15 août : profitez de la "grâce" matinée !

grasse-matinee-300x232Les occasions de faire la grasse matinée sont bien maigres et donc à savourer sans modération. Le 15 août en est une car une infime minorité de celles et ceux pouvant se permettre de la faire savent qu’ils doivent ce privilège à « l’assomption de Marie », c’est à dire à la croyance selon laquelle la mère de Jésus, au terme de sa vie terrestre, serait entrée directement dans la gloire du ciel, âme et corps, sans connaître la corruption physique qui suit la mort… Il est vrai que se prélasser dans son lit au nom ce principe mériterait exceptionnellement un autre nom : la « grâce matinée » mais souvent l’état au réveil ne mérite pas cette dénomination. En effet l’important est de savoir ce que l’on a fait la veille au soir et on n’est parfaois pas en état de grâce, même le 15 août !
Il serait donc inconvenant de qualifier de « grasse matinée » un nombre d’heures permettant seulement de récupérer. Une personne dans l’incapacité de mettre un pied sur le plancher de sa chambre tellement il a besoin d’oublier des frasques nocturnes inconsidérées ne saurait revendiquer ce bonheur particulier consistant à rester volontairement dans son lit. Il ne peut y avoir du vrai plaisir à traînasser quand le motif de la somnolence est strictement utilitaire. Avoir peur de quitter sa couche pour ne pas affronter la lumière du soleil ou le tangage sur un sol pourtant d’ordinaire stable n’entre pas dans la catégorie des petites satisfactions du 15 août. Il ne saurait y avoir vraiment de « grasse matinée » sans une véritable conscience de ce que l’on fait.
Vaincre le temps et selon un principe mitterrandien célèbre savoir donner du temps au temps c’est véritablement la clé de la réussite des vacances estivales.
Abolir les obligations liées à l’influence des autres sur sa vie, refuser la dictature des horaires, se moquer éperdument du cadran de l’horloge, vaincre sa peur d’être jugé comme un paresseux sont des notions qui forgent les meilleurs moments de cette oisiveté bienfaisante. La seule vraie contrainte pour que le rendez-vous soit réussi c’est qu’il faut avoir conscience de ce que l’on fait. Pas de « grasse matinée » authentique sans justement une volonté réelle de la vivre intensément. Voler à une société productiviste, consumériste, déboussolée, affolée par la fuite de ses repères une ou deux heures de ce qu’elle considère comme « de l’argent » relève de l’exploit. Il y aurait toujours une raison pour que nous ne puissions pas rester dans la pénombre alors que durant des siècles les laborieux n’ont pu régler leur quotidien que sur l’heure du soleil !
Toute la société au nom de la morale a lutté contre les assoupis du matin. Elle a d’ailleurs inculqué la principe de la culpabilité des matinées inactives en les affublant du qualificatif de « grasses ». On ferait du « lard » en dormant un peu plus qu’à l’habitude et même selon un principe à démontrer « on dînerait en dormant ». Autant d’affirmations qui, à l’époque actuelle, peuvent peser sur le moral des obsédés de la balance matinale révélatrice du fait qu’il faille sans cesse « bouger » pour être être en bonne santé. Il faut évidemment aussi se méfier grandement de cette satanée maxime voulant que « l’avenir appartienne aux lève-tôt » car elle accentue le doute que l’on peut avoir sur la qualité des feignasses préférant rester sous la couette. Si par hasard cette accusation venait à surgir au lever il est aisé de répondre que « la fortune vient en dormant » sans que pour autant il soit possible d’en démontrer la véracité.
Une vraie bonne « grasse matinée » un 15 août ne doit absolument pas se bouder car elle va fonder l’état d’esprit du retour aux habitudes. Comment détester un satané réveil qui vous sape le moral un lundi matin de reprise quand on a pas goûté au silence de la table de chevet ? Comment ne pas haïr la grisaille du ciel à l’ouverture de la fenêtre si on n’a pas apprécié le miel du fin rayon de soleil venant vous sortir d’un rêve ? Est-il possible de regretter ses vacances quand elles ne vous ont pas permis de transgresser toutes les règles habituelles ? Peut on se remettre sans rejet au régime sans plaisir quand on n’a pas goûté justement aux « grasses » de toutes sortes ? N’est-ce pas Shakespeare, homme du soir plus que des petites matins blêmes, qui a fait déclamer « sommeil aliment suprême de la vie » ?
Alors surtout n’hésitez pas à faire des heures supplémentaires de « grasse matinée » sans rémunération autre que celle d’avoir le sentiment d’être hors de ce monde dictatorial du temps. La liberté passe par ce choix de défier les ogres des conventions. Si vous avez manqué la « grâce » matinée dites vous qu’il ne dépend que de vous pour vous construire la vôtre et de vous retrouver en état de « grasse » mâtiné de ce bonheur exceptionnel d’être vous-même.

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Cette publication a un commentaire

  1. J.J.

    « l’assomption de Marie », c’est à dire à la croyance selon laquelle la mère de Jésus, au terme de sa vie terrestre, serait entrée directement dans la gloire du ciel, âme et corps, sans connaître la corruption physique qui suit la mort…

    Il aurait été bon, Jean Marie, en bon théologien que tu es, de préciser que le moment entre lequel cette « bonne mère » s’est endormie dans son enveloppe terrestre, et le moment où elle a pris l’ascenseur pour le ciel ( pas le 7éme selon toute vraisemblance… …) porte le joli nom de dormition.
    Voilà qui nous ramène au sommeil et devait être précisé n’est-ce pas ?

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