Etrange sensation en reprenant le TGV pour retourner aux affaires quotidiennes des gestions locales. Probablement la même que celle que devait ressentir Madame la Marquise de Sévigné en rentrant de la cour de Versailles pour retourner en province. Lundi, plus de 2000 conseillers généraux dont une bonne partie dits non inscrits ou de… droite, viennent clamer leur inquiétude face à la situation créée par les réformes des collectivités territoriales. Des élus de cette sensibilité font des déclarations véhémentes contre des projets qu’ils estiment catastrophiques pour les liens entre les communes et les départements. Touchés par la crise (perte des droits de mutation sur les transactions immobilières) ils s’avouent impuissants pour faire face aux dépenses, beaucoup mettent en cause des décisions « hâtives », « partisanes », « absurdes » ou « démagogiques », s’appuyant parfois sur des propos de… Nicolas Sarkozy, avant même qu’il soit l’instigateur de ce coup de force contre la structuration de la vie démocratique en France. Dans les couloirs, ils ressemblent à des boxeurs sonnés, incapables de trouver des solutions aux coups qui pleuvent. Eux au moins ont effectué le déplacement et ne se contentent plus de l’évangile télévisé de la Saint Nicolas. Ils ne sont ni croyants, ni pratiquants, car ils se coltinent, dans la Haute Loire, l’Aube ou la Creuse, la Haute Vienne, la Haute Garonne ou le Cantal, la triste réalité : la fable des deux ânes ! Chargés des éponges sociales gouvernementales, les Conseils généraux doivent maintenant traverser le violent courant de la crise qui n’est pas terminé, et regarder, impuissants, celui qui voit ses responsabilités financières et sociales fondre dans le même temps. Bizarre, si cette réforme n’était pas idéologique, qu’ils aient cet avis, repris par bien peu de médias.
Dès le lendemain, près de 12 000 maires ou élus les représentant, accentuaient la pression, sous le regard étonné des médias condescendants, qui les avaient présentés comme des nantis de la République : mais que viennent donc faire ces Poilus de la République sur un champ de bataille réservé aux hérauts habituels des joutes politiques nationales ? Mais que souhaitent démontrer ces « croquants », incapables de comprendre l’intérêt de promesses pourtant extrêmement lénifiantes… Comment pouvaient-ils, eux, les « sauveteurs » de la Nation par leur « courage », leur « ténacité », leur « dévouement » et leur « engagement au service de la relance », croire que le tout petit Père du peuple voulait les étouffer par raréfaction d’oxygène financier, ou les noyer sous des avalanches de promesses, dont on ne connaît toujours pas les effets, puisqu’aucune simulation n’a été réalisée ? Il est vrai qu’elles sont désormais inutiles, puisque selon un disciple girondin de la Marquise de Sévigné, qui préparerait aux éditions « Sud Ouest » un florilège de ses « pensées », déjà largement diffusées, ces réformes vont faire pleuvoir l’or sur les terres bénies du Sarkozisme ! Il y a des visionnaires qui mériteraient une place à la cour du Roi, car ils dépassent les « ordinateurs » et savent lire dans le marc de café des technocrates de Bercy. Il n’y a pourtant que celles et ceux qui étaient présents à la porte de Versailles qui ont pu se rendre compte comment on roulait, dans la farine des affirmations sans preuves, un auditoire gavé de promesses toutes plus rutilantes les unes que les autres.
En fait, entre les deux réunions, il y avait un point commun : le malheur des uns (conseils généraux) fera le bonheur supposé des autres (communes et intercommunalités), et en divisant il sera plus aisé de régner. Bien évidemment, quand on se contente des mots, on est vite heureux comme Lou Ravi de la crèche ! Le lendemain, on a tout de même la gueule de bois, sauf si se gaver de promesses suffit à son bonheur.
Un exemple ? Chers collègues maires, dormez tranquilles, car pour vous consoler, le Père Noël « Fillon » (il serait ami avec la Marquise de Sévigné !) a déposé dans vos souliers une taxe qui va vous redonner le sourire. En effet, vous allez pouvoir récolter le fruit de votre dynamisme en matière d’implantation… d’antennes relais de téléphonie mobile : vous savez, ces pylônes dont personne ne veut plus, en raison de leur nocivité supposée pour l’environnement immédiat. Figurez-vous que plus vous en mettrez sur les toits, et plus vous toucherez de taxes compensatoires. Si ce n’est pas une bonne nouvelle, c’est que vous avez un esprit partisan manifestement anti-Grenelle !
Je suis certain que vous en souhaitez un autre, pour la route… Il y en aurait des grands financiers, qui ont déjà effectué des calculs, et qui seraient bénéficiaires après cette suppression « factice » de la taxe professionnelle (elle sera remplacée par d’autres impôts, multiples, payés aussi par les entreprises et, en plus, les petits artisans et commerçants règleront l’addition comme les particuliers, par l’augmentation de leur taxe d’habitation ou de leur foncier bâti, alors que jusque là, la TP était imputée à leurs frais généraux). En fait, ces Pythies des finances locales ont oublié en route qu’en 2011, le calcul sera fait à ressources constantes, et les collectivités qui seront « excédentaires » avec la nouvelle formule, cèderont leur excédent, via un fonds spécifique, aux communes qui seront « déficitaires ». Mais attention, ces dernières n’auront une compensation que si… les autres dégagent un « bénéfice ». Alors, tant mieux si les habitants d’une ville bienfaitrice ayant beaucoup d’antennes de téléphonie mobile existent, car sans eux, les autres seraient dans la panade…
Celles et ceux qui étaient dans la salle de la porte de Versailles ont entendu cette annonce rassurante de « péréquation », reposant sur une hypothèse absolument virtuelle, puisque aucune simulation n’a été effectuée.
Dommage que personne n’ait pu poser la moindre question à ce sujet au « Fillon Castro »des réformes (la longueur de son propos avait quelque chose de cubain), car il y aurait eu beaucoup à dire sur la taxe carbone… récupérée par les seules communes qui auront la capacité d’ investir dans des secteurs extrêmement onéreux, ou sur le fait que les communes devront compenser auprès des associations, des clubs sportifs, des services sociaux de proximité, des services de l’eau, de l’assainissement, de l’électricité… le retrait contraint du Conseil général. Qui va payer la différence de coût des investissements ? Qui va assumer le désengagement des organismes associés à l’Etat (CAF, Agence de l’Eau, Ademe sur certains sujets…) ? Allez, méditez toutes et tous sur cette phrase de la Marquise de Sévigné : « La mort nous égale tous. C’est où nous attendons les gens… heureux. Elle rabat leur joie et leur orgueil et console par là ceux qui ne sont pas fortunés ». Ce pourrait être la maxime de l’association des maires de France dans les prochains années.
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