La victoire de Syriza va susciter des heures de commentaires sur les chaînes de télés perroquets, des interventions dithyrambiques sur les ondes matinales des radios qui comptent, un flot de posts enthousiastes sur les réseaux sociaux et beaucoup tenteront d’en tirer des leçons favorables à leurs… intérêts. Encore une fois dans ce tsunami médiatique il faut conserver la tête froide et tenter d’analyser la situation avant de se précipiter dans le maelström de l’opinion dominante. Samedi matin lors d’une rencontre autour des cantonales j’ai rencontré un militant franco-grec qui bien évidemment m’a testé sur mes positions vis à vis de Syriza et de sa victoire potentielle. Je lui ai immédiatement avoué que je souhaitais en tant qu’homme de gauche que Syriza obtienne la majorité absolue car « nous aurons enfin une opportunité de poser le véritable problème de la politique européenne actuelle ». J’ai ajouté « que pour le peuple grec par contre il sera difficile de mesurer rapidement les effets d’une arrivée au pouvoir de Syriza car les marges de manœuvre sont extrêmement réduites en raison des politiques antérieures verrouillées ». Dans l’euphorie ambiante je maintiens cette position reposant sur 5 constats simples qui vont être occultés dans les prochaines semaines car on va s’efforcer de démontrer qu’une effet domino est applicable en France !
Victoire de la citoyenneté.- A l’instar de Jean-Luc Mélenchon je pense que ce scrutin est historique. Pour ma part il ressemble à celui du référendum en France sur le Traité constitutionnel européen du 29 mai 2005 qui avait vu le « non » à l’Europe du profit l’emporter avec près de 55 % des voix. La campagne avait été citoyenne, enthousiaste, mobilisatrice contre une UE lointaine, peu sociale et surtout hégémonique sur le plan financier en raison de la carence de la politique dans sa gestion. Les Grecs viennent de confirmer que les partisans du refus de cette Europe dont j’étais avaient eu raison ! « Ce n’est pas de l’ordre du gadget ce qui vient de se passer », a poursuivi Mélenchon pour qui la victoire de Syriza « est une lame de fond ». Ce succès montre aussi qu’on « peut changer complètement la donne par la voie démocratique, par la voie pacifique, en passant par le bulletin de vote ». Pourvu que ce message soit retenu par les Françaises et les Français ! Les Grecs ont en effet donné une leçon de citoyenneté en comprenant que c’était eux qui avaient les clés du pouvoir et pas les médias ! Ils ont déjoué toutes les pressions pour affirmer leur souveraineté et leur volonté de se battre contre la dictature des marchés financiers.
Une solidarité née à la base.- Syrisa n’a jamais été « un » parti (contrairement à ce que l’on va ressasser) mais une coalition de citoyennes et de citoyens émancipés de leurs partis. Sa force vient de sa diversité autour d’une pacte social, citoyen et durable fondé d’abord sur des accords locaux devenus peu à peu globaux. Dans une France centralisée ou tout ce qui part de la base n’arrive jamais au sommet car c’est un danger pour les gens en place on a encore des décennies de travail avant de faire progresser une approche similaire de la politique. Tout est cloisonné, évalué en terme de rapports de forces, crispé et surtout dénué de toute confiance réciproque. On continue à clamer « unité », « unité » mais à ne jamais vouloir accepter les concessions qui permettent de la faire naître.
Le succès de Syrisa vient de cette nécessité absolue qui a conduit des militants de tous les horizons de se serrer les coudes avec un objectif commun : lutter contre la main mise de fait des structures extra-nationales sur le pouvoir. Un but, une stratégie, un leader et un accord en une dizaine de points… rien ne permet d’espérer qu’ailleurs en Europe ce soit possible! « En France, c’est possible aussi. Toutes les forces anti austérité de gauche et écologiste doivent se rassembler pour construire une alternative politique sociale et écologique dans notre pays » explique Paul Laurent du PCF… Ecoutez bien la suite cette semaine le beau refrain et regardez sur le terrain pour les « petites » départementales !
Une communication venue de loin.- Pour convaincre le peuple grec les stratèges de Syrisa se sont fortement inspirés des faits historiques venus d’Amérique du Sud. «L’espoir est en marche était le slogan de campagne de Syriza et il s’inspire de celui d’une élection qui a changé la face d’un pays: «La alegria ya viene», choisi par les opposants à Pinochet pour faire campagne lors du référendum qui marqua la fin de la dictature au Chili, en 1988. Un slogan positif qui parle pas de misères et de souffrances mais d’espoir, d’avenir, de futur…une vraie leçon pour le gouvernement actuel ! Les gens veulent de l’idéal, de l’utopie, du rêve de lendemains qui chantent. Syrisa les leur a promis !
Attention à l’échec- Les Grecs ont ouvert une brèche dans l’opinion dominante européenne sur l’austérité et surtout sur le diktat des financiers : c’est une bataille importante de gagnée mais c’est une extraordinaire responsabilité vis à vis de toute l’UE. S’ils échouent dans leur tentative de briser la chape de plomb de la dette ils coulent définitivement les espoirs mis dans la gauche. Or en France si cette lumière disparaît il y a fort à craindre que nous plongions dans l’obscurité brune lepéniste. Pou moi c’est la seule priorité qui incombe actuellement à une citoyenne ou un citoyen digne de ce nom. « L’aube dorée » parti néonazi grec est au niveau du FN chez nous. On devrait le méditer car Hitler est arrivé au pouvoir par le vote et la défaillance des partis de gauche au pouvoir !
5.- Positionnement assez simpliste. -«Démocratie contre dictature», mais aussi «peuple» contre «caste», sont parfois le seules bases des discours politiques de Syriza ou de Podemos en Espagne. Le leader de la coalition espagnole dans son dernier livre, dénonce simplement le «Parti de Wall Street», auquel il rattache un PSOE en plein effort de «rénovation cosmétique» car fondamentalement aligné sur la «social-démocratie européenne pro-Grande Coalition», laquelle rassemble le SPD, le New Labour, «le Parti socialiste français, qui fait la même politique que Sarkozy», le Pasok et les Démocrates italiens de Matteo Renzi, «qui pactisent avec Berlusconi». Les sociaux-démocrates pro-Grande Coalition œuvrent pour une «Europe allemande» et pour la «caste». Il faut attendre le reste car on a déjà entendu de tels propos dans d’autres bouches ! D’ailleurs Iglésias écrit : « Gagner les élections n’est pas gagner le pouvoir»…
Vous l’aurez compris je continue à penser qu’une lueur se lève à l’Est mais… le soleil n’est pas encore assuré !
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J’espère que la lettre Z* ne fera pas partie de la redistribution des cartes. Avec une administration vérolée par la corruption, des lobbys internationaux industriels et bancaires puissants ! En 2015, je suis optimo-pessimiste.
*roman de Vassilis Vassilikos
Oui, nous sommes heureux mais inquiets.
Il est évident que toutes les forces conservatrices et pro capitalistes vont s’unir pour faire échouer cette coalition qui risque fort de leur faire de l’ombre, et voler au peuple sa victoire, comme pour le référendum de 2005.
L’Allemagne qui a décidément la mémoire courte (1963 !) va plaider pour que l’on n’accorde aucune grâce à la terre natale de notre civilisation.
Et pendant ce temps en France, les représentants du peuple sont priés de voter une loi rétrograde et anti sociale avec l’approbation coupable du pouvoir.