La plage…un rêve que bien des vacanciers ont en tête pour cet été. Parmi les multiples annonces sur les plateaux du grand n’importe quoi, il a été question du rôle positif contre le Coronavirus que pouvaient jouer l’eau et l’air salés. Il paraît selon l’un des spécialistes, que les bains de mer auraient des effets efficaces pour enrayer la pandémie. Toutes les statistiques d’affluence estivale le prouvent : cette possibilité a été prise au sérieux par bon nombre de touristes. Choupinet a donc regagné le Fort de Guingasson dévolu aux ablutions méditerranéennes des gens qui comptent.
Arrivé avec un moral requinqué par une évaluation de fin d’année scolaire extrêmement positive depuis qu’Édouard, sont pote de trois ans, a quitté les affaires il a jeté aux orties le cahier de ses devoirs de vacances. Lézarder sur les vieilles pierres de la demeure officielle ; se prélasser au bord de la récente piscine installée dans la cour intérieure ; bronzer sur le banc de sable privé et se mettre au régime minceur décidé par la diététicienne officielle ; honorer de sa présence une messe dominicale villageoise ; recevoir quelques potes plus ou moins officiels ; offrir un week-end aux petites-enfants de dame gouvernante: on reste sur le programme habituel des hôtes du Fort !
Choupinet souhaite savourer cette parenthèse dans l’agitation ambiante. Lorsqu’il a demandé à se rendre sur la plage, les surveillants des baignades le lui ont interdits. Pas question qu’il se montre en slip ou en short, en plein jour, hors de murs de la forteresse. Où s’il le faisait se serait à l’insu de leurs consignes de sécurité ou pour Paris Match! Une idée germa dans son esprit : il s’offrirait un bain minuit!
Camouflé dans un peignoir, porteur d’un masque avec tuba adapté aux circonstances aquatiques, muni d’une serviette camouflage emprunté à l’armée française, le vacancier en « petite tenue » a tenté d’échapper à la vigilance des préposés à sa sécurité au creux de la nuit.
Il avair repéré un sentier abrupt conduisant à quelques mètres carrés de sable fin au milieu des rochers situés en contre-bas de la citadelle. Une descente dans la pénombre. Au loin les lumières des bateaux de guerre mouillés à belle distance pour éviter toute intrusion venue de la Méditerranée, lui servent de repères.
Un parfum d’aventure flotte dans la nuit car le défi est de taille. Enfreindre les règles a toujours excité Choupinet. Il lui a fallu d’abord sortir de la chambre qui lui est affectée derrière les murailles. Heureusement la Gouvernante épuisée par l’accompagnement de sa petite famille, était plongée dans un sommeil profond que l’air marin avait renforcé.
Tel Arsène Lupin ou Robin des Bois, l’adepte du bain de minuit, se faufila entre les plantes grasses et les lavandes. Un parcours jalonné d’obstacles naturels abordés parfois à tâtons finit par conduire l’évadé de Guingasson, au bord d’une Méditerranée aux îles d’or ensoleillées, aux rivages sans nuages, au ciel enchanté… Il enleva son seul vêtement noir et dans un geste totalement libérateur se plongea dans l’onde paisible de la crique secrète.
Choupinet satisfait de cette victoire morale se lança dans quelques brasses vers le large. Il rajeunit, se revoyant sur la plage du Touquet, dans une eau très chaude à 15 degrés, nageant insouciant vers son destin. A peine le temps de savourer cette mer si douce, si calme et de s ‘envelopper de sa chaleur réelle qu’une lumière aveuglante surgit des flots.
Une lampe torche énorme braquée sur lui l’empêcha d’identifier ces formes humaines bardées de tuyaux en tous genres. Ces nageurs sortis de nulle part lui faisaient des signes sans équivoque en désignant la rive ! Il obtempèread’autant plus que deux armes étaient pointées sur lui.
Dès qu’il eut posé un pied sur le sable, Choupinet subit un placage ventral musclé. Face contre terre il étouffait, implorant qu’on le libère. L’une des hommes grenouilles finit pas enlever son masque, se pencha sur lui et lâcha un sonore : « Putain c’est vous Monsieur le Président ! Excusez-nous ! Excusez-vous ! On savait pas ! On ne savait pas !»
Le comparse enlèva sa prise permettant au malheureux baigneur de minuit de reprendre son souffle et ses esprits ! « Aidez-moi à me relever ! murmura Choupinet. Ce n’est pas de votre faute mais de la mienne. Passez moi mon peignoir. Baissez cette torche ! Eteignez-la immédiatement ! Cachez moi !» Les « gardiens palmés » s’exécutèrent. Leur talkie-walkie s’énervait : « Canard laqué ici Isidore ? Où êtes vous ! Canard laqué ici Isidore… où êtes vous ? Canard laqué répondez !
-Isidore, ici canard laqué. Nous sommes sur zone, plage privée de Guingasson ! Avons trouvé ablette royale… Tout va bien… RAS… je répète… tout va bien RAS… Je vous rappelle ! » expliqua d’une voix tendue l’un des protagonistes de cette arrestation peu commune.
« Pas un mot… secret défense absolu… Attention ! Secret absolu » demanda le fugueur en pointant son doigt. Interdiction de faire remonter cette histoire ! Vous ne m’avez jamais vu. Jamais vu ! Vous avez bien compris : jamais vu ! » et il pris sans son masque le chemin du retour… laissant ses gardiens sous le choc. Tous deux mirent du tem^s à reprendre leurs esprits, regardant Choupinet escalader le sentier en s’accrochant aux rochers pour revenir vers l’esplanade du Fort. Ils restèrent quelques minutes abasourdis avant de se remettre à l’eau.
Le lendemain matin sans que personne comprenne vraiment pourquoi on entendit au téléphone Choupinet exiger : « …Et le placage ventral… tu donnes l’ordre immédiat qu’on l’abandonne ! » A qui parlait-il ? Quel rapport avec les vacances ?
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; honorer de sa présence une messe dominicale villageoise ;
Ça relève de la fiction pour pimenter un récit qui tient en haleine, ou c’est authentique ?
Je croyais (naïvement ) que depuis le règne du Grand Jacquot et madame Piècesjaunes, ça ne se faisait plus.
Ablette royale m’a fait beaucoup rire !!!