"Allo?… Non… Mais… Quoi?" : L'exemple vient du Mexique ?

Je demeure persuadé que si les citoyens avaient une vraie volonté de prendre leur destin en mains la figure du monde serait changée. Le seul véritable problème, c’est qu’ils subissent sous chloroforme médiatique la métamorphose du statut acquis par les générations antérieures pour s’installer dans celui de… consommateur résigné. Les pays occidentaux, réputés évolués, sont les plus anesthésiés face aux grands groupes internationaux qui par tous les moyens les maintiennent sous leur joug économique. Tous les progrès technologiques aliènent en fait des générations, au prétexte que tout les contraint à les utiliser au mépris souvent de leur santé et de leur situation financière, ce que l’on présente comme indispensable. C’est ainsi que les villages se révoltent face à l’absence d’un pylône de téléphonie mobile ou mieux celle d’un distributeur automatique de billets. Les habitants se mobilisent pour ce qu’ils appellent à tort des « services publics », alors que ce ne sont que des « exploitations de services privés » destinés au public. Ils barrent les routes, distribuent des tracts, signent des pétitions pour pouvoir payer des prestations à des sociétés privées qui n’ont qu’un seul souci en tête : rentabilité ! Le paradoxe réside dans la démonstration faite par les élus locaux et les électeurs de l’utilité incontestable de ces présences spéculatives sur leur territoire. Ce qui peut se comprendre, car la frustration est grande de ne pouvoir téléphoner quand on n’en a pas besoin, ou de retirer des sommes en liquide pour des achats que l’on peut payer par d’autres moyens aussi onéreux. En fait, il faudrait rechercher des solutions différentes pour offrir une vraie égalité des territoires. Il faudrait pendre exemple sur certains pays où l’on sait se révolter contre le diktat des marchés.

 

C’est ainsi que, délaissé par les opérateurs téléphoniques, un petit village reculé du Mexique a mis en place son propre réseau de téléphonie mobile pour rester en contact avec le monde extérieur. Il nous donne une vraie leçon. Pourquoi est-il impossible chez nous de mettre en œuvre pareille initiative ? Perdues dans une forêt montagneuse de l’Etat d’Oaxaca, dans le sud du pays, les 2.500 âmes de Villa Talea de Castro ne représentent pas un investissement rentable pour les opérateurs comme Telcem, du groupe America Movil du milliardaire Carlos Sim, qui contrôle 70% du marché mobile mexicain. Bien évidemment, ce n’est pas chez nous que nous trouverions pareille situation. Le monde du profit ne refuse jamais de desservir des zones blanches non rentables ! Ainsi, grâce à plusieurs ONG et à des universitaires, des villageois volontaires ont fixé il y a quelques mois une antenne sur un toit et installé un équipement radio-informatique permettant de faire fonctionner le mini-Réseau cellulaire de Talea (RCT). Ils ont décidé de se débarrasser du monde du profit et ils s’en sont donné les moyens ! Le service coûte en plus la modique somme de 15 pesos (1,2 dollar) par mois, soit 13 fois moins que les tarifs habituellement pratiqués à Mexico. Et l’appel aux États-Unis, où vivent de nombreux Mexicains originaires de cette région, n’est facturé que quelques centimes par minute. C’est la réalité, et surtout la mise en lumière de la terrible exploitation de besoins non fondamentaux qui transparaît dans une démarche exemplaire.

Le réseau autogéré a été mis en place avec l’aide de Rhizomatica, un réseau d’experts américains, européens et mexicains qui milite pour une ouverture des marchés mobiles aux personnes démunies ou isolées. Ils feraient bien de venir en France, car la législation est telle que personne ne peut parvenir à en desserrer le carcan. Le débat peut être élargi à l’eau, à l’énergie et à tant d’autres secteurs. L’autogestion citoyenne associative telle que nous la pratiquons depuis des années à Créon mériterait d’être étendue et développée. Au Mexique, Rhizomatica, l’ONG locale Redes et un élu du village ont récemment appelé, dans un communiqué, le président Enrique Peña Nieto à veiller à ce que sa récente loi fédérale sur les télécommunications – qui vise à empêcher les situations monopolistiques – « casse les obstacles » empêchant le développement de ce type d’initiatives. Ils ne seront pas entendus. C’est une certitude, car une telle initiative est extrêmement dangereuse pour un système qui ne vit que sur l’indifférence et surtout sur la passivité consumériste ! Tout est trop cher… mais que fait-on pour le mettre en évidence (circuits courts de distribution ? Régies ? Autogestion réaliste ?…). Pour l’instant, le village n’a obtenu en effet qu’une autorisation de deux ans par la Commission fédérale des communications, le temps de tester son équipement. Seul hic pour l’instant pour les quelque 600 abonnés : chaque appel ne peut durer plus de cinq minutes, pour éviter la saturation du micro-réseau. Doit-on vraiment remettre en cause pour autant une telle initiative citoyenne ?

 

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Cet article a 6 commentaires

  1. david

    avec un tel système d’autogestion, on va t on ? Droit dans l’ingérence des citoyens dans ce qui les regarde, alors qu’ils devraient se résigner au joug des multinationales leurs PDG aux salaires astronomiques et aux fonds de pensions voraces et volatiles. Attention ! Le libéralisme pour en graisser quelques oligarques économiques oui, la liberté, la prise en main des citoyens ou là là danger car moins captifs !

  2. Eric Batistin

    Il faut bien du courage, ou de l’abnégation pour supporter les lois iniques qui nous mènent tous à marcher au pas, vers le cimetière.
    De plus en plus chère aussi d’ailleurs la place au cimetière.
    A ce propos, pour nous éviter la mort, puisque tout de même notre vie est plus rentable que la mise en étagère d’ossements définitivement pas consommateurs, prenons comme exemple celui du port de la ceinture de sécurité.
    Une loi nous impose donc de respecter notre vie.
    Vie privée s’il en est, car il n’a pas encore été prouvé que je sache que l’abandon de la ceinture infligeait un quelconque manquement à la Liberté d’autrui.
    Cette loi est donc bel et bien une atteinte à la Liberté Individuelle.

    Or, ce qui est extraordinaire et tend à prouver à quel point nous sommes totalement lobotomisés, ce sont les discussions sur ce sujet.
    Lancez donc, au repas de famille ou à la cantine de l’usine, ou dans les salons les plus feutrés des intellectuels à la mode un mot sur la ceinture de sécurité obligatoire.
    Vous n’aurez comme arguments que les pour ou les contre, chacun y allant de son avis éclairé sur les avantages ou inconvénients en cas d’accident, ou de gros ventre, ou de marque indélicate sur un costume en alpaga.

    Personne pourtant pour engager le problème par la base:
    cette loi est hors la Loi de la république, point!
    Puisqu’elle remet en cause le sens même de la Liberté telle qu’elle est évoquée dans la Constitution Française.

    Ceci que pour la ceinture, en y réfléchissant un peu il doit y avoir d’autres avancées du libéralisme à tout crin, paternaliste et protecteur de son troupeau, d’autres avancées vers la lobotomie !

    Que dire par exemple de cette loi idiote et violente, loi non écrite, qui consiste à nous imposer comme une évidence qu’il ne faut jamais se plaindre de rien à son banquier ?
    Alors que tout de même, soyons clairs, ce mec ne sert à rien, rien d’autre qu’à garder au coffre l’odeur de notre argent disparu à peine déposé !

  3. J.J.

    C’est avec beaucoup de satisfaction que je te contredis : oui, en France ce genre de démarche est parfois possible : dans le secteur de Brie- La Braconne, très mal desservie par l’A D S L, les habitants du secteur, leur conseiller régional en tête, ont pris l’initiative de mettre en place des relais leur permettant l’accès à internet.

    Il est dommage qu’une publicité plus grande ne soit pas donnée à ce genre d’initiative, car depuis que c’est en place, on n’en entend plus parler.

  4. Sylvie Va

    bel exemple mais surtout belle démonstration, s’il en fallait de notre lobotomie. Avoir ou Etre ? tant ne se pose plus la question, au péril des bonheurs simples de la vie…
    Les citoyens ont oublié que ce sont eux qui changent le monde, il suffit de reprendre sa vie en main et la considérer étant un élément individuel mais indivisible de la collectivité.

    Les élus ne sont que les représentants de nos besoins (les vrais besoins) pour rendre la vie plus simple et la gérer au mieux (!!?)
    Or c’est l’inverse qui s’est produit et désormais, tout le monde délègue à n’importe qui, ce qu’il pourrait très bien avec d’autres mettre en place lui même.
    on sent tout de même une volonté, surtout dans le circuit court alimentaire, où les limites de la décence ont été largement dépassées.
    Mais les pauvres travailleurs du Bengladesh qui ne sont pas encore morts, ont un avenir d’esclave de notre propre aliénation assuré pour un bout de temps encore.
    je désespère de plus en plus.

  5. Cubitus

    La démonstration sur la ceinture de sécurité me parait un peu légère et irresponsable. Il n’est plus nécessaire de démontrer qu’elle diminue de manière significative les dommages corporels. Sans ceinture de sécurité, les blessures en cas d’accident seront beaucoup plus graves et nécessiteront des soins plus importants. Or qui va payer ces soins si ce n’est la collectivité ?

    Parce que tant qu’à parler de liberté, pourquoi n’ai je pas le droit de traverser Créon à 130 km/h,(ce qui serait d’ailleurs difficile), de posséder un Colt 44 ou un AK 47, de prendre le volant après 15 apéros et de prendre ma bagnole si je n’ai pas de permis de conduire ni d’assurance, de construire comme je veux où je veux etc. Ça fait beaucoup d’atteintes à ma liberté n’est ce pas. Juste un petit rappel de l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 qui stipule que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui »
    La liberté est un droit, bien sûr, mais comme tout droit il a sa contrepartie. Aussi, qu’on ait le droit de ne pas attacher sa ceinture de sécurité, soit. Mais en contrepartie, il faudra reconnaître aux hôpitaux le droit de refuser de soigner l’accidenté qui n’aura pas été attaché ou du moins pas gratuitement sur le dos de la collectivité. Même au nom de la liberté, on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre.

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