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En Inde s’organise autour de la table la prise du palais

Repas à la maison avec Santoch le mari indien de la nièce. Tous deux chercheurs confirmés partent pour les USA où ils son attendus dans une université pour poursuivre leur travail… En hommage à ce garçon remarquable voici une chronique sur la cuisine indienne…dont j’ai éprouvé le caractère musclé ! 

« Le palais demeure au cœur des préoccupations du touriste se rendant en Inde. Souvent, il l’essentiel de ses préoccupations gustatives et constitue un objectif essentiel pour son périple : se préserver du feu des épices. Le visiteur des mille et une nuits aborde le sujet avec à la fois un certain appétit de découverte mais aussi une certaine appréhension, voire avec de la méfiance. Les joies que peuvent lui procurer la découverte sont  très souvent estompées par les conséquences de son investissement dans ce parcours initiatique : la richesse des assaisonnements peut en effet  tourner la tête de celui qui le fréquente ! Tous s’annoncent en effet flamboyants pour ne pas dire chaleureux, mais surtout la vigilance est de mise, car les apparences sont trompeuses.

Ciselés, finement décorés, accommodés avec des ingrédients tirés du sol, richement parfumés ou colorés, les apports, pour l’étranger, deviennent parfois surprenants ou un tantinet dévastateurs. Il faut donc aborder la « dégustation » proposée au menu du voyage avec  méfiance. D’abord parce que tout est dissimulé, et que nul ne peut vraiment savoir ce qui l’attend quand il se lance dans la « visite » du self-service. Ce qui fut fastueux vu de l’extérieur devient très « piquant » dès que l’entrée a été franchie… on se sent alors brutalement saisi par l’émotion ou on s’enflamme illico !

Très structurés en espaces successifs, on apprend vite à résister à la chaleur de la première impression pour poursuivre son chemin. On a beau avoir reçu des mises en garde, on est secoué par le goût et la vigueur de la découverte. Raffinement recherché, débauche de saveurs délicates, libre service pour l’invité au festin des à plats : durant des siècles les concepteurs ont eu à cœur de mettre en valeur ce qui constitue la qualité. Il fallait, pour ces créateurs, que la richesse transparaisse dans des choix extrêmement méticuleux. On peut même parler sans risque de « rites » culinaires, puisque tout fut pensé dans l’ordonnancement de la « construction » de ce qui finalement constituera une œuvre unique. Dans votre palais s’entremêlent les couleurs, s’exhalent les odeurs, se dévoilent des saveurs inhabituelles. Impossible de rester insensible à cette conjugaison sophistiquée des spécificités indiennes.

La recherche de l’excellence tourne parfois à l’obsession, car la moindre faiblesse dénaturerait le résultat. Malgré la pauvreté générale, les « maîtres » ont mobilisé des ressources venues d’ailleurs. Elles sont arrivées durant des siècles par les caravanes avançant au rythme lent des dromadaires permettant un vrai mûrissement des motivations et des propositions. L’adresse des uns, la finesse des autres, la créativité de tous transformaient des matières premières en œuvres d’art. A petites doses, on ajoute maintenant à des matières basiques blanches, translucides ou ocres les splendeurs venues des terres environnantes.

Une touche fine et légère change totalement les structures initiales et offre un tableau surprenant. Un savoir-faire minutieux modifie considérablement la texture des matières. Partout le « palais » indien sait absorber des cultures diverses afin de transformer avec subtilité le banal en extraordinaire. On savoure la brillance, l’éclat, la profusion, la tonicité mais on reste sur sa faim quand on ne peut pas entrer dans les véritables secrets des recettes. Il nous manque les clés de recette !

Dans le palais indien se trouve le royaume paradoxal de la délicatesse fracassante, celle qui transforme la simplicité en un assemblage complexe. Après en avoir apprécié naïvement les premières touches le « convive » découvre les effets secondaires de ces savants assemblages. La création accroche, secoue, détonne par rapport aux apparences, dépouillée de tout excès dont on ne se méfie pas ! En fait, celui qui tente l’aventure prend de plein fouet cette puissance, cette richesse, cette finesse dont on n’imagine pas un instant qu’elle puisse exister avant de l’avoir dégustée.

Durant des siècles les voyageurs ne vinrent en Inde que pour piller ses ressources les plus précieuses ou les plus subtiles. Ils repartaient avec leur besace emplie de produits inédits ou de techniques inconnues. Vite intégrés dans le luxe de leurs pays d’origine ces « apports » ont tous fini par appartenir au quotidien, modifiant aussi les modes de vie occidentaux. Les palais en Inde n’ont pas tous eu le privilège de résister à l’épreuve du temps. Beaucoup ont été oubliés. Certains se sont tournés visiblement vers un modernisme des goûts qui fait que leur finalité à totalement changé. La restauration dans tous les sens du terme a par exemple donné une nouvelle jeunesse aux bâtisses ostentatoires des maharajas. Il y a palais et palais !

Sous les ors et les décors les buffets d’accueil, dans des marmites joufflues, mettent le feu aux… palais occidentaux, brûlent les gosiers des imprudents qui s’enflamment un peu trop vite pour les plats indiens. Des lentilles innocentes en sauce constituent des « bombes incendiaires » redoutables, d’inoffensives aubergines explosent sur la langue, de agneaux sans défense plongés dans des sauces épicées passent au lance-flamme des gorges, des beignets en embuscade fracassent les papilles… Tous les mets sentent la poudre d’épices et préparez-vous si vous allez chez les Indiens à brûler de passion pour leur cuisine de palais…délicats !

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Cet article a 2 commentaires

  1. GRENE CHRISTIAN

    Bonjour à tou(te)s. De Soulac/Mer à New Delhi, j’arrive pour passer à table. Si je tombe malade, j’en appelle à Pierre et Marie Curry. Merci Jean-Marie!

  2. Christine Darmian

    J’ai tellement aimé cette cuisine que nous avons découverte grâce à Santosh et Lucie lors de notre merveilleux voyage en Inde avec eux
    Au départ ça chauffe ça chauffe vraiment on est surpris avec nos palais d’européens et puis comme par magie on s’habitue on apprend aussi la lenteur de la dégustation on attend l’effet le scintillement
    On observe les indiens pour comprendre comment ils mangent et on découvre un autre univers culinaire
    Moi je suis devenue une amoureuse de cette cuisine et ses saveurs m’enchantent

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