Y-a-t-il une matinée plus injuste que celle de Noël ? Y-a-t-il un moment plus clivant que celui qui rappelle la naissance supposée d’un enfant pauvre dans une grotte froide ? Un gosse qui est arrivé au monde sans papiers, sans avenir, sans père réel et considéré par le pouvoir en place comme un immigré clandestin ne peut pas effacer les dérives inquiétantes d’une partie de celles et ceux qui le révèrent. Désormais il n’y a d’ailleurs que peu de monde qui fait expressément référence à la religion pour ce rendez-vous du 25 décembre à l’aube.
L’américanisation de la fête a transformé les fondements de la naissance de celui qui inspire une religion en réflexes de consommation. La solidarité portée par les transmissions « historiques » n’existe plus du tout. On ne rêve des étoiles que pour aller les conquérir. Les ânes servent désormais au décor paysager des campagnes. Le bœuf est gavé d’hormones ou d’OGM et il se prend souvent pour le cheval. La paille du berceau subventionnée par la PAC n’a plus d’homologation sanitaire. Et celui qui l’occupe est un enfant conçu hors mariage… Difficile de ne pas voir une certaine modernité dans ce tableau réjouissant de la crèche façon bible éditée par la bibliothèque rose.
Ce matin pourtant on plongera dans la réalité de notre époque. Celle qui engendre des déceptions permanentes chez les nantis et des envies insatisfaites parmi les oubliés. Comment peut-on vivre cette matinée heureusement quand l’essentiel manque et quand la frustration générée par la publicité outrancière transforme le manque de moyens financiers en maladie incurable. Peu d’enfants, dans un cas ou dans l’autre seront vraiment heureux devant le sapin de Noël. Il y aura la déception de ne pas en avoir assez pour les uns ou de ne pas recevoir ce que l’envie exigeait alors que pour les autres s’il n’y a rien le désespoir sera grand et s’il y a peu on fera grise mine.
En fait dans un cas comme dans l’autre il y aura une part d’insatisfaction liée seulement à la frénésie de consommer qui s’empare de la société. On a déshabillé les livrets d’épargne, on a dépensé les salaires versés à l’avance…mais on a flambé afin de démontrer sa capacité à exister. Rien à voir avec les principes d’origine mais Coca Coca avec son bonhomme barbu a su parfaitement les adapter à ses intérêts et à ceux d’une économie avide de bons sentiments rentables.
Qui peut croire que tous les référents à cette philosophie manichéenne respectent à partir de minuit la paix, la sérénité, la fraternité. Sont-ils vraiment tous accueillants avec les Melchior, Balthazar, Gaspard surtout s’ils sont passés par l’îlot de Lampedusa ? Quels sont ceux qui dorment avec l’invention du père kalachnikov au pied de leur lit ou quels sont ceux qui la souhaitent dans leurs chaussons ? Quels enfants n’auront même pas l’eau bénite ou non dont ils ont un besoin vital ? En définitive malgré le partage qui prévaut durant cette journée elle demeure celle du paraître puisqu’elle permet d’expier toute l’indifférence durant tout le reste de l’année.
C’est l’illustration d’un monde moderne où le matérialisme efface la dimension humaine. On achète… on achète…on achète… croit-on son bonheur alors que l’on ne fait que tenter de se racheter de ce qu’on n’a pas pu ou pas su apporter le reste du temps. Noël, ses fastes, ses apparences, ses incongruités, ses déceptions ou ses réussites ne devrait être qu’un jour parmi tant d’autres afin de ne pas servir d’alibi à une Humanité qui se réfugie de manière croissante derrière les bons sentiments contredits par les faits.
Alors ce matin en vous levant, quel que soit votre situation pensez que le plus beau cadeau est dans la continuité de la sincérité de votre action. Il y a toujours un lendemain au jour de Noël et dans le fond c’est celui qui est le plus important car il démontre notre capacité à faire durer, librement, sans référence à une calendrier mercantile, le partage qui construit vraiment les enfants. Ce serait tellement bien si jour après jour on arrivait collectivement à un Noël quotidien. Le sourire au réveil, l’espoir au cœur, la satisfaction d’être avec les autres, la paix intérieure, la liberté de l’esprit et un appétit éternel pour la fraternité! Et méfiez vous si vous croisez des gars avec un bonnet rouge il n’ont rien à vois avec ces valeurs !
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