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La médecine a des sautes de tension inquiétantes

Il fut une époque où, pour de multiples raisons strictement économiques (dépenses de sécurité sociale, revenus à protéger pour les médecins en activité, il fut décidé d’instituer une numerus clausus pour certaines professions médicales ou paramédicales. Cette réglementation des admissions en seconde année de médecine a singulièrement pesé sur la couverture du territoire compte-tenu des départs en retraite annoncés et un changement accéléré de l’exercice du métier. En fait on a assisté à une tentative de régulation qui s’est révélée peu efficace. Ainsi on s’est vite rendu compte que la modulation rendait aléatoire les nombres figés chaque année. Il y avait des périodes de baisse et d’autres en hausse ce qui modifie l’efficacité globale du système. Celles et ceux qui ont réussi à franchir l’obstacle (des milliers d’étudiants recalés avec une, deux voire trois années non valorisables) n’ont ensuite aucun engagement à rester sur les lieux de leurs études.
Sous l’influence des lobbies très puissants des acteurs du milieu médical, on en arrive parfois à créer artificiellement des situations de pénurie dans certaines spécialités. Les malades sont alors prisonniers de longues attentes et donc plus facilement prêts à accepter des dépassements d’honoraires pour être soignés dans des délais acceptables. A l’arrivée de multiples « recalés » du numérus clausus partent dans des facultés européennes prêtes à les accueillir moyennant finances pour leur délivrer le diplôme que la France leur refuse. Au hit-parade on trouve la Belgique francophone, la Roumanie (accessible en langue), l’Australie ou même la Hongrie… Ils reviennent ensuite au pays pour exercer par équivalence.
Les difficultés constatées conduisent à évoquer, de plus en plus souvent, la création des « déserts médicaux », c’est à dire des espaces géographiques (pas nécessairement en milieu rural) où le nombre des médecins en activité pour 100 000 habitants est faible. Il faut constater que globalement il n’y a pas de baisse de nombre de docteurs mais une répartition totalement disproportionnée. Quand la moyenne nationale tourne autour de 300 toubibs pour 100 000 habitants on est à près de 800 à Paris et moins de 200 dans bien des départements ruraux. Alors un nouveau phénomène se profile : l’arrivée salutaire dans certaines secteurs ruraux de médecins étrangers et plus encore dans les hopitaux. Certains de ces établissements seraient d’ailleurs dans l’impossibilité de fonctionners ans cet apport extérieur.
Ainsi au 1er janvier 2017, la France comptait 26 805 médecins titulaires d’un diplôme obtenu à l’étranger, parmi lesquels 22 619 exerçaient de façon régulière, soit 11,8 % du total des médecins en activité, en hausse de 7,8 points par rapport à 2007. C’est le constat dressé par le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) dans une étude publiée à la veille de la présentation par le gouvernement d’un nouveau plan de lutte contre les déserts médicaux. Le nombre des médecins avec un diplôme européen ou extra-européen inscrit au tableau de l’ordre a quasiment été multiplié par deux (+ 90 %) entre 2007 et 2017 et devrait atteindre les 30 000 en 2020. Et pendant ce temps on serre de manière extrêmement sévère l’accès aux professions. La montée en puissance des médecins diplômés en Roumanie qui sont aujourd’hui 4 254, prend une dimension particulière en plaçant ce pays en première position des apports extérieurs. Ce nombre a été multiplié par sept (+ 659 %) depuis 2007, date de l’entrée du pays dans l’Union européenne. Ils devraient être 4 711 en 2020, soit un effectif proche de ceux diplômés en Algérie (4 812), dont le nombre a cru de 56 % en dix ans. Aujourd’hui, la Roumanie connaît une vraie fuite des médecins due à des propositions salariales « catastrophiques » pour leurs diplômés.
Le paradoxe c’est que l’Ordre se réjouit de ces arrivées puisque ces nouveaux « collègues » acceptent de postes difficiles (urgences, zones ingrates, postes salariés parfois d’infirmiers ou d’infirmières pour pouvoir travailler!) non pourvus Le conseil départemental de la Gironde peine par exemple à trouver des médecins du travail ou d’autres pour les secteurs de la protection maternelle et infantile. La prévention est aussi un secteur abandonné. Le « numérus clausus » continue et il est vécu comme une véritable absurdité puisqu’il ne règle pas le vrai problème de l’égalité d’accès au système de santé sur le territoire national. Cette situation qui tourne à l’imbroglio reflète le corporatisme parcellisé occupant l’espace social français depuis une trentaine d’années et qui n’a fait que s’accentuer. Le libéralisme là-aussi montre ses limites sans véritable concurrence d’un système public peu rémunérateur et embryonnaire.

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Cette publication a un commentaire

  1. J.J.

    Même le secteur médical a besoin de ses esclaves. Alors autant les recruter à l’étranger, et rester dans l’entre-soi des nantis de la profession et ne pas partager les privilèges.

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