Encore aujourd’hui, en cette matinée estivale, sur une place de Créon sillonnée par les nouveaux aventuriers cyclistes au long cours les mêmes questions reviennent inexorablement. « Alors tu ne t’ennuies pas trop ? Ce n’est pas trop dur ? » Elles ont au moins le mérite ne plus me surprendre. Depuis que j’ai décidé de renoncer volontairement à la très grande majorité de mes fonctions électives ou associatives les bonnes âmes pensent que ma vie s’est effondrée, que je n’existe plus, que je suis au plus profond de la dépression. C’est vrai que lors des rencontres avec un certain nombre des « retraités » de la vie publique, je sens bien qu’ils ont eu une période de doute sur le bien-fondé de leur décision.
Ma réponse reste toujours la même : « Pourquoi ? J’ai changé ? Vous le voyez à quoi ? Non je ne regrette rien ! » La seule chose qui me hante c’est de savoir simplement si j’ai été à la hauteur de mon engagement au cours des 40 années passées au service de Créon dans les activités locales diverses ! Pas assez rigoureux, pas assez gestionnaire, pas assez détaché, pas assez sévère… bref l’introspection occupe beaucoup de temps et ne laisse pas de place aux regrets. N’empêche que je ne regrette rien car le « burn out » prend tout son sens en politique comme ailleurs dès que l’on a plus la flamme pour surmonter les aléas du quotidien. L’envie s’émousse et ce qui était naturel en été devient pesant. D’ailleurs au creux de ce mois de juillet 2014 les propos de Jean-Luc Mélenchon viennent me réconforter car j’ai découvert que la vie dans une cocotte minute ne constitue pas le meilleur des accomplissements personnels. La vie constante dans un univers clos sous pression et surtout ce sentiment permanent de laisser échapper quelles vapeurs de ses idées dans l’indifférence générale finit par stériliser les êtres. On a beau se dire qu’il faut beaucoup donner de soi pour se sentir heureux, la « cuisson » sous vide à ses limites !
Ce n’est pas un adieu à la politique, mais Jean-Luc Mélenchon ne veut « plus continuer comme cela ». Dans une interview, le leader du Parti de gauche annonce qu’il veut prendre du champ, sans se mettre en retrait mais en s’utilisant « autrement », explique-t-il. « A un moment, il faut s’arrêter de courir. Parce que si on court tout le temps, on va finir par se mettre dans le vide. Et là, j’ai besoin de dormir, de ne rien faire, de bayer aux corneilles », affirme-t-il. Ce n’est pas moi qui vais dire le contraire. « J’ai fait mon temps à organiser la vie d’un parti, souffle l’ancien candidat à la présidentielle. J’essaie de cristalliser quelque chose qui existe en dehors de moi. J’ai besoin de temps, je ne peux plus continuer comme cela. J’aspire à ce que le niveau de pression sur moi baisse. » Encore une fois il parle vrai car c’est l’Homme Mélenchon qui prend le pas sur l’Homo Politicus qui a espéré changer le monde et c’est ce qui malgré l’avalanche de critiques qui s’abattent sur lui, fait son charme. Ne cherchez pas autre chose que la simple réalité de cette vie vilipendée, caricaturée, haïe même par ceux qui ne regardent que la fonction et oublient trop souvent qu’elle est portée par une personne.
En été quand on met le pied à terre après avoir pédalé, grimpé, sprinté sans journée réelle de repos on a bien du mal à se remettre en selle. Désormais j’ai retrouvé en évacuant la pression bien des joies estivales que je ne pensais à jamais perdues. Rester devant le Tour de France (oui je sais ce n’est pas terrible!), prendre son temps au « Petit Nice », ranger sa cave de vins, se plonger dans ue méga grille de mots croisés et, c’est vrai jean-Luc, revenir sur ses souvenirs, sortir incognito le soir, aller manger paisiblement « bayer aux corneilles » deviennent des privilèges estivaux se répétant maintenant depuis des mois ! Avoir simplement le droit de ne pas dépendre des exigences des autres et surtout de leur être redevable de leur confiance en étant toujours disponible pour écouter et surtout tenter de les rassurer, de les soutenir…et souvent les emmener à réfléchir. Qu’il est doux de ne rien faire quand tout s’agite autour de vous !
A chaque jour qui passe je me rends compte de la vanité de vouloir aller à contre courant et se faire emporter par les vagues de l’indifférence. Et encore une fois il faut revenir aux déclarations de Jean-Luc Mélenchon : : « Madame Le Pen récite des morceaux entiers de notre programme. Leur ligne, c’est d’occuper l’espace politique de la gauche. (…) Pourquoi elle va y arriver? Parce que la société est en train de se vider de l’intérieur. Parce que la société est en train de se diriger vers le point ‘qu’ils s’en aillent tous’. Et quand le point ‘qu’ils s’en aillent tous’ est atteint, tout saute en même temps. » Ce sera sûrement pour bientôt !
Cet été sera meurtrier. C’est la seule certitude que j’ai. Mais égoïstement je vous avoue que je suis heureux de laisser le soin à la relève de se confronter avec la triste réalité. Bayer aux corneilles ! Je vous assure que c’est le plus beau programme quand on a usé toutes ses ressources pour convaincre et gaspillé son énergie à éclairer un chemin de plus en plus sombre !
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C’est bien vrai ……! une rétrospective d’une époque, d’un ensemble de convictions et d’interrogations……,
Je ne vous connais pas personnellement, bien que sympathisante de cœur (et chœur) par le biais d’un cousin qui lui, est toujours en politique dans la région… le fait de « laisser » car ce verbe laisser veut dire ou on lui fait dire bien des choses et pour moi une preuve de courage, de lucidité. Vous avez parlé de cette flamme qui avait peut-être un peu de mal à continuer de briller aussi vigoureusement que les années passées, cela venait-il d’un manque de convictions ? je ne le pense pas, vous me semblez être un homme de combat Je crois qu’il arrive un moment, dans le cours de notre vie, où la prise de recul est nécessaire, voire indispensable pour soi mais aussi pour les autres.
J’aurais encore des choses à dire, mais j’arrête là et j’espère qu’un jour j’aurai le plaisir de vous rencontrer avec ou sans C. Miqueu que j’estime beaucoup
Monique Philippe de Sauveterre de Guyenne