Un seul secteur d'hébergement estival en hausse : les prisons !

Les statistiques sur la fréquentation des structures d’accueil durant la période estivale viennent de sortir. Chacun y va de sa déception institutionnelle, car il est extrêmement rare d’entendre un professionnel se déclarer satisfait de son chiffre d’affaires. Généralement, on annonce une baisse liée au climat, à la crise, aux contraintes réglementaires, mais jamais une remise en cause du système lui-même. Et pourtant on a en France des lieux où justement on a battu des records de présence ! L’été est là et on le sait fort bien dans… les prisons de l’hexagone : les chiffres tendent vers un nouveau record. En juin 2013, pour un total de 57.325 places, ce sont près de 68.000 détenus qu’il a fallu «loger». Un chiffre en hausse de 1,6 % par rapport à l’année précédente (les mesures de placement sous surveillance électronique ont, elles, augmenté de 14,5 %). Et pendant ce temps, la Droite hurle à la mansuétude des juges et évidemment met en cause Christine Taubira ! Le paradoxe, c’est que jamais il n’ y a eu autant de mises sous les verrous, sans que cela change grand chose à la perception qu’ont les Français de l’insécurité. Partout, ce que l’opinion dominante présente comme des espaces de « villégiature » devient un réceptacle de toutes les formes de délinquance. Jamais on a autant sanctionné dans le pays des Droits de l’Homme.

L’exemple de Seysses, près de Toulouse, en dit plus long encore. Inaugurée il y a dix ans, cette maison d’arrêt, prévue pour près de 600 détenus, affiche un taux d’occupation de 134 %. «La promiscuité, la chaleur font que tout devient prétexte à conflit.. Béthune (Pas-de-Calais), fait partie des neuf établissements dont la densité de population dépasse les 200 %. Initialement prévue pour 180 détenus, elle en contient 423 aujourd’hui. Et on annonce qu’elle peut en accueillir 513 ! L’été de tous les dangers car, inévitablement, la France sera montrée du doigt. Selon les statistiques pénales du Conseil de l’Europe, la France affiche un ratio de 111 prisonniers pour 100.000 habitants, un niveau comparable à celui de l’Italie et inférieur à ceux du Luxembourg (125) ou de la Grande-Bretagne (152). Du point de vue de la den­sité de la population carcérale, la France se situe, avec 113 % d’occupation, au-dessus de la mé­diane européenne. D’où une nécessité ressentie par de nombreux acteurs de créer des places de détention, mais on sait fort bien que dans le contexte actuel c’est mission impossible !

Tous les chiffres démontrent que les accusations portées contre le gouvernement n’ont aucun fondement. Le nombre de prévenus (personnes en attente de jugement) est aussi en hausse de 1,1% par rapport à la même période l’année dernière, s’élevant à 17.318 personnes, pour 51.251 condamnés. Les mineurs incarcérés sont au nombre de 799 au 1er juillet, soit une hausse de 2,7% par rapport au mois précédent. Ils représentent 1,2% de l’ensemble de la population carcérale. Les aménagements de peine (placement à l’extérieur, semi-liberté, surveillance électronique) concernent 21,9% des condamnés écroués, soit 13.900 personnes. Ces aménagements ont progressé de 10,2% en un an et de 33,3% en deux ans. Par ailleurs, 629 personnes sont placées sous surveillance électronique de fin de peine (Sefip), un chiffre en hausse de 1,9% sur un an. C’est plutôt le contraire que devrait dénoncer la Droite : la répression augmente et elle se révèle totalement inutile.
Pour Jean-Marie Delarue, « si la prison punit bien, elle n’assure pas la réinsertion et la reconstruction des personnes détenues ». Et de dresser un constat sans appel : « La sécurité sera assurée lorsque la prison fonctionnera bien ». Il réclame plus de personnels, plus de moyens. Il continuera longtemps à prêcher dans le désert. En fait, il circule des idées reçues, des poncifs approximatifs, des commentaires ignorants… que bien évidemment l’UMP reprend en boucle à son compte, dénonçant avec son aplomb habituel la politique « pénale » du gouvernement qu’elle juge laxiste. « Il y a un paradoxe à dire qu’une politique est laxiste alors que les prisons n’arrêtent pas de se remplir », réagit Jean-Marie Delarue. De plus, « ce n’est pas le gouvernement qui envoie les gens en prison, ce sont les juges« . C’est une évidence qui n’a aucune chance d’être perçue comme telle par une opinion publique persuadée que toutes les personnes doivent être mises en prison. Sauf celles et ceux qui tiennent ce discours, bien évidemment, puisque les sanctions sont pour les autres, jamais pour eux ! D’autant plus que surgit dans l’actualité un « raté » désastreux à Dreux ! Trois malfaiteurs ont été relâchés par décision de justice faute de place dans la maison d’arrêt de Chartres ! Deux d’entre eux ont été condamnés à trois mois de prison ferme et arrêtés jeudi à Dreux pour exécuter leur peine. Dans un rapport adressé le même jour à la Direction centrale de la sécurité publique, un commandant de police écrit que l’officier de police judiciaire de permanence s’est vu signifier, par instruction verbale du substitut de permanence du parquet, de « libérer sans délai » les trois malfaiteurs « ,sans suites judiciaires, au prétexte que la maison d’arrêt de Chartres était « pleine ». Parmi les trois délinquants, figure un jeune homme de 26 ans, condamné à trois mois de prison ferme pour rébellion, violences contre un policier, outrages et conduite en état d’ivresse. Est-on certain que la solution était la prison ? En tous cas, on saura s’en servir à fond contre Taubira !

 

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Cet article a 3 commentaires

  1. Eric Batistin

    Berlusconi a pris des années de prison et il ne les fera pas sous prétexte qu’il est trop âgé, 76 ans je crois. Mais il est vrai que cela se passe en Italie.
    En France, par contre, je ne sais s’il existe un age limite pour devenir délinquant.
    Si cela était, nos retraités désargentés auraient au moins l’avantage de pouvoir dévaliser sans crainte la succursale de la banque la plus proche de leur domicile, sans craindre les moindres représailles.
    Une nouvelle philosophie du pardon et du respect que l’on doit à nos anciens..
    Ceci étant, il nous reste à résoudre le problème de celles et ceux encore assez jeunes pour être réprimandés pour faute grave.
    Je propose que nous imposions à tous les directeurs de prisons, comme il en est fait l’offense aux directeurs d’écoles, d’hôpitaux et autres services publics, le sacrosaint calcul de la rentabilité.
    Qu’est-ce qu’une école rentable, sinon la mise en perspective d’une vie de labeur au service d’une machine froide ?
    Que sera une prison modèle alors, sinon la possibilité qu’il y soit enseigné avec un léger décalage dans l’age moyen des élèves forcément studieux, ce que l’on a tenté vainement d’inculquer à l’école: la rentabilité !
    La rentabilité, la rentabilité !
    Et bien, messieurs les libéraux, vos leçons, bien malgré vous ont été entendues, il est plus rentable de vendre de la drogue ou de braquer un supermarché que de travailler esclave chez Mac’Donald, Renault ou au Crédit Agricole.
    De quoi vous plaignez-vous donc, mesdames et messieurs, beaux et tristes sires du FMI, quand toute une jeunesse en mal de vacances d’été a besoin de dix euros à chaque fois qu’elle décide de sucer une de vos boules glacées et aseptisées?
    Avant qu’elles ne soient rentables, les vacances connaissaient les glaces au lait et aux fruits; fruits en retour de marché, un peu abimés et utilisés chez le glacier.
    Aujourd’hui, seule la poudre est rentable, poudre parfumée délayée dans un peu d’eau, glace framboise ou vanille, poudre aux yeux.
    Votre rentabilité, messieurs et mesdames les grands financiers, dans le désordre où vous menez le monde, votre rentabilité n’est qu’une prison.
    Oui les prisons sont surpeuplées, mais le panneau « prison » est bel et bien là où il doit être pour y représenter son sens le plus précis: à l’extérieur !
    Derrière les murs d’enceinte, de ces camps d’infamie pour nos frères et soeurs, ceux que vous juger pas assez rentables. se joue l’avenir de vos fondements, quand l’orage éclatera.
    En un éclair une Bastille, pourtant presque vide a fait fit des privilèges.
    Quand le peuple affamé décida de libérer les mal-aimés du royaume.
    En un éclair, orage d’été, censeurs moralistes, accesseurs de la rentabilité, argentiers froids, tout prendra fin, sans compter.

  2. Pierre GACHET

    La première difficulté du sytstème pénitentiaire français vient de la rareté de l’argent public pour faire fonctionner les établissements pénitentiaires ou bien pour investir dans leur amélioration.

    Le budget de l’administration pénitentiaire française est rigidifié pour de nombreuses années (jusqu’en 2030 environ) par les partenariats publics privés destinés à faire financer la construction de la quasi totalité de le dernière vague d’établissements neufs (13 200 places) par de l’argent privé, l’État devenant locataire de ces structures. A ceci s’ajoute les contrats de fonctionnement de la totalité des établissements pénitentiaires construits depuis la fin des années 1980, dévolus à un oligopole de sociétés privées filiales de grands groupes comme GDF-Suez. Une fois ces sociétés payées, le reste des crédits, déjà insuffisants, est consacré au fonctionnement et à l’investissement dans les établissements en gestion publique, les plus anciens et les plus nécessiteux des prisons françaises. Pour donner un ordre de grandeur, le budget annuel total (personnel technique, fonctionnement et maintenance, hors investissement) d’un établissement en gestion publique de 700 personnes détenues était en 2011 de 4 M d’euros contre près de 7 M pour une gestion déléguée au secteur privé. Il y a donc une administration pénitentiaire à deux vitesses, ce qui est contraire aux valeurs républicaines et du service public.

    Les chiffres donnés dans l’article, qui sont publics (http://www.justice.gouv.fr/art_pix/mensuelle_inTERnet_juin_2013.pdf), donnent une photographie de la situation au 1er juin 2013. Ils ne disent rien des mouvements d’entrée et de sortie des personnes sous main de justice, et en particulier de celles incarcérées et hébergées en établissement. Il faut savoir que, par exemple, une maison d’arrêt hébergeant 800 personnes à un moment donné, connaîtra de 1 700 à 2 000 entrées et sorties dans une année. Les personnes écrouées ne le sont pas ad vitam aeternam, n’en déplaise à celles et ceux qui pensent que l’enfermement perpétuel devrait s’appliquer à toute personne condamnée. Ces chiffres disent aussi l’importance qu’a le suivi des nombreux sortants de prison pour éviter la récidive, dont on sait qu’elle est assurée si la libération n’est pas suivie par un conseiller d’insertion et de probation (sortie « sèche »).
    L’administration pénitentiaire a la charge de faire appliquer les décisions de la justice pénale. C’est donc du côté de la loi et de son application qu’il faut aller voir si l’on estime que le nombre de personnes détenues est trop élevé. Les peines plancher ont eu pour effet d’augmenter la durée moyenne des peines d’emprisonnement, ce mouvement s’étant déjà amorcé auparavant. Qui dit peine moyenne plus longue dit augmentation du temps d’occupation d’une place d’incarcération et donc suroccupation des lieux (question hôtelière de base !). Mais l’administration pénitentiaire ne reçoit jamais l’ordre de libérer une personne en raison du manque de place. Dire ceci est une contrevérité absolue. Ce que dit ou fait un procureur ne regarde pas l’administration pénitentiaire.

    Les chiffres montrent une stabilité du nombre de prévenus en prison (autour de 17 000, contre 25 000 il y a dix ans)) et un accroissement du nombre de condamnés à une peine définitive. Cet élément illustre bien le point précédent, comme celui de l’augmentation sensible du nombre de mineurs condamnés définitivement (+10% sur un an). En revanche, ils ne montrent pas que la surpopulation pénale ne s’applique qu’aux maisons d’arrêt, établissements ne recevant que des prévenus ou des condamnés à de courtes peines, les autres établissement ne pouvant recevoir plus de condamnés (condamnation définitive à des peines supérieures à 2 ans) qu’ils ne disposent de places (numerus clausus). La situation d’incarcération la plus difficile est donc réservée aux prévenus, juridiquement innocents, et aux condamnés pour les plus petits délits. Paradoxe…

    La situation pénitentiaire est donc complexe. Qui s’interroge sur le sens de la peine? Faut-il emprisonner les délinquants financiers comme on le fait des voleurs de poule à répétition? La législation sur les stupéfiants crée une masse se délinquants sans résoudre la question du commerce de ces produits. Pourquoi ne pas débattre de la dépénalisation du cannabis, dont le commerce et l’usage créent une délinquance qui encombre nos prisons? Pourquoi continuer en enfermer certains délinquants routiers? Pourquoi ne muscle-t-on pas vraiment les services d’insertion et de probation, dont on sait qu’ils luttent efficacement contre la récidive? Pourquoi placer la prison en première intention pour sanctionner et ne pas réfléchir à d’autres modes de réparation des dérives de comportement les plus fréquentes? Bref, réfléchir, réfléchir…

  3. Antoinette Pace

    Si vous êtes condamné à une peine de prison de trois ans ou moins, le directeur de prison décide si vous pouvez subir votre peine sous surveillance électronique. Dans ce cas, vous pouvez passer toute votre peine de prison en dehors de la prison, via la surveillance électronique.

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