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La liseuse des regards

Marie-Thérèse Dambreville fut une femme très présente dans la vie locale créonnaise. Ophtalmologue durant trois décennies elle a soigné des milliers de « regards ». Engagée au sein des équipes municipales elle a toujours défendu un humanisme généreux et tolérant. Voici l’hommage que je lui ai rendu lors de ses obsèques. 

« Les yeux sont les miroirs de l’âme ». cette citation attribuée à Cicéron maintes fois reprises par d’autres écrivains pourrait résumer à merveille ce que tu étais.  Toi, Marie-Thérèse qui pendant des décennies a scruté professionnellement le regard plus ou moins défaillant des autres, tu ne savais pas que nous pouvions aussi lire dans le tien. Il pétillait de bonheur et d’une certaine malice quand tu te retrouvais au milieu des gens que tu appréciais ou que tu aimais. Il affichait une certaine gravité voire de la colère lorsque tu considérais que tes convictions, tes principes étaient malmenés. Mais surtout il s’illuminait chaque fois que ton exceptionnelle générosité te permettait de partager avec les autres, de participer à la vie sociale ou de réconforter celle ou celui qui traversait un moment difficile.

Marie-Thérèse, ton regard perlait d’une intelligence vive. Un échange d’une fraction de seconde suffisait à mesurer ce que tu pensais d’une situation ou d’une personne. Tes yeux parlaient pour toi. Tes yeux resteront comme la lumière de ta personnalité. Ils reflétaient une âme certes sensible mais toujours solide dans les moments difficiles.

Parfois tu laissais perler un brin de lassitude, une crainte, une angoisse mais tu savais aussi dissimuler tout ce qui pouvait d’une manière ou d’une autre traduire ce que l’on aurait pris pour une faiblesse. Ton parcours avait été celui du mérite, de la volonté, de la combativité il ne pouvait donc pas s’infléchir dans le quotidien.

Combien de milliers de paires d’yeux as-tu scrutés ou mesurés ? Nul ne le sait vraiment.  Tu le faisais avec tact, attention, indulgence et une empathie rassurante. Un mot gentil. Une douceur particulière pour les enfants afin de leur permettre de ne pas aborder les examens avec appréhension.

Ton sourire, ton rire spontané et communicatif sauvaient toutes le situations. Il illustrait ton optimisme naturel hérité de la vie réunionnaise et surtout de ton souci de donner le change, de ne jamais s’apitoyer sur ton propre sort, de toujours donner plus que tu espérais recevoir.

Marie-Thérèse ton dévouement aux autres était incontestable. Si la mission d’un médecin reste celle de soigner les corps, tu y ajoutais la prise en considération de l’autre dans sa globalité.  Tu allongeais tes journées au cabinet tard le soir pour que chacun puisse y avoir une place. Nul se sait vraiment que souvent tu ne réclamais pas le juste dû pour ton travail aux personnes dont tu connaissais la situation financière. Ton cœur prenait le dessus sur tes intérêts.

C’est cette fibre sociale, cette volonté de contribuer au mieux-être des autres qui t’a conduite à t’engager dans la vie locale.  Lorsqu’en 1989, dans une période difficile de la vie créonnaise tu rejoins la liste de Roger Caumont, tu démontres ton cran , ta fidélité aux valeurs humanistes qui étaient les tiennes et ton souhait, malgré un emploi du temps surchargé, de consacrer une part de tes rares loisirs à l’intérêt général.

Nous nous sommes tant amusés en étant sérieux. Nous avions nos places réservées autour de la table du conseil municipal. Toi, le Docteur Jarry, moi et Jean-Marc dans la ligne face au Maire… Tu avais remplacé Jean-Claude Nouailles dans notre rangée parfois un peu dissipée. Tu as appris de la nature humaine réelle. Tu as accepté de progresser dans la gestion locale.

Lorsqu’en 1995 les circonstances ont voulu qu’il me faille à mon tour composer une liste, alors que tu avais décidé d’arrêter, lorsque je suis venu te rencontrer, tu m’as répondu : « je repars pour toi car je veux que tu réussisses ! ». D’abord l’amitié, le partage et après tu pensais à toi.

Tu n’avais mis qu’une seule condition : que nous acceptions que tu t’absentes au début de chaque année pour aller respirer l’air de La Réunion qui te manquait tant. Ce fut accordé sans grande difficulté. Un second mandat où lentement tu as pris tes distances pour un peu plus penser à toi.

Marie-Thérèse tu auras été une bien belle personne. Une femme libre. Une femme tenant sa place modestement mais efficacement dans la société. Une femme tournée vers les autres. Une femme portant le soleil de ton optimisme dans l’eau froide des réalités du quotidien.

En prenant ta part dans la vie de la paroisse tu as démontré que cet intérêt pour le soutien moral, spirituel, affectif à ton prochain était ancré en toi. Simple et sincère tu as accompagné dans cette église des personnes vers ce en quoi tu croyais.

Marie-Thérèse tu as quitté notre champ de vision réaliste de la vie. Tu es partie trop tôt vers un ailleurs que je te souhaite au nom de la communauté créonnaise aussi lumineux que possible. Tu es passée de l’autre coté du miroir de nos regards.

Les nôtres sont mouillés, embués, rouges car comme l’a écrit Romain Gary « c’est toujours dans les yeux que les gens sont les plus tristes » mais ne t’inquiète pas c’est seulement par amour, amitié ou reconnaissance pour toi. Il nous suffira d’entendre au fond de nos souvenirs ton rire pour que nous retrouvions, comme tu l’aurais souhaité, le chemin de l’espoir.

Merci pour ce que tu as été et ce que tu as donné. »

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Cet article a 5 commentaires

  1. J.J.

    « Une femme portant le soleil de ton optimisme dans l’eau froide des réalités du quotidien. »
    Encore une belle métaphore, émouvante d’amitié et de reconnaissance, celle là.

  2. J.J.

    « Une femme portant le soleil de ton optimisme dans l’eau froide des réalités du quotidien. »
    Encore une belle métaphore, émouvante d’amitié et de reconnaissance, celle là.

    1. Laure Garralaga Lataste

      @ à notre J.J. …
      Tellement ému qu’il en bégaye… Parce que Marie-Thérèse le valait bien !

  3. Laure Garralaga Lataste

    Jamais 2 sans 3… !
    Je n’ai qu’un souhait à formuler… que ce dicton s’arrête… à 2 !

    1. Laure Garralaga Lataste

      Pas d’erreur… Je veux parler des envois de Roue Libre sur mon ordi qui, par deux fois, est resté silencieux… !

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