"H.L.M." : on en a besoin mais peu de monde en veut !

Dans la longue liste des sigles que compte le langage moderne il en est un qui a perdu tout son lustre d’antan. Dans les années 70 quand on obtenait une « H.L.M. » c’était la joie et peu importait le quartier dans lequel elle se trouvait. J’ai ainsi aimé apprendre avec mon épouse en 1970 que j’avais obtenu un logement neuf HLM au 4° étage sans ascenseur dans la ZUP de la banlieue bordelaise ! Mieux le confort, la modernité, le montant du loyer de cet appartement faisaient des envieux autour de nous. Une « Habitation à Loyer Modéré » n’avait rien de dégradant, de péjoratif, de stigmatisant. Bien au contraire ! Désormais la construction dans certaines villes ou communes de « logements à caractère social » provoque des remous, des pétitions, des contestations administratives. On manifeste, on vote contre les équipes munciipales qui osent en imposer, on haït les HLM !
« On me regarde d’un mauvais œil m’expliquait lors d’une inauguration hier d’un petit groupe d’une douzaine de logements dans un bourg modeste du Créonnais, une dame d’un certain âge. J’étais devenue sûrement un cas social puisque j’avais été choisie pour un T3 HLM. Lentement ça se dissipe mais il y a encore des regards suspicieux  » C’est ça la réalité. « Tu as raison ajoutait l’ancien Maire ayant imposé ce programme dans le cadre de la restructuration du centre de son village avec le Conseil général, quand tu dis qu’il faut de la pugnacité pour surmonter toutes les difficultés et toutes les oppositions pour ce type de projet. Pour une réalisation de ce type il faut un mandat et encore… ! ».Or le cap de 150.000 logements sociaux produits par an a été fixé par le gouvernement, dont 120.000 par les organismes HLM et 30.000 par les sociétés d’économie mixte, l’État et les collectivités locales. Pour l’instant, on en est loin : 95.000 logements sociaux ont été mis en chantier en 2013. Par ailleurs, la croissance nette du parc HLM a été de 61.000 logements en 2013, selon l’Union sociale pour l’habitat (USH). C’est nettement insuffisant et quel que soit le ministre ou les décideurs on oublie qu’il est indispensable pour atteindre cet objectif de trouver des élus volontaires et convaincus pour assumer l’accueil de ce type d’habitat !
La file d’attente officielle pour obtenir un logement conventionné atteint 1,7 million de demandeurs, dont 1,2 million qui ne sont pas logés dans le parc social. Sans une nouvelle offre fournie, cette file d’attente risque de s’agrandir puisque plus de 96 % des 5,2 millions de logements sociaux existants sont occupés. Le taux annuel moyen de rotation des locataires du parc HLM atteint ainsi tout juste 10% (contre près de 18% dans le privé). C’est maintenant un problème : la crise fige les familles dans ce type de logement dont elles sortaient davantage dans le passé en accédant à la propriété. Plus possible financièrement et surtout moralement en raison des difficultés financières indiscutables depuis le début de la crise. Sur Créon (260 logements dits sociaux) la « rotation se limite à 2 ou 3 opportunités par an depuis une décennie…Et encore les bonnes années !
Dans le cas de Cénac le conseil général a apporté plus de 100 000 € sur une opération à 500 000 € et il a cautionné les emprunts auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations. Avec des loyers mensuels des T2 à 315 € et des T4 à 500 € maximum les appartements et la maison individuelles se sont arrachés. Des dames de 88 et 86 ans côtoient une personne à mobilité réduite, une famille, des jeunes couples sans enfants dans une mixité sociale rassurante. Personne ne se plaint de personne et au contraire le dialogue commence à se mettre en place. N’empêche que la présence de « logements sociaux » dans une commune n’ayant aucune obligation d’en faire a déjà fait des heureux : les enseignants et les parents de l’école publique qui ont sauvé une classe menacée grâce aux nouveaux arrivants !
La vraie question reste de savoir si le logement dit « social » est véritablement « social » car le souci de rentabilité des organismes constructeurs dans un contexte de renchérissement du prix du foncier libre et du m² construit fausse parfois les « valeurs » initiales. Pour ne rien arranger, l’Etat se retire progressivement du financement des opérations. Les organismes HLM sont donc contraints d’accroître la quotité de fonds propres dans leurs programmes. Les subventions de l’État sont en effet passées en moyenne de 7% du financement d’un logement social en 2000 à seulement 1% en 2013. Alors qu’en parallèle, la part de fonds propres mobilisés a grimpé de 5% à 15%. Au global, 1,5 milliard d’euros de capitaux propres ont ainsi été mobilisés par les organismes HLM pour les constructions et les acquisitions de terrains en 2012, contre 900 millions en 2006. Et encore une fois ce sont, parfois les conseils généraux qui font la jointure via la réservation réduite mais réelle d’attribution de HLM à des publics en difficulté. Mais que va-t-il advenir du milieu non-métropolitain en 2017 quand les programmes en cours ne trouveront plus de suites !
Le revenu moyen mensuel d’un ménage du parc social est désormais de 1.840 euros, en baisse de plus de 100 euros en 30 ans. Alors que le taux d’effort (part du budget consacrée au logement) net médian est en légère hausse et atteint désormais 20%…. des revenus ! Et l’État qui se débine sur certains secteurs met la pression sur les organismes dits HLM pour s’approcher d’objectifs ambitieux sur le papier mais limités par les moyens déployés. Ces derniers auront bien du mal à y parvenir si les conseils généraux disparaissent (10 millions en Gironde d’aide à pierre en 2015 et des centaines de millions de cautions obligatoires d’emprunts ) et si les élus locaux en proie aux violentes critiques sur les « cités de cas sociaux » se cachent derrière une sanction financière préférable à la contestation ! Car au lieu de bonifier davantage les dotations des communes volontaires la loi sanctionne celles très riches qui n’en veulent pas mais qui se moquent pas mal des pénalités puisque c’est avec le consentement de leur population que les élus non respectueux de la loi, les imputent sur les impôts locaux… Encore un système scandaleux à réformer vraiment car la véritable régulation des loyers elle passe par les HLM !

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