Chronique publiée sur Roue libre le 6 juin 2013 !
Hospitalisé pour la quatrième fois en six mois, Nelson Mandela, élu premier président noir de l’Afrique du Sud en 1994 serait mort. Il avait été admis aux urgences d’un hôpital de la capitale sud-africaine, alors que son état s’était subitement détérioré. Le dernier bulletin de santé, daté de samedi matin, faisait état d’une pneumonie. «Nelson Mandela s’était déjà remis plusieurs fois d’infections pulmonaires de ce type», faisait remarquer le porte-parole de la présidence. Pour éviter toute réaction de panique, il précisait que l’ancien chef de l’État respirait sans assistance médicale. « Madiba » (c’est son surnom tribal !) est un combattant et, à cet âge, aussi longtemps qu’il se battra, il ira bien», avait-il ajouté. Le vieil homme en a certes vu d’autres, mais il est certain qu’un jour sa résistance exceptionnelle aux aléas de la vie ne sera plus aussi puissante. Les dernières images de Nelson Mandela datant du 29 avril 2013 n’étaient guère rassurantes. On y découvrait un homme de 94 ans, à l’allure fragile et aux yeux dans le vague. Il est pari… sur la pointe des pieds épuisé mais pas résigné! Doté d’une farouche volonté, d’une puissance de persuasion par la résistance, d’une étrange capacité à communiquer ses engagements personnels il a gagné son combat contre la bête immonde au ventre fécond du racisme institutionnalisé.
Sa mort est tout le contraire de ce que l’on a vu antérieurement de cet homme exceptionnel. Comment ne pas penser à nos minuscules efforts individuels ou notre indifférence collective face au racisme, à la haine, à l’exclusion prônés par une part de la France politicienne, quand on sait que durant 27 ans ce bonhomme a tenu bon dans les prisons d’un régime que des françaises et des Français voudraient voir revenir chez nous ? 27 ans d’humiliations, de brimades, de silence, d’un monde préoccupé par ses équilibres économiques africains ! Si, selon un vers de Victor Hugo « ceux qui vivent sont ceux qui luttent » Madiba mérite de survivre encore longtemps, très longtemps. Jamais un seul instant il n’a failli dans son engagement politique au service de ses idées et de la politique. Contrairement à Gandhi, parti lui-aussi de cette terre d’Afrique du Sud, Mandela a fait appel à la révolte violente face à une oppression qu’il jugeait inhumaine. Pouvait-il faire autrement ?
Arrêté après dix-sept mois de clandestinité et emprisonné au fort de Johannesburg, il était pourchassé par la CIA, la même qui, quelques décennies plus tard, permettra l’assassinat de Salvador Allende. Il sera, en effet, considéré par ces organisations comme terroriste (déjà !) et communiste, quand « l’idéologie de l’apartheid s’affichait comme ligne de défense de l’Occident » (tiens donc, ça ne vous rappelle rien de notre actualité !) dépendante des minéraux et métaux sud-africains. Dassault envoyait ses avions, et nous étions en excellents termes avec les fabricants de « townships ». L’or, le platine, le chrome, le manganèse, l’uranium, l’antimoine, les diamants, et surtout l’œil d’un pouvoir fort sur le Cap de Bonne Espérance, où croisaient les pétroliers devenus géants qui passaient avant toutes les souffrances d’un peuple sous le joug d’une minorité que personne n’oserait qualifier de fasciste. Et pourtant !
Mandela fait une déclaration calme et dense lors de son procès, dont les propos pourraient être repris dans tous les manuels d’Histoire du monde : « Toute ma vie je me suis consacré à la lutte pour le peuple africain. J’ai combattu contre la domination blanche et j’ai combattu contre la domination noire. J’ai chéri l’idéal d’une société libre et démocratique dans laquelle toutes les personnes vivraient ensemble en harmonie et avec les mêmes opportunités. C’est un idéal pour lequel j’espère vivre et agir. Mais, si besoin est, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir ». Et il a tenu bon, ce qui est encore plus admirable, ne trahissant jamais sa pensée et donnant même une tournure internationale à son emprisonnement dans la terrible île de « Robben » sous le numéro de matricule 46664, où il resta dix-huit de ses vingt-sept années de prison. Rien de brisera sa volonté de voir triompher ses idées. Pas plus les travaux forcés que ses conditions de vie. Il croit en l’éducation populaire et en la culture, en créant « l’université Mandela », parlant aussi bien politique que des grands auteurs. Il utilise la poésie comme véhicule de résistance. Il finira, on le sait, par avoir raison, et même si l’Afrique du Sud ne ressemble pas à un paradis démocratique, il l’a mise au moins sur la voie ! De manière irréversible !
L’ancien prisonnier a été traité en 1988 pour une tuberculose contractée en prison. En 2011, c’est d’un cancer de la prostate qu’il est finalement guéri. À 75 ans, les médecins l’ont opéré de la cataracte. Mais ces dernières années, il était surtout victime d’infections pulmonaires à répétition. Il tient… il résiste encore et toujours. Il symbolise cette solidité incroyable des gens convaincus. Le Prix Nobel de la paix 1993 avait jusque-là toujours surmonté ses problèmes de santé. Mais comme le soulignaient ses proches, « aucun combattant n’est immortel », mais pour moi, son combat peut l’être ! Il sera certainement encore plus grand mort que vivant !
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Il est des êtres humains qui marquent les esprits, et qui sont connus de tous.
D’autres auront passé leur vie dans l’ombre, illustres inconnus, ou connus dans un cercle plus réduit que Mandela.
Tous ont pourtant en commun cette détermination sans faille qui les pousse jusqu’à risquer leur propre vie au service de leur idées.
Qu’est-ce qui différencie ces destins, les uns en gloire les autres en secret ?
J’ai quelque fois croisé des hommes ou femmes célèbres, et, dans l’intimité d’une discussion privée, rien ne les différencie de vous et moi !
J’en conclus ceci, Mandela sans ses troupes ne serait rien, et surement ses troupes sans lui aussi.
Seulement, et c’est justement là la force de cet homme, lui, il le sait !
Ce qui fait une grande différence entre Mandela et quelques uns de nos hommes politiques, qui, une fois dans la place oublient tout bonnement de saluer le portier.
Les grands hommes sont toujours ceux qui savent n’être que des hommes.
Mandela est de ceux-là.
On regrette de ne pouvoir parfois avoir la possibilité de conférer à certains hommes l’immortalité, comme on attribue un prix Nobel.
Mais que cela engendrerait de passe- droits et de magouilles ! L’humanité n’en ressortirait pas grandie.
P.S. 9 et 10 Juin 1944 : Tulle, Oradour…. Nous n’oublions pas.
Magnifique hommage à cet Homme hors du commun!
Merci à vous de nous rappeler l’héroisme de Nelson Mandela, chacun d’entre nous devrait le prendre en exemple et marcher sur ses pas, pas tout le chemin, mais juste quelques pas vers les sommets de l’âme humaine.