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Le problème humanitaire des squats

Les mots surgissent dans l’actualité et s’imposent vite comme des évidences inévitables médiatiquement. Dans une journée ils sont ressassés des milliers de fois avant de disparaître, comme si les maux soulevés n’existaient plus, aussi vite qu’ils étaient apparus. Pour arriver à se frayer un chemin au milieu des « occupants des lieux » (vaccins, pandémie, varinats) où l’on se montre, où l’on disserte et où l’on joue au courroucé ou à l’invectiveur patenté il faudra une sacrée puissance au nouveau venu pour percer. Surtout que certains des occupants, vedettes incontestables du moment, rentes de situation des polémiques, s’étalent avec volupté sur les plateaux artificiels.

Depuis quelque jours les « squats » ont donc envahi sans vergogne le système anxiogène de la pandémie posant un regard cru sur notre comportement à l’égard des plus démunis. Le fait d’occuper un lieu d’habitation sans l’accord du titulaire légal de cet espace devient en effet durant la crise une tendance répandue. Juridiquement qualifié d’« occupation sans droit ni titre », le squat est donc par définition illégal mais c’est moins simple que cet adjectif veut bien le dire. Divers événements ont mis en évidence la réalité de situations pour le moins complexes puisque sans solutions conformes à la loi.

En fait l’atteinte au droit à la propriété individuelle ou collective n’est pas toujours en cause. Le vrai problème posé par les squatteurs devient de plus en plus, celui du droit au logement. L’un ou l’autre sont en balance. Le second existe dans les textes officiels mais se révèle impossible à obtenir tellement la pénurie s’aggrave.

En Gironde une démographie croissante par apport de populations extérieures accentue fortement l’absence de solutions. Des dizaines de milliers de femmes, d’hommes de familles attendent un loyer modéré ou social. Autrefois le phénomène touchait exclusivement le monde urbain mais désormais dans certains secteurs du Département, les demandes sont telles que les liste d’attente deviennent affolantes partout. Un élu loca me disait aujourd’hui qu’il en avait 14 en attente! 

Les possibilités de logements d’urgence, de structures « collectives » d’accueil solides et pérennes n’existent même pas sur certains territoires.  Avoir un toit constitue pourtant un droit fondamental. Personne ne sait vraiment comment réagir face cette obligation. Alors des actions souvent collectives nécessairement illégales tentent de pallier la carence pour les publics les plus fragiles !

Les débats de septembre 2020 à l’Assemblée Nationale ont mis en évidence les difficultés douloureuses rencontrées par des propriétaires individuels « victimes » de squatteurs. Ils découvrent « chez eux », dans leur domicile, en rentrant du travail, des occupants illégaux. Une rude aventure puisque les textes ne prévoient pas d’expulsion manu militari immédiate de ces occupants venus d’ailleurs.

Comme à l’habitude si une loi récente a condamné toute occupation sans titre d’un « domicile, qu’il s’agisse ou non de la résidence principale du propriétaire » elle reste flou quant à la notion de domicile et de propriété ce qui ouvre la possibilité à de nombreuses contestations. Les exemples de ces conflits se multiplient choquant une opinion publique qui ne comprend pas que dans la majorité des cas une forte précarité familiale se dissimule derrière ces actes.

Souvent les squats, dans leur écrasante majorité concernent des bâtiments industriels vides depuis longtemps ou des locaux collectifs appartenant à des organismes d’intérêt public collectif ou des collectivités locales. C’est la très grande majorité des cas. Se pose alors la responsabilité du propriétaire sur le plan de la sécurité incendie ou sanitaire et surtout la facette humanitaire. Un vraie dilemme quand il n’y a aucune possibilité matérielle de leur offrir des conditions de vie digne et d’autres solutions que la rue ou d’aller de lieu misérable en lieu misérable.

Dans le contexte présent où « l’autre » (surtout s’il est précaire) devient un « ennemi » potentiel et quand les moyens matériels manquent cruellement, de fortes solidarités se nouent autour des habitants de ces lieux souvent déshumanisés. Elles reposent sur des actions associatives que les services publics ne peuvent pas (ou ne veulent pas mener) et sur un militantisme concret permettant de sortir autant que faire se peut ces squatteurs de leur précarité.

La crise qui ne cesse d’enfler va générer des « bombes sociales » à retardement. Des locataires traversent de graves difficultés financières et malgré les mesures de retardement de versement du loyer, ils seront plongés dans l’incertitude d’ici la prochaine trêve hivernale. En fait tout se jouera en 2022 quand toutes les procédures auront été mises en place et auront donné un résultat juridique. Les expulsions risquent d’exploser !

L’abbé Pierre tonnerait encore plus de 67 ans plus tard : «  Il faut que ce soir même, dans toutes les villes de France, dans chaque quartier de Paris, des pancartes s’accrochent sous une lumière dans la nuit, à la porte de lieux où il y ait couvertures, paille, soupe, et où l’on lise sous ce titre « centre fraternel de dépannage », ces simples mots : « Toi qui souffres, qui que tu sois, entre, dors, mange, reprend espoir, ici on t’aime !»

 

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Cet article a 6 commentaires

  1. tusitala

    Les plus démunis ..?
    Ne nous voilons pas la face …
    ce sont la plupart du temps des immigrés clandestins ..!

    1. J.J.

      ….ce sont la plupart du temps des immigrés clandestins ..! Qui ont certainement quitté leur pays pour faire du tourisme ?

      Même si c’est vrai (généralisation hâtive), c’est une raison pour les laisser coucher dehors, et circuler pieds nus dans la neige, comme on l’a vu dans certains reportages ?

      Oui, quand je pense à ce sursaut humanitaire qu’avait déclenché l’abbé Pierre, et que je vois la situation actuelle (en France ou dans d’autres pays) ça me fait mal.

      1. Philippe Labansat

        Je partage totalement ce commentaire…

  2. Maria LAVIGNE

    J’ai mal à ma France ! Parfois, j’ai envie de crier comme l’Abbé Pierre car immigrés clandestins ou pas, ce sont des hommes, des femmes, des enfants qui n’ont pas quitté leur pays par plaisir. Quitter sa terre natale est un déchirement.

  3. Bruno DE LA ROCQUE

    Merci à J.J. pour sa mise au point. D’ailleurs ce mot, clandestin, est bien commode et permet que ce soit son acception stigmatisante qui soit retenue par le grand public. Pour les exilés, les personnes et/ou les familles qu’on appelle « migrants », bien souvent elles ne sont plus clandestines à leur arrivée en Europe dès lors qu’elles déposent leurs empreintes aux autorités du premier lieu d’accueil (on les dit « dublinées »). Elles sont alors considérées comme demandeuses d’asile. Que ce soit parce qu’elles veulent aller plus loin en Europe, y circuler, transiter, ou que ce soit parce que la saturation des camps d’accueil est telle que ces pays d’arrivée (entre autres Italie et Grèce) les poussent plus ou moins explicitement à lever le camp, la « procédure de Dublin » en fait des irréguliers, des clandestins, hors du pays qui les a… dublinées. Pour Tusitala (1er commentaire), ces personnes sont des » immigrés clandestins » ; et cela sans même se préoccuper du pourquoi l’exil ? du qui est-il ? qui est-elle ? qui sont-ils ? J’ai cité les demandeurs de titres de séjour à « dédubliner » ; mais il y a bien d’autres cas de figures… Actuellement, les préfets délivrent des OQTF, en d’autres termes expulsent administrativement, à des personnes, généralement des jeunes (et les nationalités sont diverses, y compris du continent européen) , intégrées, en apprentissage sous contrat avec inscription au CAP ou en formation CAP en lycée professionnel. Je me souviens m’être bagarré verbalement sur la page facebook d’un journal local au sujet d’un réfugié du Darfour, absolument pas clandestin puisque doté du statut de réfugié et d’une carte de séjour, employé en CDI d’un primeur local qui « piquait la place d’un Français » et vivait au crochet « de nos impôts » et d’avoir simplement mentionné que son salaire était fiscalisé et comportait les cotisations sociales… faisant de lui un contribuable et un citoyen solidairement responsable. Qu’il payait son loyer, son eau, son électricité, etc. Tout cela parce que, Africain, il ne pouvait qu’être clandestin, pire : un immigré clandestin. Notre association AREVE d’aide et d’accueil fourmille d’anecdotes… qui ne sont des anecdotes parce que nous savons réfréner nos colères et modérer nos propos.

    1. Bruno DE LA ROCQUE

      Je corrige « qui ne sont des anecdotes QUE parce que nous savons réfréner nos colères et modérer nos propos. »

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