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Une loi n'est parfois qu'une coquille vide pour l'Etat

Il faut savoir que dans de multiples domaines de la vie sociale, l’Etat garant de la légalité, de l’équité et de la loyauté des décisions prises en matière d’action publique de permet un non respect de ses engagements. J’ai maints exemples dans lesquels il faut déférer l’Etat républicain devant sa propre justice pour tenter de lui faire respecter ses engagements. Par exemple dans le secteur du Handicap où malgré les textes constitutifs signés pour le fonctionnement des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) les services concernées se désengagent du financement obligatoire des postes d’employés unilatéralement avec à la clé des injonctions du genre : « c’est ainsi ou vous n’aurez rien ! ». Les lois ? Les décrets d’application ? Les conventions signées ? Des « trucs » sans aucune valeur sauf si le juge administratif accepte de les appliquer. Et encore après des appels permettant d’allonger les sommes dues dans l’attente de fonds improbables venant de Paris ou pris ailleurs au détriment d’autres politiques. La grande spécialité française c’est de créer, d’entasser, de superposer des textes mais sans se soucier de leurs modalités d’application et plus encore de garantir leur financement ! On annonce et on voit après. Très longtemps après. Exemple !
Ainsi dans un arrêt du 24 février 2016, le Conseil d’Etat condamne… l’Etat pour n’avoir pas mis en place le fonds départemental de compensation du handicap, pourtant prévu par l’article 64 de la loi Handicap du 11 février… 2005 (sic). Plus précisément, saisi par l’Association nationale pour l’intégration des personnes handicapées mentales (Anphim), le Conseil annule « la décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé de prendre le décret d’application prévu au deuxième alinéa de l’article L.146-5 du code de l’action sociale et des familles ».
Le Conseil enjoint, par la même occasion, au Premier ministre de prendre le décret d’application dans un délai de neuf mois à compter de la notification de décision, sous astreinte de cent euros par jour (sic). Un comble ! On aura donc attendu 11 ans pour qu’enfin on tente d’obliger un Premier Ministre qui n’est plus le même daigne publier avant la fin 2016 un texte que les MDPH appliquent seules grâce aux budgets départementaux. Et aussitôt avait été utilisée l’astuce de la « circulaire » ce qui échappe évidemment aux citoyen(ne)s concernés.
L’article L.146-5 du Code de l’Action sociale et des Familles prévoit en effet que « chaque maison départementale des personnes handicapées gère un fonds départemental de compensation du handicap chargé d’accorder des aides financières destinées à permettre aux personnes handicapées de faire face aux frais de compensation restant à leur charge, après déduction de la prestation de compensation ». Sur un modèle qui n’est pas sans rappeler celui du fonds de solidarité logement (FSL), le département, l’Etat, les autres collectivités territoriales, les organismes d’assurance maladie , les caisses d’allocations familiales, les organismes mutualistes et toutes les autres personnes morales concernées peuvent contribuer au financement du fonds, devenant ainsi membres de son comité de gestion.
En pratique, le fonds devait contribuer à soulager les personnes handicapées et leur famille de tout ou partie du reste à charge sur des dépenses lourdes. Or il a été mis en œuvre depuis belle lurette mais sans l’Etat et il meurt car les caisses d’Allocations familiales, les organismes d’assurance maladie (80 % de baisse de la contribution en Gironde décidée unilatéralement) ont quasiment fait disparaître au fil des ans leurs contributions laissant le Département alimenter seul le fonds… et donc en cette période très difficile sur le plan des ressources publiques le restreindre à son tour.
Au-delà de ce qui peut paraître complexe mais qui relève des actes concrets de solidarité pour des personnes vulnérables et donc qui est essentiel pour elles il faut noter que une loi n’a absolument aucune valeur si derrière elle n’est pas suivie de décrets définissant les modalités de son application. Or l’astuce consiste à faire traîner les délais de rédaction et de publication, à les rédiger de la manière la plus restrictive possible ou la plus vague possible de telle manière que la volonté politique exprimée soit noyée ou muselée par Bercy.
Quand un texte voté par le Parlement gêne les hauts-fonctionnaires décideurs ils se contentent de pondre une circulaire, texte qui définit la manière dont les autres fonctionnaires de la pyramide doivent interpréter la loi. Cette production strictement administrative n’a pas de valeur hors des services de l’Etat mais elle leur permet de se réfugier derrière des ordres et donc de ne rien « faire » ou de « faire » à leur manière.
Dans le cas de la compensation solidaire pour le handicap le fonds a bien fait l’objet d’une circulaire du 19 mai 2006 – demandant notamment au préfet de veiller à ce que le fonds soit en place avant le 30 juin de la même année -, mais le décret d’application n’est jamais paru. Faute de texte réglementaire, la situation est donc très variable d’un département à l’autre, ce qui interdit, de fait, toute équité de traitement pour des personnes se trouvant dans une même situation. Reste néanmoins à en connaître les conséquences budgétaires, à un moment où les finances des départements – qui en seraient de fait les principaux contributeurs – sont au plus mal. Mais pour l’Etat républicain porté par une démocratie représentative prétendant le contrôler et le diriger ce n’est pas grave… On laisse la justice traiter ce qui relève du pouvoir politique !
Ce sont de toutes anières les élus locaux qui sont en première ligne en ce moment et qui vont payer cher, très cher, les errements de technocrates qui dans le fond continuent à faire ce que bon leur semble sans aucun respect eux-aussi des engagements pris. Mais eux ne sont jamais à la une des médias pour les augmentations d’impôts !

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Cet article a 3 commentaires

  1. faconjf

    Bjr,
    si je prends un peu de recul je peux constater à travers le rapport du Sénat que le taux de mise en application des lois est en progrès. Ainsi, pour les lois promulguées durant l’année parlementaire 2012-2013, le taux d’application des lois s’élève à 90 % (si on compte en nombre de lois) ou à environ 64 % (si on compte en nombre de mesures), pourcentages calculés à partir de la base statistique du Sénat et qui recoupent parfaitement ceux calculés par les services du Gouvernement.
    http://www.senat.fr/rap/r13-623/r13-623_mono.html
    Le Sénat constate « Toute polémique mise à part, ces résultats sont sans commune mesure avec ceux observés depuis 2004 où le taux moyen de mise en application des lois (décompte par mesure) tournait d’une année sur l’autre aux alentours de 20 % à 30 % » .
    Consulter le tableau récapitulatif dans le rapport Évolution décennale du taux d’application des lois (en nombre de mesures). Entre 2003 et 2010 le taux oscille entre 14 et 32%. … ET oui entre une loi sur 8 et une sur 3 qui était appliquée sous Chirac. Alors, pourquoi s’étonner que les électeurs se détournent des gesticulations des hommes politiques. La commission ne dit pas autre chose: « Faire en sorte que les lois s’appliquent n’est pas seulement une démarche de bon sens, c’est aussi une exigence de démocratie en même temps qu’un gage de crédibilité de l’activité législative du Parlement, autant qu’un élément indispensable à la sécurité juridique. »

    Plus j’y réfléchi et plus je me dis que notre forme de démocratie est viciée sur le fond. Les électeurs se battent, enfin ceux qui vont aux urnes, pour choisir NOS MAÎTRES alors qu’il faudrait se battre pour imposer NOS LOIS!!!
    Faudra-t-il jeter la constitution de la Vème république et en construire une nouvelle???
    Je crains fort d’être dans le camp extrêmement minoritaire de ceux qui pensent cela.
    Salutations républicaines

  2. François

    Bonjour !
    – Concernant les lois et leurs applications, il faut rappeler au lecteur que certaines d’entre elles se sont endormies sous une bonne couche de poussière antèrieurement à la » grande année » 1947 ( n’est-ce pas J-M ? ) et dorment toujours dans l’attente de leur … décret d’application ! ! ! Je crois que, depuis cette époque, beaucoup de Premiers Ministres sont passés et, même pour certains, ne seront plus poursuivis pour passivité !
    – Concernant la participation de ta complémentaire santé au  » paga païsan » de tous les téléthons, banque alimentaire, campagneS anti -tout, CMU, aides pour les veufs et veuves, achats de contraceptifs ou autres pastilles bleues etc, etc … , toi, J-M, grand argentier départemental et amateur de chiffres et pourcentages, pourrais-tu révéler à nos pauvres yeux le pourcentage restant pour le complément hospitalisation et santé de tes chers lecteurs … cotisants ?
    Cordialement.

  3. C. Coulais

    Une et indivisible ? « Faute de texte réglementaire, la situation est donc très variable d’un département à l’autre, ce qui interdit, de fait, toute équité de traitement pour des personnes se trouvant dans une même situation. »
    Prévoir dans la 6ème République de promulguer une loi avec ses décrets d’application rédigés préalablement*.
    Nos énarques devraient moins en sortir de leur chapeau mais complètes !
    *Quant j’achète un meuble en kit, ou un médicament, j’ai toujours le mode d’emploi !

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