Les libertés estivales relèvent souvent de l'irresponsabilité

 

Il faut bien se rendre à l’évidence. En été, toutes les attitudes, même les plus condamnables, s’installent dans les pratiques sociales quotidiennes. Un peu comme si les vacances excusaient tous les excès et surtout toutes les fausses libertés car ayant une incidence défavorable sur les autres. Le tapage nocturne n’a plus lieu d’être condamnable car il appartient aux avatars de la « fête ». Toutes les fins de semaine, la gendarmerie, la police et dans les villages les maires, sont appelés dans la nuit pour aller sermonner des familles qui vocifèrent, confondent musique et déferlement de décibels ou qui considèrent que leur piscine est un terrain de jeux inter-villages au cœur de la nuit pour des bains qui dépassent minuit. Les bruits de voisinage constituent la plaie sociale actuelle et reflètent le mépris général pour la tranquillité publique, une concept archaïque. C’est un constat estival récurrent, mais personne n’a la vraie solution pour empêcher que les gens détenteurs d’un lieu réputé privé empoisonnent la vie de celles et ceux qui n’ont plus le même niveau de fortune.

 

Les engins motorisés défilent dans le chemins creux qui ne sentent plus que les vapeurs de carburant faute de noisetiers suffisants. Les « quads », engins de domination venus des armées US, se moquent pas mal des interdictions, car leurs propriétaires savent fort bien que le temps que les forces de l’ordre arrivent ils seront très loin, et il en est de même pour les autres motos dites de cross… auxquelles le monde naturel appartient. Peu de respect pour les espaces naturels sensibles, dans lesquels la « cueillette » de quelques espèces rares appartient aux habitudes des admirateurs de la flore. Arbres malmenés, sous-bois ratissés, fleurs coupées : la frontière est mince entre la découverte et le pillage ! Même phénomène sur le patrimoine bâti avec des graffitis inopportuns , des récoltes de souvenirs arrachés aux murs : le respect devient une denrée rare, très rare !.Chaque fois, deux excuses identiques : « on a payé ! » et « on savait pas ! ». Le touriste devient de plus en plus difficile à maîtriser, surtout lorsqu’il se déplace en bande organisée. C’est un constat quotidien reposant sur un axiome : en été, fais ce qu’il te plaît et surtout fais tout ce que tu ne peux pas faire le reste de l’année !

 

On en arrive à des situations étranges, indéfendables, mais qui dans le fond ne choquent pas grand monde. Ainsi, les recherches engagées pour retrouver deux couples (au départ personne ne savait de qui il s’agissait!) dans la région de Manosque (Alpes-de-Haute-Provence), ont coûté environ 65 000 euros. Dans les articles de presse, on s’arrête à ce nombre mais aucun ne précise que ce seront les impôts locaux (SDIS) et nationaux (gendarmerie) qui seront ponctionnés pour une situation pour le moins critiquable. Dans un communiqué, la préfecture du Var et le procureur de Draguignan rappellent notamment qu’en cas de changement de programme, les usagers doivent prévenir les forces de l’ordre afin que « les secours engagés inutilement puissent être mobilisés là où on a vraiment besoin d’eux ». Encore une fois, la morale qui ne se traduit pas par une sanction est totalement dérisoire. La preuve ? Ces canoteurs négligents et même impudents ne risquent qu’une amende de 35 euros pour « dépassement de l’heure limite sur un cours d’eau », c’est à dire moins qu’un excès de vitesse de 4 kilomètres au-dessus de la vitesse limitée ! Comprenne qui pourra !

 

En ce qui concerne les moyens engagés autour du lac de Sainte-Croix, le coût total du dispositif du SDIS (service départemental d’incendie et de secours) s’élève à 5 200 euros et celui du dispositif de la gendarmerie à 59 482 euros. Là n’est pas le vrai problème. En été, tous les participants à une activité de pleine nature doivent être… assurés. Or, d’abord, pas un responsable de structure ne le leur demandera et surtout les services de l’État (gendarmerie) ou du SDIS ne demandent que rarement l’intervention de l’assurance « responsabilité civile » des fautifs ! On laisse courir au nom du service dû au public ! Le coût de toutes les interventions estivales « inutiles » sont toujours imputés à la solidarité financière collective. Les assureurs se gavent en permanence, mais ne répondent que rarement aux termes de leurs contrats. Ces deux couples, qui avaient loué un canoë sur la plage du Galetas à Aiguines (Var), ont reconnu avoir abandonné le canoë, sans prévenir quiconque. Ils ont raconté avoir chaviré, renversés par une petite vague à la suite du lâcher d’un barrage hydroélectrique. Après une dispute, « pris de panique », ils ont alors laissé leur embarcation, emporté pagaies, gilets et bidons, « emprunté la piste et sont rentrés chez eux », pris en charge par un automobiliste, avaient-ils ajouté. Ils sont donc totalement responsables ! Toutes les interventions des forces de l’ordre ou des services de secours ne pourront plus, à terme, devenir gratuites quand elles sont inutiles ou surfaites. Sur les plages, dans les montagnes, sous terre, dans les airs, sur tous les supports, la liberté estivale se mélange à l’inconscience. Mais comme il ne faut jamais effaroucher le touriste, on fera payer par la collectivité ce qui relève de la responsabilité citoyenne individuelle.

 

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Cet article a 2 commentaires

  1. Eric Batistin

    A l’ocean, sur la cote atlantique, on ne peut plus accéder aux plages sans passer par un couloir bordé de fils de fer.
    L’impression est étrange de faire partie alors d’un troupeau de bétail.
    Ceci pour une raison simple finalement, plus personne ne lève les pieds en marchant mais les traine à ras du sol, et ceci détruit toutes les jeunes pousses .
    D’où ces passages obligatoires utiles à la préservation de la flore.

    Le couloir de plage n’est autre qu’un prolongement des moquettes d’appartement et des trottoirs de béton des villes grises.
    Plus personne ne lève les pieds en marchand… Nous ne sommes que des traine savates !
    Sans autre ressources que les rayons au sol lisse de nos supermarchés, où, là aussi nous glissons sans fin.
    Nos routes goudronnées sont impeccablement entretenues, lisses elles aussi, la guerre aux nids de poules y fait rage.
    Plus personne ne saurait courir dans un champ d’herbes hautes et folles, la seule herbe que nous supportons est celle, rase, des stades.
    Les escaliers tentent à disparaitre définitivement, remplacé par des ascenseurs ou des escalators automatiques.

    Nos idées, nos pensées aussi se font lisses, toute tentative d’élévation est ressentie, pressentie même depuis la scolarité, comme une atteinte au bon fonctionnement.
    La seule ligne accepté est la ligne plane, celle qui ne demande comme effort que la volonté de suivre le mouvement, porté par le flot, poussé par la foule.
    Lever les pieds pour marcher, et les poser délicatement à coté d’une jeune pousse tendre qui lutte pour survivre, cela est un effort que nous ne pouvons plus faire.
    La perte d’équilibre serait irrémédiable.
    Elever son esprit et prendre soin de l’avenir de nos gosses et envisager sa vie autrement que dans la perspective de l’allongement linéaire de notre propre liberté, tout ceci demande d’accepter que le monde a quelques aspérités !
    Et que de là nait la beauté.

    Pourtant, ne tirer que des traits horizontaux dans un monde où tout tend au sphérique, c’est un peu la quadrature du cercle, il y a toujours un angle de trop.
    Du coup, plus rien ne tourne rond !

  2. fabienne Sartori

    On ne récolte que ce qu’on sème : on a voulu faire des citoyens consommateurs infantilisés, abrutis toute l’année par le travail et les transports, payant docilement leurs impôts et gavés de tout ce que leur fournit la télévision. Je ne leur trouve pas d’excuses mais des circonstances atténuantes : c’est une situation organisée, qui effectivement finira par peser sur la société.

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