La complexité des événements est en totale contradiction avec les besoins affirmés par l’opinion dominante : elle veut des analyses simples même simplistes lui permettant de croire que le politique ne commet que des impairs ou des irrégularités. Elle souhaite souvent des réponses rapides et comprend mal qu’il faille du temps pour répondre à une attente. L’angoisse de l’avenir et plus encore le besoin de certitudes accentuent ce phénomène moderne. C’est ainsi que les gouvernements ne travaillent plus pour le moyen terme et encore moins pour le long terme mais simplement dans l’immédiateté forte mauvaise conseillère. La violence s’appuie toujours sur cette exaspération de ne pas avoir une solution instantanée à un phénomène parfois en lente maturation. Les technologies modernes de communication accentuent cette soif de vitesse. Un mail doit avoir un écho immédiat alors qu’un courrier permettait de laisser du temps au temps. Tout responsable face aux médias doit avoir un discours concis, concret style sms ou tweet mais il lui est impossible d’analyser, de développer des arguments, de faire une synthèse et de proposer : il faut aller vite et surtout aller dans le sens de celui qui pose les questions ! Réfléchir c’est se dérober…ne pas accepter de se précipiter c’est de plus en plus tricher et ne pas décider ! Le suspect reste celui qui explique, qui justifie, qui prend ses distances avec la facilité.
La démocratie se dilue dans l’instantanéité médiatique exploitée par les gens qui ont érigé l’approximation en méthode politique. La pédagogie citoyenne est derrière nous et rappelle trop les « instituteurs politiciens » pour revenir sur le devant de la scène. Désormais il n’y a plus de débat réel mais des positions ressemblant aux tranchées desquelles on s’invective. « Ta gueule »… « xénophobe », « fais pas ton instit… », « menteur »… L’invective permet de dissimuler la faiblesse absolue des analyses. Les casseurs on pris le pas sur les syndicalistes formateurs. Les outrances verbales remplacent le raisonnement. Les petites phrases « tweetées » tiennent lieu de pensée philosophique. La pauvreté intellectuelle s’installe transformant la politique en un théâtre de guignol simplificateur avec les « bons », les « méchants », les « voleurs » et les « gendarmes », les « moralisateurs » et les « coupables »… bref on entre dans une sorte de western permanent qui va avoir ses séries B, C ou D avec les municipales qui approchent. Tout va se jouer sur des épiphénomènes, sur des broutilles car toutes les gestions sont similaires si on les déconnecte du contexte dans lequel elles se sont déroulées. Le fond n’aura plus aucune importance car la majorité se prononcera sur la forme !
Un lycéen vient de donner une leçon a bien des adultes réputés citoyens lucides et justes. Cité par le Nouvel observateur il fait…une analyse de ce qu’il voit et entend autour de lui et il refuse la facilité de l’opinion dominante : « Je suis contre les expulsions d’élèves, mais avec Leonarda et Khatchik (un Arménien de 19 ans renvoyé dans son pays à la suite d’un viol, NDLR), on a choisi les mauvais cas pour défendre cette cause. » Il est en effet extrêmement facile dans notre société d’outrance de s’aligner sur les positions les plus médiatisées que sur une réflexion objective personnelle. L’opinion se construit quotidiennement sur des idées surgelées et du prêt à porter intellectuel bon marché. Le mal est irrémédiable. Je le redoute. Je le crains.
Les événements bretons en attestent. Casse et violence ne remplaceront jamais un dialogue constructif et surtout une vraie analyse des causes. Ainsi qu’il scandait « Hollande démission » à Quimper ou qu’il défonçait les grilles de la sous-préfecture de Morlaix les salariés en détresse manquaient leur cible. Leur usine ferme parce qu’au nom de la concurrence libre et non faussée l’Europe vient de supprimer le soutien à l’exportation de poulets congelés. La cause méritera des mois de négociations et quelle que soit les manifestations ne se réglera pas dans la facilité. Une analyse au cas par cas et de manière objective permet de vérifier qu’une large part des déboires actuels de l’économie française vient de la mise en œuvre du Traité constitutionnel européen que le peuple de France avait condamné mais qu’on lui a fait avalé de force. Avez-vous lu, entendu ou vu une étude sur ce thème là. Le problème c’est que le Parti socialiste ne s’est jamais remis de sa position « hollandaise ». Elle fracture encore le gouvernement. Il faut avoir le courage de l’admettre. La Gauche ne s’est jamais remise de cette erreur politique reposant sur une analyse superficielle de la réalité européenne.
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