A chacun sa référence à la date du 4 août…

 L’éphéméride du 4 août reprend en boucle les événements importants s’étant déroulé ce jour là dans l’Histoire de France. Sur les ondes des radios, tout commence avec l’Institution de la vignette auto de Paul Ramadier afin d’alimenter le fonds national pour la vieillesse mais on oublie que le 4 août 1944 la Gestapo arrêté Anne Franck et qu’il aura fallu attendre le 4 août… 1982 pour voir l’homosexualité dépénalisée en France. Deux pierres blanches à poser sur le chemin du temps, car elles permettent de mesurer le chemin parcouru en marche arrière au moment d’aborder le 4 août 2013. En effet, jamais les idées de l’extrême-droite n’ont été aussi en vogue dans notre beau pays, et nous sortons juste de cette période débile où des intégristes religieux ont éructé contre le mariage pour tous. Bizarre que la Droite, de moins en moins républicaine, ne reconnaisse jamais que toutes les avancées sociales ont été liées à l’arrivée au pouvoir de la Gauche, même imparfaite et parfois timorée !

La mémoire étant devenue une « denrée » rare, il n’est pas inutile de la doper un peu par quelques références stimulantes. Bien évidemment, il en est une que, ce matin, peu de monde a commenté, celle du 4 août 1789 ! C’est loin ! Trop loin ! Dans les manuels modernes, les dates n’ont plus leur place puisque on enseigne globalement l’histoire, en oubliant que, faute de repères précis, on reste dans le flou intégral. Or cette nuit là devrait davantage compter que celle du 14 juillet. A elle seule, elle symbolise ce que plus personne n’a jamais osé accomplir dans la gestion d’une nation. L’historien Jules Michelet a résumé l’importance de cette séance du « parlement » d’alors : «La nuit était avancée. Il était deux heures. Elle emportait, cette nuit, l’immense et pénible songe des mille ans du Moyen Âge. L’aube qui commença bientôt était celle de la liberté. Depuis cette merveilleuse nuit, plus de classes, des Français ; plus de provinces, une France. Vive la France !» Aucun autre écrivain n’a  pu, depuis cette date là, évoquer un acte aussi fort ! Une révolution réelle repose davantage sur des décisions de ce type que sur des faits d’armes, aussi glorieux soient-ils. Si l’on suit le fil des événements, on retrouve d’étranges similitudes avec ce que pourrait être un rendez-vous identique dans l’époque moderne.

A partir du 20 juillet, d’étranges rumeurs se propagent, attisant de grandes paniques dans la population des villes et chez les paysans, amplifiées par la sonnerie du tocsin. Les brigands seraient recrutés par l’aristocratie pour s’en prendre aux récoltes. On suspecte les vagabonds errants d’être des brigands dont on craint l’invasion. A Paris, on parle même d’une « Saint-Barthélemy des patriotes ». Des paysans s’arment, des milices villageoises sont formées comme ce fut le cas à Créon selon les archives de cette époque. Or, faute de brigands, les populations des campagnes s’en prennent aux seigneurs, pillent les châteaux et brûlent les archives, en particulier les terriers qui fixent les droits et les propriétés seigneuriales. L’insécurité a toujours été au cœur des préoccupations et ce qui laisse accroire que ce n’est qu’une invention moderne relève de la supercherie. Bien évidemment, chacun à son idée sur les solutions, car ces soulèvements inquiètent les députés siégeant à Versailles. Un éternel débat ! Réprimer ? Accompagner ? Récupérer ? Le 4 août, l’Assemblée interrompt le débat sur la Constitution et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, quand en 2013, ils débattent du droit…des consommateurs! Rude contraste ! Même si les questions au gouvernement n’existent pas, l’absence de formalisme permet de présenter des motions ! Celle de Jean-Baptiste Target, avocat qui défend la sûreté publique et déclare que les lois anciennes subsistent tant qu’elles n’ont pas été abrogées ou modifiées, et que les impôts doivent continuer d’être perçus jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné par l’Assemblée…. Croyez vous que les temps ont vraiment changé ? Heureusement, il existe ce que l’on appelle « le club des Bretons » qui se réunit avant la présentation des textes pour les modifier, les approuver ou les repousser.

C’est le duc d’Aiguillon, l’un des plus grands propriétaires du royaume qui est chargé de défendre cette solution propice au maintien de l’alliance du tiers état, de la noblesse libérale et du bas clergé dans l’esprit des événements de juin. Mais c’est le vicomte de Noailles, cadet de famille pauvre, qui prend d’abord la parole, relayant les doléances et demandant l’abolition des droits féodaux, afin de ramener le calme. Puis c’est au tour du duc d’Aiguillon de proposer dans sa motion l’égalité fiscale, l’abolition des servitudes et le rachat des autres droits féodaux et seigneuriaux. Le clergé propose la suppression du droit de chasse puis de la dîme. Dans l’enthousiasme généreux de cette première séance de nuit, l’Assemblée abolit tous les droits personnels et réels, les justices seigneuriales, la vénalité des charges et les privilèges des villes et des provinces. Folle nuit au cours de laquelle s’écroule la société de l’ancien régime, fondée sur des privilèges et des ordres distincts. En fait, la Révolution vient d’avoir lieu… et elle s’est effectuée sans aucune goutte de sang, sans aucun affrontement, sans aucun atermoiement, par des représentants « élus ». A quand notre nuit du 4 août ? On peut toujours rêver !

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Cet article a 6 commentaires

  1. Eric Batistin

    Le 4 août (1789) , ou donc un changement radical sans que le sang ne soit versé, juste par l’énoncé et l’écriture de quelques règles définitives, c’est tous les jours !
    Tous les jours, mais pour l’avantage unique des banquiers, financiers et autres sbires.
    Il n’y a qu’à, pour s’en convaincre, faire un petit tour sur le site http://www.legifrance.gouv.fr/ et lire en détail (ce qui est proprement impossible) toutes les douces modifications apportées au code du travail ou autre.
    C’est le règne du codicille discret !!

  2. HUDE Patrick

    Merci Jean Marie de cet excellent rafraichissement de notre mémoire dite « collective » et … de ta lucidité « inquiètante »en comparant cette importante page d’histoire avec l’actualité !
    C’est une page, tant que des « passeurs » comme toi auront ce désir d’efficacité, don’t l’histoire conservera l’empreinte, durablement gravée dans Le livre et la pierre, alors que tant « d’acteurs » aujourd’hui follement engagés dans les tourbillons de la vie moderne, préparent et aggravent les drames qui leur fournissent ensuite matière à tant d’exhortations ou de lamentations…

  3. morland

    Quand je pense à Anne Franck, arrêtée si près de la fin de l’horreur, mais cette fin de l’horreur fut sans doute encore plus affreuse de la part de bourreaux sans espoir de victoire et donc plus fanatiques que jamais.
    Anne Franck aurait pu vivre, par sa mort elle aura réalisé son rêve d’être écrivain.
    Son martyre aura tant éclairé nos consciences.
    Quelle émotion en pensant à cette jeune fille.

    Merci de nous avoir rappelé aux souvenirs.

  4. J.J.

    La date du 4 août, j’y pense souvent ne serait-ce que lorsque je vois se présenter des monsieur ou madame Untel de Ceci ou de Cela ou du Machin de la Chose; cette maudite ci-devant aristocratie du titre ou du fric, qui ne cesse de montrer le bout du nez.

    Ils oublient avec impudence que nous sommes tous égaux devant la vie et la mort, que nous étions nus quand nous sommes venus au monde, et que nous retournerons au néant dans le même appareil.

    Evidement, il y a ceux qui ensuite ont hérité de la petite cuillère dans la bouche et des langes dorés , ceux qui ont des « habits brodés d’or pour chanter le confiteor » , mais ça ne change rien à leur humaine condition.

    C’est vrai que l’on fait oublier, avec la complicité des « pouvoirs publics » que les privilèges ont été abolis, que ce soient les titres aussi ronflants que vains, ou les fortunes insolentes.

    Quand pourra -t-on de nouveau dire et chanter : « ça ira ! »

  5. pc

    on a la mémoire quon peut, et si elle ne me fait pas défaut, le 4 août 1970 a connu une tempête dévastatrice sur le bassin d’Arcachon (avec morts dans les campings, arbres arrachés, toitures envolées etc…).
    Nombreux était les heureux « privilégiés » propriétaires de bateaux qui ont passé la journée du 5 à rechercher leurs navires partis à la dérive sur dans le bassin et pour la plupart jamais retrouvés.

  6. Gilbert SOULET

    Bonjour aux lecteurs et merci Jean-Marie
    J’ai essayé à ma façon de pomper sur la nuit du 4 août où je « reportais » l’arrivée d’enfants en provenance de FUKUSHIMA en gare d’Avignon-TGV :
    http://www.pertuisien.fr/flash.php?flash=53617

    Et dire que je suis un Cadre Honoraire SNCF !

    Très amicalement,
    Gilbert de Pertuis, porte du Luberon

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