Le bonheur d'une vraie nuit des étoiles montantes

1004696_10201704651725108_1855759022_nCe fut vraiment la nuit des étoiles sur la piste cyclable qui traverse l’Entre Deux Mers, meurtri il y a une semaine par des orages dévastateurs. Elles étaient certes dans le ciel, au-dessus des têtes penchées sur des assiettes aux odeurs et aux saveurs attractives mais aussi dans les cœurs de cette foule bigarrée, soucieuse de partager les plaisirs simples mais de plus en plus rares de l’échange et de l’amitié. Si les unes sont lointaines, durables et visibles les autres sont discrètes, éphémères et subtiles, car seuls celles et ceux qui sont très attentifs peuvent les saisir dans les regards des enfants ou des moins jeunes. Beaucoup découvrent en effet les extraordinaires bienfaits de la vie collective reposant sur la liberté et la joie de vivre.

Une immersion durant quelques heures dans la diversité sociale nettoie de bien d’autres bains d’individualisme qui se pratiquent sur le canapé et devant la télévision. Tout n’est pas parfait, car l’esprit grégaire ne facilite pas forcément les conversations inattendues, mais au fil des minutes, avec le renfort d’une euphorisant déconseillé par la loi Evin, on parvient à nouer le dialogue. Une étude, comme il en pleut chaque été, constaterait que, majoritairement, le nombre d’étoiles augmente dans les yeux au fur et à mesure qu’avance la soirée, alors que les cieux ne peuvent pas se permettre pareil miracle. On sait fort bien à Créon que ce n’est pas grâce à la voie… « lactée » que cette croissance exponentielle de regards heureux existe. Elle serait plutôt générée par la voie « rosée » dont les effets sur l’ambiance générale se révèlent extrêmement positifs. Les parfums de la lamproie, de l’omelette aux cèpes, des escargots à la bordelaise ou des côtes d’agneau frites… montent comme autant d’invites faites aux extra-terrestres à rejoindre un village gaulois où l’on tue encore le sanglier.

D’autres étoiles, peut-être les plus belles, se trouvaient sur scène. Rassemblées pour un concert, les instrumentistes du Jeune Orchestre symphonique de l’Entre Deux Mers ont laissé exploser pacifiquement leur immense joie d’être invités à la fête. Ils respirent la musique et surtout ils exhalent un envie sincère de la partager avec le plus grand nombre. Les vibrations traversent l’air pour interpeller les cœurs les moins enthousiastes. Ces adolescents passionnés s’envolent dès que leur archet glisse sur une corde ou qu’une hanche vibre entre leurs lèvres. Seules les étoiles, les vraies, les passionnantes, celles dont on remarque vite la présence parmi toutes les autres, ordinaires et hésitantes, balbutiantes, peuplent cet orchestre en devenir constant puisqu’il lui faut sans cesse se renouveler. Inutile de le cacher, c’est un bonheur profond pour un élu qui depuis 30 ans se bat pour que la musique collective participe au bonheur de ces soirées. Ils sont là, installés sous les voûtes du ciel et dans l’écrin du Point relais Vélo accompagnant des regards vers le ciel où évolue un trapéziste aérienne. Pas d’autorisation religieuse à demander, pas de répertoire à présenter : libres comme les oiseaux du poème de Prévert auquel on a ouvert la cage des convenances. Tous les thèmes leur vont… et tous les styles leur conviennent. Passant du classique au récent, allant du romantique à l’endiablé, le Josem présente aux convives conquis les notes les plus sympathiques qui soit à l’issue d’un festin pantagruélique. « Toutes les passions reflètent les étoiles » selon Victor Hugo et eux reflètent en plus la joie de vivre dont nous avons tant besoin.

Ces instants participent à une l’émergence d’une constellation située à des années lumière de notre monde, puisque le bonheur y est immatériel, subtil, impalpable. Le nez dans les étoiles ou les idées dans le ciel, seul au milieu de tous, le moment est venu de mesurer le chemin parcouru par Créon durant 3 décennies… Le rideau noir de la nuit tombe. Seuls subsistent les souvenirs et les regrets. Les projecteurs s’éteignent, les guirlandes des loupiotes des stands partent, les ombres du dévouement s’agitent pour effacer les traces de la soirée, les bruits du quotidien ont pris le dessus. Il faut rentrer, avec vraiment la tête dans le brouillard. Beaucoup regrettent de ne pas avoir fait davantage confiance à la voie lactée plutôt qu’à la voie rosée ! Là-haut, les étoiles clignent des yeux ou se contentent d’une lueur pâlichonne. Les bonnes comme les mauvaises reprennent le dessus pour dessiner demain un avenir réputé différent à chaque être humain. L’aube viendra trop tôt. Elle sera embrumée, sans que la chaleur y soit pour quelque chose. Il sera bien difficile de savoir si les silhouettes qui traversent le brouillard portent les rêves ou la réalité. Pour moi, aucun doute, les deux se confondent lors de ces soirées confiées aux volontés du ciel !

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Cette publication a un commentaire

  1. Eric Batistin

    Belle balade en pays de solitude !
    Celle tout à fait supportable que nous devrions chanter toutes et tous:
    voir le monde, comme vous le faites, Monsieur, avec tant de compassion.
    Oui, la compassion ouvre sans nul doute la voie au plaisir de reconnaitre en l’autre une parcelle de l’univers, nous ne sommes que frères et sœurs, je le crains !!

    Vous dites: « Une immersion durant quelques heures dans la diversité sociale nettoie de bien d’autres bains d’individualisme se pratiquant sur le canapé et devant la télévision. ».

    Sur ce point j’ai remarqué une chose dans nos modes de relation.
    Habitués à n’avoir comme interlocuteur que la télévision, ceux qui en abusent finissent par n’attendre de toute discussion qu’une écoute attentive de leurs longs monologues.
    Ce qui n’est que juste revanche, la télévision ne les écoute jamais !
    Petit à petit, nous monologuons donc, en lui et place de s’entendre.

    Ces suites interminables de monologues partagés, en guise de langage reconnu et pratiqué par tous, mènent elles à la vrai solitude.
    Le langage télévisuel aura donc influé sur nos modes de fonctionnement.
    Si l’on s’intéresse alors aux interactions entre le langage et le monde, nous nous apercevons qu’il est devenu impossible d’exprimer en société un sentiment simplement humain, sans passer par la grille prédéfinie de la soupe linguistique imposée.

    En clair, si nous tentons d’exprimer une idée forte, par exemple, le soin que nous souhaitons apporter à l’œuvre de toute une vie d’un ancien disparu, il ne suffit plus d’annoncer ceci comme une évidence.
    Évidence pour cœur purs.
    Il faut, pour justifier une telle offense aux codes établis et sans cesse répétés de la rentabilité, annoncer que la mémoire aux anciens, leur savoir faire et leur message aux jeunes générations sera à l’ordre du jour de la prochaine réunion… des copropriétaires.!

    Et les veuves éplorées des maitres artisans, maitres apiculteurs,… maitres viticulteurs, ou maitres à penser font la quette aux portes des ministères concernés pour trouver l’argent nécessaire à la protection du patrimoine !

    Ceci se répercute jusque dans notre langue, dans la façon même que nous avons de nous adresser à l’autre, à qui il est fort difficile de faire entendre que de dire :
    « je porte grand « intérêt » à ta personne peut signifier autre chose que d’en vouloir à son argenterie, à ses meubles ou à sa télévision !

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