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Le droit de vote : le vrai débat !

C’est tout sauf innocent : l’annonce d’un possible abaissement de l’âge pour devenir électrice ou électeur à 16 ans revient dans l’actualité avant les présidentielles de 2022 (1). Comment doit-on réagir à cette proposition ? Bien évidemment après que des milliers de jeunes aient défilé dans les rues du monde pour démontrer, beaucoup plus que les adultes, que l’avenir de la planète était en péril « le coup » est très opportun. N’empêche que le droit de voter dans le contexte actuel paraît bien malmené.

Après les derniers scrutins il a été extrêmement intéressant d’analyser les strates des âges des votants… et de revenir sur cette annonce. En effet ce n’est vraiment pas en changeant la référence quantitative dans la citoyenneté que l’on changera fondamentalement l’engagement des inscrit(e)s sur les listes électorales. Le problème est véritablement ailleurs. Et peut-être pas dans un engagement prématuré dans la vie sociale !

Le premier constat c’est que l’on ne naît pas citoyen.ne mais on le devient par l’éducation et surtout par une connaissance aussi approfondie que possible des mécanismes démocratiques. A 16 ans, considérant la pauvreté désolante de l’enseignement civique, il paraît un peu illusoire de penser que les futur(e)s participant(e)s auront les repères nécessaires pour effectuer un véritable choix. Une matière qui a entièrement disparu malgré le fait qu’elle soit noyée dans des programmes inapplicables et donc pas toujours « enseignable ».

Un simple questionnaire en classe de troisième d’un collège ou en seconde d’un lycée donne des résultats calamiteux. Les parents eux-mêmes ont un niveau de connaissance très faible des compétences territoriales, ont une vision simpliste et caricaturale de la démocratie représentative ou participative et votent parfois sur des critères dénués de toute références politiques ou simplement liées à l’intérêt général.

Qui fait vraiment par exemple la différence entre un(e) conseiller(e) départemental.e ou régional.e ? Qui connaît le rôle du Sénat et de l’Assemblée nationale ? Qui votera aux européennes en évaluant vraiment l’importance du Parlement par rapport à la commission ? Comment comprendre l’importance de la commune par rapport à l’intercommunalité ?

Dans la République on constate de plus en plus que les prises de position (moins de 50 % de celles et ceux qui peuvent le faire) sont répulsives ou émotives mais ni constructives, ni positives. Alors si l’abaissement de l’âge requis pour voter est une mesure que je ne saurais condamner il doit absolument être adossé à une « attestation civique » délivré en fin de troisième. On le fait bien pour de nombreux autres sujets (conduite, chasse..) alors pourquoi pas sur celui qui est essentiel : l’exercice de la citoyenneté dès le plus jeune âge.

Si cette mesure venait à être mise en œuvre, elle irait à l’encontre de la pédagogie actuelle qui devra tenir compte de ce nouveau « pouvoir » accordé à de élèves. Favorisons d’abord l’engagement associatif et toutes les formes d’entrée dans la vie sociale. Organisons des débats dans l’enceinte même des lycées avec des interventions de personnes qualifiées susceptibles de former l’esprit citoyen. Favorisons l’expression libre et la valorisation de l’engagement au service des autres (exemple : les jeunes sapeurs-pompiers) et attendons la mise en place du Service universel en projet.

Or les foyers socio-éducatifs autogérés sont actuellement peu nombreux voire inexistants. La responsabilisation, l’autonomie, l’analyse des situations collectives ne constituent pas les priorités de l’action éducative. Il serait absurde d’ouvrir un droit de ce type sans que jamais celles et ceux qui le posséderaient ne l’aient pratiquer (le taux de participation à l’élection des élus au sein des conseils des établissements est révélateur de la mobilisation des jeunes).

En 1974 l’âge de la majorité est abaissé de 21 à 18 ans par Valéry Giscard d’Estaing qui vient de décéder. Qu’en sera-t-il pour les jeunes de 16 ans ? Auront-ils le pourvoir de mettre un bulletin dans l’urne sans être reconnus comme majeur(e)s ? Ce serait véritablement une situation délicate : participer aux moments démocratiques décisifs sans bénéficier des avantages que cela implique.

Quand on sait que l’on continue à refuser le droit de vote aux élections locales à des étrangers parfaitement intégrés, avides de s’exprimer, payeur.euse.s d’impôts, contributeur.trice.s à la solidarité nationale, producteur.trice.s de richesses par leur travail il faudrait peut-être réfléchir avant de lancer des propositions de ce genre. Il serait électeur.trice en 16 ans et sans ressources jusqu’à 25 ans ?

Le débat va surgir au début de 2021 et sera probablement agité… mais pas nécessairement pour le sujet qu’il faudrait vraiment évoquer : le vote des étrangers en situation régulière aux élections locales ! Eux ont souvent beaucoup plus de 16 ans ! 

(1) J’ai été interrogé par Femmes actuelles (sic) pour un dossier en préparation

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Cet article a 10 commentaires

  1. Dany Cazeaux

    Entièrement d’accord

  2. Philippe Labansat

    Ne pas voter à 16 ans ou s’abstenir à 18 ans, voilà un terrible dilemme.
    Mais aussi, à tous les âges :
    – Il n’y en a pas marre d’élire son roi en France ?
    – Quels sont les contre-pouvoirs à notre Prince élyséen ?
    – À quoi bon élire 577 députés godillots ?
    – La responsabilité devant le Parlement ? Mon œil !
    – La séparation des pouvoirs ? Mon œil !
    – À quoi bon élire des députés européens, si c’est la commission non élue qui dirige ?
    – La démocratie représentative ? En presque 50 ans, jamais mes opinions n’ont été « représentées ».
    – Marre de voter contre, basta de « faire barrage », je ne suis pas un castor !
    Finalement, je dois être vieux, je ne crois plus au changement par les urnes.
    Le changement n’interviendra qu’après l’effondrement, vers lequel nous poussent nos dirigeants, avec une opiniâtreté admirable. Mais ce changement a peu de chances de se faire en douceur…

  3. J.J.

    Toujours indécrottable adepte des théories complotiste, j’ai ma petite idée sur le but de l’opération.

    Quels jeunes 16 ans iront voter ? Probablement pas ceux qui actuellement balancent quotidiennement des cailloux et tirent au mortier des artifices sur les bus de ligne, au point que certains ont dû changer d’itinéraire par mesure de sécurité.

    Ceux là, leurs parents ne doivent pas non plus beaucoup fréquenter les isoloirs, comme malheureusement une grosse majorité de déçus et victimes du « élection piège à cons ». Ce slogan, plutôt qu’une expression de révolte, semble être un élément de propagande diffusé en vue de démobiliser l’électorat de gauche et rétablir de facto une sorte de suffrage censitaire.

    Quels jeunes de 16 ans iront voter ? Probablement, à quelques exceptions près, de petits mignons qui seront tout fiers d’aller déposer dans l’urne le même bulletin que papa et maman, en sortant de la messe, par exemple.

    Et le tour est joué pour récupérer de nouveaux électeurs, confortant une majorité malgré tout illégitime, ne reflétant pas les opinons d’un corps électoral en déliquescence, mais qui gardera le pouvoir par défaut.

  4. Laure Garralaga Lataste

    Je partage complètement !
    À Philippe : c’est mignon les castors ! Et que dit-on d’eux ? Qu’ils travaillent avec leur queue…

  5. Christian Coulais

    Comme en Belgique, un droit de vote obligatoire ! C’est un devoir qui doit être usité.
    Le contrôle technique l’est bien obligatoire pour la wouature, alors pour un meilleur contrôle de notre monarchie républicaine…
    Puis-je vous proposer la lecture de cette réflexion.
    « Mais pourquoi l’autorité des paroles institutionnelles est-elle à terre ? C’est la question à laquelle les paroles institutionnelles ont le moins envie de répondre….(….)…Pourquoi les paroles institutionnelles s’effondrent-elles ? Parce que, dans le temps même où elles présidaient au délabrement de la société, elles auront, chacune dans leur genre, ou trop menti, ou trop couvert, ou trop laissé passer, ou trop regardé ailleurs, ou trop léché, que ça s’est trop vu, et qu’à un moment, ça se paye.  » Frédéric Lordon
    https://blog.mondediplo.net/paniques-anticomplotistes

  6. GRENE CHRISTIAN

    Moi, je suis pour l’IGV (Interdiction Générale de Vote). Je n’ai jamais voté avant l’an 2000, et je m’en portais bien quand je vois tout ce qui a été rapporté à l’Elysée et même dans les Assemblées depuis. Alors le vote, à 16 ou à 96 ans, peu me chaut (du verbe chaloir qu’on ne connaît pas plus en CES qu’en EHPAD). De toute façon, l’électeur glisse son bulletin dans l’urne avec la main et vote avec… ses pieds. Pas d’sa faute! Comme dit JMD, l’élection doit être avant tout une question d’éducation. Et basta!
    Ni Dieu ni maître, sauf d’école. Quitte à prendre le Ferry, plutôt Jules que Luc même s’il faut se rappeler le bon temps des colonies qui n’étaient pas… de vacances celles-là.

    1. J.J.

      (du verbe chaloir qu’on ne connaît pas plus en CES qu’en EHPAD). Verbe défectif !
      Mais si, mais si, on connaît. Il y eut même, il y a fort longtemps un chroniqueur d’un canard local qui usait et abusait tant de cette formule qu’il était connu sous le nom de « père Penouchaut. »

      Les journalistes sont parfois féroces entre eux, après guerre il y avait une journaliste Geneviève Taboui qui parlait sans cesse de son oncle Cambon(ancien diplomate je crois), si bien que ses collègues l’appelaient Geneviève Cambouis…

      À Philippe : c’est mignon les castors ! Il existait une association au moment de la Reconstruction, regroupant des personnes qui s’entraidaient pour bâtir collectivement leur maison. Il existe à Angoulême une cité des Castors.
      De mauvaises langues prétendaient, en parlant de notre médecin scolaire, père d’une famille très nombreuse, qui avait fait bâtir une maison que c’était un castor.

      1. Philippe Labansat

        Remarquable, le mouvement des Castors. Il y a plein d’enseignements à en tirer en matière d’initiative citoyenne, collective et solidairr. Je crois bien que Jean-Marie a déjà fait une chronique dessus.
        À Libourne, il y a au moins 3 ensembles de Castors.

  7. Puyo Martine

    Bonjour,
    rien à rajouter mais à enfoncer le clou « RENDRE LE VOTE OBLIGATOIRE »

    1. Philippe Labansat

      Le vote obligatoire ? Raison de plus pour ne pas y aller.
      Ne pas confondre le combat pour la dèmocratie et le droit de vote.
      Les Ivoiriens ont voté il y a peu, comme les Biélorusses, pour quel résultat ?
      La démocratie a-t-elle triomphé pour autant ?…

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