se déchaînent pour affoler les chaumières dès le 1er janvier à l’aube sur les fausses statistiques concernant les véhicules incendiés, généralisent dans ces quartiers des événements qui se déroulent ailleurs, sans diffusion nationale. La « Karchérisation » n’y est absolument pour rien, mais on fera comme si… sur la dalle d’Argenteuil tout était redevenu calme ! La pauvreté gagne du terrain. La résignation aussi. Un courant d’air peut pourtant rallumer les braises. Et ce qui se passe en Grèce devrait préoccuper.
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Jai habité aussi dix ans dans une cité,et comme pratiquement tous ceux qui en ont les moyens un jour, j’ en suis parti.
alors quand on me parle de mixité sociale,je rigole.
Je disais a des amis plutot bobos,la mixité en parler c’ est bien, la faire c’ est mieux. rien ne vous empêche de vendre vos maisons et d’ aller vivre dans ces quartiers.
Ma voiture n’a pas brulé ,j’ ai juste perdu une batterie,cotoyé des types avec fusils dans l’ ascenseur,supporté les cris de gens ivres,en fait pas grand chose.
La cause principale de tout ça ,le chomage bien sur,mais aussi l’ intolérance ,la violence gratuite,le manque d’éducation de certains.
Ma conclusion , pessimiste ,car avec la fin du travail(Rifkin),l’augmentation massive de la population mondiale, les réfugiés climatiques à venir, le karcher sera un peu juste et je crains que certains n’ utilisent l’ arme lourde.
Si des murs sont tombés , d’ autres se construisent entre l’ Inde et le Bengladesh par exemple.
Alors carpe diem,parce que le futur je l’ imagine pire que le présent.
Guillaume Basset a commenté cet article sur facebook :
« Merci pour vos très bons articles. Malgré la situation que vous décrivez, il faut se demander si un mouvement saura structurer ces différentes colères. Le mouvement de 2005 n’a trouvé aucun débouché politique, notamment parce que la gauche, outre des constats attristés mais stériles, a esquivé d’un revers de main certaines questions de fond, notamment la discrimination positive sur des critères non ethniques, s’abritant derrière un républicanisme d’apparat. La question sociale doit prioritairement être traitée par l’école. Je trouve révoltant et attristant que le chef de l’Etat, lors de son discours à Polytechnique de 2008 ne fût pas pris aux mots par la gauche… Aucune des mesures annoncées n’est mise en oeuvre. Et cela n’est bien évidemment pas dénoncé, mis à part un discours hésitant et peu fédérateur sur le « manque de moyens »…et qui a lieu chaque année, à l’occasion de sympathiques journées de mobilisation par-çi par là. La gauche devrait se poser clairement la question de mesures COERCITIVES pour la réussite scolaire, l’insertion professionnelle des plus modestes. Il faut s’intéresser aux causes et pas seulement au traitement de leurs expressions. »